4e dimanche de l’Avent

Notes bibliques
Le livre des Psaumes appartient aux livres poétiques de la Bible avec Job, Les Proverbes, l’Ecclésiaste (Qohéleth) et le Cantique des cantiques.
Le terme Psaume signifie Louange, éloge, gloire, cantique, hymne. Au pluriel, il désigne le nom collectif des psaumes : le livre de Psaumes.
La version grecque des Septantes l’appelle psaltérion ou psalmoï. Le psaltérion est un instrument de musique (Outre ?).
Ces premières remarques pour signifier que le psaume est très lié à la musique et au chant, des chants destinés à la louange et à la gloire de Dieu.
Le chant permet d’exprimer des sentiments très divers, tous n’expriment pas la louange, telle que nous la comprenons aujourd’hui, on trouve aussi des psaumes très plaintifs, de révolte, de détresse, d’imprécation…
Le titre donné à ce recueil montre que toute relation à Dieu, quelque qu’en soit le contenu, est quelque part une louange.
Ces chants expriment devant Dieu tous les sentiments humains. L’homme ne tourne pas «autour du pot», le langage est en général très authentique et sans masque.

On peut dire que les psaumes sont très existentiels, ils expriment les sentiments profonds de l’homme ou du groupe qui les compose, d’un homme ou d’un groupe aux prises avec Dieu. André Chouraqui écrit que : ces 150 poèmes sont «150 miroirs de nos révoltes et de nos fidélités, de nos agonies et de nos résurrections» (Cf. : Nouveau dictionnaire biblique, p 1080 en bas 1ère colonne)
Ils sont attribués à plusieurs auteurs dont le plus connu est David, d’autres sont attribués à Asaph, c’est le cas du Psaume 80, on en trouve aussi de Qoré, Salomon, Moïse, Héman, l’Ezrahite, Etân l’Ezratite et d’autres sont anonymes.
Le psautier est divisé en cinq livres (1er : Ps 1 à 41 ; 2ème : Ps 42 à 72 ; 3ème : Ps 73 à 89 ; 4ème : Ps 90 à 107 ; 5ème : Ps 108 à 150).

Le Psaume 80 qui fait partie du 3ème livre, est attribué à Asaph. Ses fils sont mentionnés après l’exil, la liste des rapatriés comprend entre autre les «chantres», fils d’Asaph (Esd 2, v. 41 et Néh 7, v. 44).
Le livre des Chroniques mentionne Asaph comme étant un chantre sous le roi David (1 Ch 15, v. 17 ; 16, v. 5 ; 25, v. 2). On retrouve son nom sous Salomon et Ézéchias (2 Ch 5, v. 12 ; 29, v. 30).

Il est difficile de dater le Psaume 80, il semble décrire un état de chose plus qu’un événement particulier et daté : Le peuple se sent abandonné, plusieurs expressions le soulignent :
Irritation de Dieu contre la prière de son peuple v. 5
Les larmes v. 6
Risée des voisins et des ennemis v. 7
Nostalgie du passé, notamment de «l’âge d’or» v. 9 à 12
Insécurité v. 13 & 14
Tout chancelle v. 17.

Quelques expressions significatives qui renvoient à d’autres textes
Berger d’Israël : Nom donné aux dirigeants du peuple (Ez 34, v. 2) ; à Dieu lui-même (Ps 23) ; à Jésus dans le Nouveau Testament (Jn 10, v. 11)
Troupeau : en lien avec le berger, désigne le peuple de Dieu (Ps 74, v. 1 ; Ps 77, v. 21 ; Ps 78, v. 52 ; Ps 79, v. 13 ; Ps 95, v. 7 ; Ps 100, v. 3 ; Cantique des cantiques 2, v .16).
La face de Dieu : être loin de la face de Dieu est source d’insécurité, de peur (Ge 3, v. 8). En lien avec la grâce (Nb 6, v. 25).
Dieu des armées : l’un des noms donnés à Dieu en lien avec l’interprétation guerrière, Dieu est celui qui mène les combats de son peuple.
Jusqu’à quand ? Cri de désespoir devant l’horreur : (Es 6, v. 11 ; Hab 1, v. 2 ; Ps 79, v. 5 & 10)
La vigne : le peuple est comparé à une vigne, comparez avec Ésaïe 5, v. 1 à 7
Les brèches : comparez avec là encore avec Ésaïe 5, v. 1à 7.
L’homme qui est à ta droite, le Fils de l’homme : Aspect messianique ?
Ce Psaume se présente comme une prière d’intercession, d’appel au secours prononcé au sein de la détresse.
v; 2 & 3 : L’appel : prête l’oreille…paraît…
v. 4 : Ô Dieu, fais-nous revenir, fais briller ta face et nous serons sauvés
v. 5 à 7 : POURQUOI une telle situation, comment en sommes-nous arrivés là ?
v 8 : Dieu des armées, fais-nous revenir, fais briller ta face et nous seront sauvés
v 9 à 12 : Rappel des bénédictions du passé
v 13 : POURQUOI cette dévastation ?
v 15, 16, 18, 19 : Dieu des armées reviens… regarde… vois… interviens… protège… que ta main soit sur… fais-nous revivre
v 17 : Voilà notre situation
v 19 : Engagement du peuple (allusion ici au péché reconnu)
v 20 : Éternel, Dieu des armées, fais-nous revenir, fais briller ta face et nous seront sauvés

Quelques remarques sur cette structure
Deux «Pourquoi» encadrent au centre le rappel des bénédictions du passé. Pourquoi ne pouvons-nous plus vivre comma par le passé ?
Un refrain ponctue v 4, 8, 20 fais-nous revenir, puis v 15 l’appel est lancé à Dieu : reviens !
Pour le peuple, Dieu est de toute manière à l’origine du mouvement : c’est lui qui peut les faire revenir, c’est lui qui peut venir à leur rencontre.
Cette rencontre sera Salut pour le peuple.

La question du mal attribuée à Dieu : Pour l’homme aux prises avec Dieu, quoiqu’il lui arrive en bien ou en mal concerne Dieu. Dieu est le seul interlocuteur et c’est lui qu’il accuse ou remercie tour à tour. Toute son histoire est en lien avec Dieu.

La prédication proposée s’appuie sur cette structure. D’autres pistes peuvent s’appuyer plutôt sur les différentes expressions qui renvoient à d’autres textes comme la notion de berger, de troupeau, de vigne, etc.

 

Prédication
Lecture préalable : Luc 1, v. 39 à 45
Chant : Ps 42, str. 1, 3 et 8 : Comme un cerf altéré brame

Il n’est pas très fréquent de prêcher sur le Psaume du jour, surtout en cette période de Noël, c’est pourtant le psaume proposé qui a retenu mon attention pour cette prédication aujourd’hui. Je le lirai dans un instant.
Les psaumes sont très existentiels ; ils expriment les sentiments profonds de l’homme ou du groupe qu’ils composent, d’un homme ou d’un groupe aux prises avec Dieu.
Le Psaume 80 que je vais lire dans un instant n’est pas très facile à dater, mais il s’exprime dans un contexte difficile, le peuple se sent abandonné et sa prière monte vers Dieu.
Je vous propose donc d’entendre cette prière :

Lecture Ps 80
Voilà un peuple qui se sent abandonné, plusieurs expressions le soulignent :
Dieu n’entend pas leur prière, ils perçoivent même qu’il en est irrité. Leur nourriture sont les larmes, on se moque d’eux, tout les effraye, ils se sentent insécurisés, tout chancelle.
Voilà une situation qui, à bien des moments de notre vie peut nous rejoindre. Ce sentiment d’abandon, d’insécurité où on a l’impression que l’on ne peut plus s’appuyer sur rien.
Tout changement entraîne une perte de repère stable et nous met en situation de fragilité. Une fragilité particulièrement ressentie par ceux qui en cette période de Noël vivent sans doute encore plus douloureusement leur solitude, la perte de leur emploi, la perte d’un être cher…

Le cri de ce peuple en détresse peut alors nous parvenir :
POURQUOI ?
Oui, pourquoi ? Nous avons besoin de comprendre, de donner du sens à ce qui nous arrive, au présent que nous sommes en train de vivre.
Ce pourquoi exprimé par plusieurs prophètes, présent aussi dans certains psaumes, nous colle à la peau et nous cherchons une réponse, un responsable.
Alors, c’est Dieu qui prend et qui est responsable de tout :
TU nous nourris, nous abreuves de larmes ; TU fais de nous… ; TU as fait des brèches…
Dieu est ici responsable du mal qui atteint ce peuple : Pour l’homme aux prises avec Dieu, quoiqu’il lui arrive en bien ou en mal concerne Dieu. Dieu est le seul interlocuteur et c’est lui qu’il accuse ou remercie tour à tour. Toute son histoire est en lien avec Dieu.
Dans cet abandon ressenti, on se souvient de l’âge d’or, des moments où tout était parfait. Au cœur du psaume, on se souvient de la délivrance de l’esclavage en Égypte, de la terre qui avait été donnée et de l’abondance de bénédiction.
S’il y a ce côté parfois d’idéalisation du passé qui nous guette tous : c’était forcément mieux avant ! Nous avons aussi le côté positif de cette remémoration : Se souvenir du chemin parcouru, des moments où l’on s’est senti soutenu, nous aide à faire face au présent sans panique et plus paisiblement. Oui, Dieu a été présent dans ma vie passée, pourquoi ne le serait-il pas aujourd’hui ? Se souvenir de la présence de Dieu dans notre vie peut nous remettre sur le chemin de la confiance et nous aider à relever la tête et à repartir peut-être dans une autre direction, avec de nouvelles motivations dans la réalité qui est la mienne aujourd’hui. Non, rien ne sera plus jamais comme avant mais, ce qui est devant est à vivre et à vivre en présence de Dieu.
Un refrain revient régulièrement dans ce psaume : «fais-nous revenir, fais briller ta face et nous serons sauvés».

Fais-nous revenir ! Une manière de reconnaître que si le peuple se sent abandonné de Dieu, c’est que peut-être lui-même s’en est écarté. Accuser Dieu d’avoir fait des brèches dans leurs clôtures, c’est reconnaître qu’ils s’étaient peut-être refermés sur eux-mêmes, s’entourant de clôtures protectrices, mais aussi enfermantes, les coupant du reste du monde.
Notre tendance naturelle à ériger des barrières de protection nous joue parfois le mauvais tour de nous isoler et de nous priver ainsi du soutien qui pourrait venir de ceux que nous n’attendions pas.

Fais-nous revenir, fait briller ta face et nous serons sauvés.
Oui, la face de Dieu est source de salut. Lors d’une rencontre, à l’occasion d’un jeu sur la pensée de Calvin, un groupe s’est posé la question de savoir ce qu’était le salut et en discutant, a émergé la pensée que le salut n’est pas une réalité qui concerne uniquement l’outre-tombe, mais que c’est une réalité présente. Vivre sous le regard de Dieu, en sa présence est source de salut aujourd’hui. Le salut, c’est tout ce qui nous remet debout alors que tout cherche à nous flanquer par terre. Pour ce peuple aux prises avec le sentiment d’abandon de Dieu, le salut le remettra debout et lui permettra de vivre autrement les événements qu’il aura à vivre.

Fais briller ta face et nous serons sauvés :
Dans 5 jours, c’est Noël ! Dieu n’a pas répondu à nos pourquoi ? Il nous a offert mieux qu’une réponse, il nous a offert sa présence. En Christ, il a fait luire sa face aux yeux de l’humanité. Marie l’a bien compris : «Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement de ce qui lui avait été dit de la part du Seigneur».
En Christ, c’est Dieu qui vient rejoindre les coins les plus sombres de notre humanité, de notre vie. Il est allé jusqu’au bout, jusqu’à la mort afin de nous permettre de nous relever avec lui, nous offrir le salut, ce qui nous tient debout quand le sentiment d’abandon cherche à avoir le dernier mot.
Le dernier mot appartient à la vie, que Dieu nous a pleinement manifestée en Christ, c’est notre espérance.

Fais briller ta face et nous serons sauvés :
Que ce soit aussi notre prière et en cette période de Noël, sachons partager cette lumière avec tous ceux qui attendent une petite lueur d’espoir au sein des ténèbres.

Chant : AEC 431, Alléluia 52-06 «Pour inventer la liberté» str. 1, 2 & 3