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4ème dimanche du carême

Notes bibliques

Le Psaume 23 fait partie de la première (psaumes 1 à 41 que l’on appelle aussi la “Collection davidique“) des cinq parties que comporte le psautier.

73 psaumes, à l’instar du Psaume 23, portent la mention : de David. Celui que 2 Samuel 23/1 qualifiait de chantre des psaumes d’Israël avait une réputation de poète, de musicien, de liturge, aussi peut-on comprendre que nombre d’auteurs des psaumes se soit réclamé de lui (la propriété littéraire n’était pas ce que nous concevons aujourd’hui avec les copyright, droits d’auteur, SACEM…), ou ont voulu lui rendre hommage; même s’il y avait en Israël une large et belle tradition poétique, et qui remonte bien avant David (Lamek, Moïse, Déborah, Myriam…).

Il y a trois grandes catégories de psaumes :

  •  les louanges (8, 78, 103, 145-150, par exemple),
  •  les instructions (15, 37, 52, 112, 133, par exemple), et
  • les prières, catégorie dont fait partie notre Psaume 23. Cette catégorie se subdivise en trois sous-catégories :
– les appels à l’aide (individuels : 5, 42, 70 ou collectifs : 12, 58, 123, par exemple),

– les actions de grâce (9, 34, 41, 92, 138, par exemple) et

– les psaumes de confiance dont fait partie notre Psaume 23 (à côté des psaumes 3, 4, 11, 16, 27, 62, 91, 115, 121, 125, 129, 131). Son (ses) auteur(s) appartien(nen)t sans doute au milieu lévitique qui gravite autour du Temple de Jérusalem, et qui confesse volontiers la sécurité que l’on éprouve à être dans l’intimité avec Dieu.

 

 

Verset 1 : Le Seigneur est mon berger. Certaines versions lisent : Le Seigneur me paît. Mais l’idée est la même. Le thème du berger étant très fréquent (Genèse 49/24, Psaume 80, Osée 4/16, Michée 7/14, Ésaïe 40/11 et 49/9-10, Ézéchiel 34/13ss). Ce thème du berger remonte à l’Exode et, plus précisément à la traversée du désert où le peuple a fait l’expérience qu’il ne pouvait compter que sur un seul, un seul berger, un seul Seigneur. La déclinaison au singulier (mon Berger) n’est pas exclusive d’une déclinaison au pluriel (notre Berger) ; comme lorsque l’on confesse : Je crois en Dieu…

Verset 3 : Il me conduit par les bons sentiers (j’utilise la traduction de la TOB). Si l’on revenait plus près du texte, on lirait : Par des sentiers de justice. Qui, interprété à l’aune du berger peut être compris comme un chemin ni dangereux, ni difficile.

Verset 3c : Pour l’honneur de son nom (TOB). À cause de son nom, plus proche du texte, est plus explicite. A cause de ce nom qui contient une promesse, de ce nom qui signifie la fidélité : Se rappeler ici de l’importance du nom qui exprime toute une personnalité, et tout un programme ! Verset 4 : Même si je marche dans un ravin d’ombre et de mort… (TOB). La tradition et certaines versions ont traduit : Dans la vallée (ou : au milieu) de l’ombre de la mort. L’important ici est de bien préserver l’image forte, concrète, que veu(len)t rendre l’(les) auteur(s).

Verset 4c: Ton bâton, ton appui, voilà qui me rassure (TOB). Zacharie 11/7ss personnifie le bâton et la canne. Selon le Targum, ces appuis sont la Parole et la Loi de Dieu.

Verset 5 : ma coupe… Certaines versions (Septante, Psautier romain) traduisent : ta coupe…

Verset 6 : je reviendrai… Pratiquement toutes les versions ont retenu le verbe YâCHaB qui veut dire habiter, mais on peut, avec la TOB et d’autres, faire comme la version du Texte Massorétique et retenir le parfait du verbe ChûB qui veut dire revenir ; de fait cela me semble mieux s’inscrire dans le mouvement du Psaume 23.

 

Pistes homilétiques

Elles sont nombreuses, comme c’est d’ailleurs le cas pour la majorité des textes bibliques qui induisent, chacun, une multitude de commentaires et de thèmes de réflexions. Je citerai quatre des pistes que l’on pourrait suivre :

  •  Une première, très générale, qui consisterait à faire une étude précise de ce psaume tout en le situant dans l’ensemble du psautier.
  •  Une seconde, beaucoup plus personnelle au contraire, qui consisterait à dire en quoi ce psaume, en particulier nous émeut, nous touche (ce qui est mon cas), et pourquoi on le relit et médite si souvent.
  •  Une troisième qui consisterait plutôt à mettre en évidence certains accents de ce psaume, et en particulier les plus cultuels : la piété, la pratique religieuse, le culte, la liturgie…
  •  Une quatrième que j’ai retenue et qui a constitué pour moi à voir dans ce psaume un credo, une confession de foi, l’expression même d’une confiance vive et vivante, que nous serions appelé à partager.

 

Prédication

Le Seigneur est mon berger.

Dès les premiers mots tout est dit ou presque. Au point que l’on est en droit de se demander ce que l’on pourrait encore dire sur ce Psaume où tout paraît si évident, si simple, et sur lequel on a déjà tellement glosé… Mais, outre le fait que l’on ne se rassasie jamais des bonnes choses, il n’est pas inutile de s’arrêter de nouveau sur ce fameux Psaume qui soulève tout de même une question importante.

        L’auteur du Psaume 23 serait un pèlerin. Il se serait rendu à Jérusalem pour quelque fête religieuse. Et il serait maintenant sur le point de reprendre la route qui le ramène chez lui. Seulement, cette route n’est pas sans difficulté ni sans danger. Elle est longue, poussiéreuse, caillouteuse, battue par les intempéries. Peut-être passe-t-elle par le désert. En plus de cela, elle est pleine d’incertitudes, avec ses bandits de grands chemins qui quelquefois vous laissent pour mort dans un fossé, derrière un talus où personne ne vous remarquera.

Aussi, avant de reprendre la route qui le ramène chez lui, le pèlerin a besoin de retrouver confiance. Mais cette confiance, il le sait, il n’y a que le Seigneur qui puisse la lui donner. Et c’est ce qu’il exprime à travers ce Psaume.

Ce Psaume, c’est sa confession de foi : Le Seigneur est mon berger… Toute sa confiance est là. Renouvelée par ce qu’il a entendu et vu durant son séjour dans la ville sainte, par tout ce qu’il a retenu des cérémonies, des sermons, des exhortations proférées par le grand prêtre et par les docteurs de la Loi. Il y a une leçon, en particulier, qu’il a retenue de son séjour à Jérusalem. Une leçon qui fonde et anime sa confiance : Si le Seigneur subvient à toute chose, ce n’est point en raison de la piété qu’il a manifestée en faisant ce pèlerinage, parce qu’il se serait confié en dévotion ou aurait fait toutes les processions… mais c’est tout simplement grâce au Seigneur lui-même, c’est, comme il le dit : à cause de son nom. A cause de son nom : Il y a dans cette formule du psalmiste, et bien avant que l’apôtre Paul n’écrive ses belles pages sur la grâce, une affirmation qui trouvera des échos favorables chez les Réformateurs et qui est, pour tous les Protestants, l’assurance que le Seigneur nous aime sans condition ni réserve, nous aime toujours le premier ! Cette grâce est sans doute à son apogée, si l’on peut parler ainsi, en tous les cas trouve sa plus belle expression, dans l’engagement que prend le Seigneur : Si jamais le pèlerin psalmiste venait à s’égarer, à se perdre, ou à oublier la promesse qu’il a faite à son Seigneur de revenir en pèlerinage à Jérusalem pour lui manifester sa reconnaissance, eh bien, comme le dit si joliment le texte hébreu, le bonheur et la grâce (du Seigneur) le poursuivraient et le rattraperaient !

 

         Cette route, quelquefois difficile et dangereuse, qui va ramener le pèlerin chez lui, est, vous l’aurez sûrement compris, une métaphore (une image) de la vie, de notre vie. De notre vie avec ses hauts et ses bas, ses enthousiasmes et ses peines, ses bénédictions et ses malheurs… Or, c’est ce que confesse notre pèlerin-psalmiste : sur cette route de notre vie, nous ne sommes jamais seuls. Et quand les choses deviennent plus ardues, plus pénibles, ou qu’elles tournent mal, le Seigneur s’y révèle être un compagnon sûr, un guide, mieux même : un berger qui prend soin de chacune de ses brebis : Même quand je marcherais dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es à mes côtés ; ton bâton et ta canne, voilà qui me rassure.

 Avec ce verset bien connu, nous en arrivons à l’importante question que soulève ce Psaume. En effet, que veut dire ici le pèlerin-psalmiste ? Que le Seigneur préserve les siens de tout danger ? Qu’il écarte devant eux toute sorte d’épreuve ? Qu’il les éloigne de tous les malheurs ? Et, pourquoi pas : que, pour eux, il transforme la mort en une simple formalité ? Bien sûr que non ! Les croyants ne sont pas de l’autre côté, sur le versant clair des choses, où tout serait facile, évident. Nous marchons sur les mêmes chemins que tout le monde. Et pour nous aussi ce ne sont quelquefois que vallée d’ombre et de mort, ou que de simples traces dans des pentes abruptes, des passages sur des crêtes vertigineuses. Bien sûr, nous aimerions bien que le Seigneur nous évite de traverser de tels endroits, qu’il nous aplanisse le chemin, qu’il enlève de devant nous tous les obstacles, qu’il fasse que toute chose soit aisée à vivre, et qu’il nous rende la vie facile et légère ! De telle sorte qu’effectivement même quand je marcherais dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne craigne aucun mal…

Seulement, ce n’est pas du tout ce que veut dire le pèlerin psalmiste lorsqu’il dit : même quand je marcherais dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne crains aucun mal. Que l’on souhaite souffrir le moins possible, c’est bien compréhensible. Seulement les difficultés, les souffrances et la mort s’inscrivent dans l’ordre de notre humaine condition, font partie intégrante de notre humanité, de notre nature humaine. Et nous ne voudrions tout de même pas que, pour y échapper, nous reniions notre condition, notre humanité, notre nature ? Et que, nous éloignant de notre ressemblance avec le Seigneur Dieu, nous nous travestissions en des surhommes ou des divinités ? Parce que Dieu, justement ! je veux dire le Seigneur Dieu que confesse notre pèlerin-psalmiste… pensez-vous qu’il ne connaisse aucune difficulté, aucune peine, aucune souffrance ? Croyez-vous que pour lui tout va de soi et que rien ne l’inquiète ni ne le perturbe ? Et tous les soucis que nous lui donnons depuis les débuts de notre histoire, alors ? Et la Passion de son Fils ? Je pense même, voyez-vous que quand son Fils est mort, il s’est lui-même senti mourir… On y laisse toujours quelque chose quand disparaît votre enfant ou l’un de vos êtres chers. C’est aussi ça la vie. C’est aussi ça l’amour, les relations, notre route à chacun d’entre nous, les uns avec les autres, et avec Dieu. Et la route de Dieu avec nous ! Mais alors, me demanderez-vous, où veut en venir le pèlerin-psalmiste lorsqu’il dit : Même quand je marcherais dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne crains aucun mal ? Eh bien cela justement, seulement cela, mais c’est le plus important : Que nous ne sommes pas seuls ! jamais seuls ! Même quand nous nous croyons seuls. Nous avons un compagnon, un guide, un berger. Un berger toujours prêt à nous aider, à nous relever, à nous encourager, à nous soutenir, à nous emmener un peu plus loin… Un berger qui n’est rien sans ses brebis. Qui ne saurait – ou qui ne voudrait – rien être sans elles. Et qui les aime passionnément. Au point de tout leur donner, de prendre des risques inconsidérés pour aller les chercher dans des endroits impossibles. Au risque de se perdre lui-même si ses chères brebis vont ailleurs et l’oublient… Oui ! tel est le Dieu dont parle le pèlerin-psalmiste lorsqu’il confesse : Le Seigneur est mon berger. Un Dieu qui aime passionnément et qui s’inquiète et qui souffre. Avec nous, pour nous. Mais qui, dans le même temps, cherche à ce que l’on se redresse l’un l’autre, à ce que l’on s’entraide pour dépasser les obstacles de nos routes respectives, quoi que ce soit sans doute la même route pour Dieu et pour nous. Qui cherche à ce que l’on aille un peu plus loin ensemble, vers la lumière… Oui !tel est mon Dieu, tel est notre Dieu ! n’est-ce pas ? Un berger qui nous donne d’avoir vraiment confiance en lui. Amen.

 

 

Cantiques suggérés

  • Psaume 23 : « Dieu mon berger »
  • AEC 616, NCTC 279,
  • Alléluia 47-04 : « Confie à Dieu ta route »

 

Thématique : Vie du chrétien; pélerinage, Dieu berger.