Prédication reprise

Notes bibliques

Le texte biblique nous décrit le cérémonial utilisé pour un contrat d’Alliance entre deux peuples jusque-là ennemis Mais cette fois-ci, les contractants sont Dieu lui-même et un peuple, Israël.

Il est intéressant de voir comment Moïse a repris un rite habituel en lui donnant un sens nouveau. Si on lit attentivement le texte, on voit bien les deux réalités – le rite ancien et le nouveau sens donné par Moïse.

Ce qui vient de la tradition ancienne, ce sont les usages des pierres dressées, de l’immolation des animaux, de l’aspersion du sang sur un autel qui représente la divinité et aussi l’aspersion du sang sur le peuple.

Ce qui est nouveau : c’est la notion d’Alliance proposée par Dieu. C’est le don de la Loi par Dieu et l’engament du peuple à obéir.

 

L’Alliance

Le terme est fréquemment utilisé dans l’Ancien Testament. Il est emprunté aux traités de vassalité qui géraient les relations  politiques entre royaumes dans le Proche-Orient Ancien. Le roi le plus puissant vainqueur octroyait l’alliance au vaincu ou au plus faible qui lui demandait de l’aide. Il s’engageait donc envers lui pour lui assurer protection en cas de menace extérieure. En contrepartie, le plus fort imposait au plus faible sa loi, des tributs et tout cela devant témoins et dieux.

Dans l’AT, ces diverses traditions ont été remaniées. Mais le mot « alliance » évoque toujours un contrat, un lien juridique entre des personnes qui ne sont pas liées par des liens naturels. Dans les relations humaines, l’alliance induit des obligations et des devoirs.

Dans la Bible, nous trouvons des alliances entre les tribus (Juges 2), entre des rois (1 rois 20), entre des personnes, (Genèse 21).

Les alliances sont scellées par des actes symboliques : cadeau (Gn 21), repas (Gn 26), poignée de main (Ez. 17) ou encore objets (Gn 31).

Mais le terme d’alliance a une connotation théologique. Il évoque la relation qui unit Dieu aux hommes. C’est peut être la notion la plus originale du judaïsme. Originale par le fait qu’elle est moins la soumission d’humains en quête d’un Dieu qui les protégera que l’engagement d’un Dieu qui renonce à certaines prérogatives pour se lier à l’humanité.

Deux caractéristiques de l’alliance : elle est inconditionnelle et pacifique.

En Genèse 15 par exemple, c’est Dieu qui s’engage sans contrepartie et l’alliance est inconditionnelle.

L’Alliance apparaît déjà avec Noé. Le signe de l’A. est l’arc en ciel. C’est la signature que Dieu pose au terme de sa création. Il a créé le monde, il l’a confié à l’être humain. Maintenant, il promet de ne plus envoyer de violence dans l’histoire des hommes. L’alliance est pacifique.

    • Régulièrement, Dieu rappelle son alliance :
    • Circoncision avec Abraham
    • Repas de la Pâque en souvenir de la libération d’Égypte
    • Dieu fait alliance en donnant sa Loi (Paroles) au Sinaï.
    • Moïse devra garder la Loi que Dieu lui a donnée.

 

Les chiffres

Dans la Bible, les chiffres ont leur importance.

Le chiffre 70 évoque l’universalité tout comme le chiffre 12 qui revient à plusieurs reprises.

Douze : il s’agit d’un nombre hautement symbolique apparaissant très souvent dans l’AT. On se contentera d’évoquer les douze fils de Jacob dont le nom est transformé en Israël. Ce chiffre relie les Patriarches aux douze tribus d’Israël. Mais il est aussi lié à l’histoire de Moïse comme nous le voyons et au livre de l’Exode qui décrit les événements fondateurs de l’histoire d’Israël. Ce livre de l’Exode que la Bible hébraïque appelle le livre des noms commence en effet par la citation des noms des douze fils de Jacob qui se trouvent en Égypte. Et au moment crucial qui suit la délivrance du peuple du joug égyptien, Moïse élève douze stèles dans le désert pour sceller l’alliance entre Dieu et son peuple.

Douze plus généralement signifie une globalité qui concerne le temps et l’espace : l’année est divisée en douze mois et le jour en douze heures, alors que l’Apocalypse fait revivre dans la Jérusalem céleste les douze apôtres et les douze tribus d’Israël.

 

Pistes pour une prédication

Il y a des choses surprenantes dans ce texte qui rendent cette histoire bien éloignée de nos préoccupations ! Ces usages en effet sont bien loin des nôtres d’abord, et puis l’insistance sur le sang, c’est un langage que nous avons bien du mal à saisir..

Si les usages nous surprennent, il ne faut pas oublier que Moïse a vécu il y a plus de 3000 ans. Ces coutumes sont donc vieilles de 3000 ans et même plus car Moïse ne les a pas inventées : elles étaient courantes dans beaucoup d’autres peuples à cette époque. Elles subsistent encore aujourd’hui chez certaines peuplades dont l’histoire a évolué moins vite.

Dans notre récit, il est relaté le cérémonial habituellement utilisé pour un contrat d’alliance entre deux peuples. Mais cette fois-ci, les contractants sont Dieu lui-même et le peuple qu’il s’est choisi.

Ce qui est important dans ce récit est au début. Le récit commence par évoquer la Parole de Dieu que Moïse rapporte du Sinaï.

Quand les descendants de Moïse, des siècles plus tard, relisent ce passage de l’Exode, ils comprennent tout de suite le message : ce n’est pas le sacrifice en lui-même qui compte, le plus important, c’est l’Alliance, la fidélité à la Parole de Dieu.

Puis le récit décrit les rites du sacrifice lui-même : l’autel au pied de la montagne, les douze pierres qui représentent les douze tribus d’Israël, c’est-à-dire l’ensemble du peuple. Car c’est bien avec un peuple (et non seulement un individu) que l’Alliance est conclue. Les douze pierres dressées signifient que le peuple entier est concerné et que son unité se fera autour de cette Alliance. Là encore il y a un message pour les futurs lecteurs : il a été utile parfois de rappeler aux douze tribus ce qui les unissait.

Le verset 8 me paraît le plus important aussi : « Voici le sang de l’Alliance que sur la base de toutes paroles, le Seigneur a conclue avec vous » rappelle donc que ce n’est pas le « sacrifice » pour le sacrifice, c’est l’alliance formulée dans cette parole de Dieu. Pour le dire autrement, le sacrifice n’est jamais un but en soi : il ne vaut que par l’engagement d’amour et de fidélité qu’il instaure entre Dieu et son peuple.

Avec Moise, une étape essentielle est franchie : le sacrifice n’est plus un rite magique, il est tissé de la parole d’un engagement réciproque, il devient chemin de foi.

Moïse précise bien que c’est Dieu qui a pris l’initiative. Ce n’est pas Israël qui a essayé d’atteindre Dieu, c’est Dieu lui-même qui est venu le chercher, lui proposer d’entrer dans son Alliance et de se révéler comme un Dieu qui libère et qui fait vivre. Une des particularités de la foi biblique est d’avoir compris que toute l’initiative vient de Dieu et tout ce que fait l’homme, prières, sacrifices, offrandes, ne vient qu’en réponse à cet amour inconditionnel de Dieu qui est premier.

Reste encore un verset troublant, c’est le verset 7 : « tout ce que le Seigneur a dit, nous y obéirons ». Ne nous y trompons pas. Ce n’est pas à Dieu que notre obéissance profite. Si Dieu nous donne sa Parole, si Dieu nous donne ses commandements, c’est parce que nous ne pouvons pas trouver notre bonheur sans un certain mode de vie ; quand nous désobéissons à Dieu, c’est à nous que nous nous faisons du mal, c’est notre propre malheur que nous construisons. On pourrait presque dire : c’est à nous que nous devrions demander pardon. Notre faute à l’égard de Dieu, quand nous désobéissons à ses commandements, c’est de ne pas lui faire confiance pour diriger notre vie. Quand l’enfant se brûle au feu que nous lui avions interdit d’approcher, c’est lui qui est brûlé. À notre égard, sa seule faute est de ne pas avoir écouté, par manque de confiance en nous.

Mais la confiance ne naît pas toute seule : l’amour filial ne peut naître qu’en réponse à un amour paternel. Avant de s’engager sur la voie de l’obéissance, le peuple a fait l’expérience très concrète de l’œuvre de Dieu en sa faveur. Le don de la loi se situe par hypothèse après la sortie d’Egypte, donc après la libération de l’esclavage. Le peuple est devenu un peuple libre grâce à l’initiative de DIeu. Il peut désormais croire que l’obéissance qui lui est demandée s’inscrit en droite ligne de cette œuvre de libération. C’est ce que Paul appelle l’obéissance de la foi.

L’obéissance de la foi à laquelle nous sommes invités, c’est être des hommes libres. Ceux qui veulent bien regarder vers le crucifié et y reconnaître le vrai visage de Dieu sont frères du Christ. Ils connaissent tel qu’il est vraiment, le Dieu de tendresse, et à leur tour, ils peuvent vivre dans la tendresse et la pitié. Finalement, c’est cela être libre. Voici la vie nouvelle à laquelle nous sommes appelés.

 

Amen.