Reprise
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Notes bibliques
v.1. Pentecôte vient de l’adjectif numéral grec signifiant « cinquante ». Quelques manuscrits anciens lisent au v.1 « lorsque furent accomplis les jours de Pentecôte… ».
Les juifs célèbrent Shavouot (mot hébreu signifiant « les semaines ») 7 x 7 jours après la Pâque : c’est la fête qui commémore le don de la loi au peuple d’Israël, au Sinaï, après la sortie d’Égypte et la libération de l’esclavage (fêtée par la Pâque).
La mention de cette fête par Luc crée un rapport étroit avec la signification et l’événement qui va se dérouler ce jour-là à Jérusalem. De même qu’au Sinaï Dieu a conclu une alliance avec Israël en lui donnant sa Loi pour vivre la liberté acquise par la sortie d’Égypte, de même l’Esprit Saint répandu fait entrer le peuple racheté de la mort par la croix et la résurrection de Jésus (Pâques !) dans une alliance nouvelle, ouverte cette fois à tous les peuples. Ce qu’explicite la suite.
Exode 19,8 insiste sur l’unanimité du peuple au pied du Sinaï. Cette unanimité est soulignée en Actes 2,1 au sujet des disciples, rassemblés pour attendre la réalisation de la promesse, cette puissance d’en haut qui les enverra témoigner de Jésus. On la retrouvera dans l’unité de la première communauté chrétienne. (Actes 2,42-45).
vv.2-3. la venue de l’Esprit s’accompagne de manifestations puissantes qui, elles aussi, rappellent la « théophanie » (manifestation de Dieu) au Sinaï (Ex 19,16-19). Une tradition juive (un Midrash) rapporte que la voix de Dieu au Sinaï s’est séparée en 70 langues pour que chaque peuple entende et reçoive sa loi : désormais tous les peuples ont accès « aux merveilles de Dieu ». Pentecôte est l’histoire d’un élargissement de l’Alliance à tous les peuples de la terre.
4 Mais ici, il n’est plus besoin d’un Moïse comme médiateur : chacun reçoit l’Esprit, chacun transmettra l’Évangile, et tous les auditeurs le comprendront directement, dans leur propre langue (cf. v.11, cp Jérémie 31,34). Pentecôte marque donc une nouvelle alliance qui suit celle de la loi : l’alliance en Jésus-Christ mort et ressuscité, conclue par le don de l’Esprit-Saint entre le Seigneur et tous ceux qui croient.
L’ordre de mission d‘Actes 1,8 est ainsi réalisé dans sa première phase (Jérusalem) mais aussi symboliquement, dans sa dernière (les extrémités de la terre). Ces juifs résidants, venus de contrées proches ou lointaines, représentent toutes les nations.
V.5-8. La multitude accourt, elle est bouleversée, Pentecôte est l’histoire d’une communication non seulement universelle mais réussie ! C’est « l’anti-Babel » (voir le récit de Gen 11), sans revenir pour autant à « l’avant-Babel ». Le langage unique des hommes avait été transformé par Dieu en une confusion des langues, pour empêcher leur rêve fou d’entreprise totalitaire et idolâtre. Désormais les humains comprennent tous le message de l’Évangile. Leur diversité ne les sépare plus. Le témoignage est audible !
Il étonne ensuite : il s’agit de quelque chose d’inhabituel (« merveilles de Dieu »). Les apôtres sont remplis de l’Esprit et cela est perceptible !
Chacun est rejoint dans sa propre langue. La mission c’est aller vers l’autre même s’il nous est étranger : l’Évangile est accessible, compréhensible par tous.
9-11 : la liste des peuples n’est pas exhaustive, d’autres ethnies connues du temps de Luc ne sont pas mentionnées, mais peu importe : il s’agit d’un tour du monde dont Jérusalem est le centre. En effet Jérusalem est au centre de l’axe qui relie la Crète à l’Arabie, une des deux paires qui clôt la liste avec la mention « juifs et prosélytes » (v.11). La mission part bien de Judée et s’adresse tout d’abord à Israël, aux juifs qui le sont de naissance ou par conversion (les prosélytes étaient inclus dans le peuple de l’alliance par circoncision). La mission auprès des païens ne commencera qu’en Actes 10 (Corneille) puis avec les voyages de Paul.
Piste proposée pour la prédication
Nous assistons ici à la naissance de l’Église, avec plusieurs de ses « notes », l’unité, l’universalité, et l’apostolicité. Peut-être même la sainteté si l’on juge que le feu qui descend sur les disciples les désigne, les « purifie » et les revêt pour une proclamation fidèle de Jésus-Christ !
Il semble donc normal de faire de l’Église, sa nature, sa mission, un thème privilégié de prédication. C’est l’option retenue pour le sermon qui suit.
Prédication
Autre lecture : 1 Corinthiens 12,3-13.
Dans l’année liturgique, ce jour de Pentecôte nous fait entrer dans « le temps de l’Église ». Car ici, avec ce récit de la première Pentecôte, nous voyons se constituer l’Église. Posons-nous une question toute simple : L’Église, c’est quoi ?
Prenons les choses dans l’ordre où Luc nous les présente. L’Église telle qu’elle apparaît, c’est au départ un rassemblement d’hommes et de femmes de toutes sortes. Ce n’est pas un monument, c’est un mouvement provoqué par Dieu. l’Église n’est pas une vénérable institution avec des rites plus ou moins codifiés et mystérieux. Elle n’est pas non plus un supermarché où l’on se rend pour remplir son caddy spirituel quand on en a le temps ou bien seulement quand on en éprouve l’envie. Ce jour-là, à Jérusalem, le Seigneur a mis soudainement des hommes et des femmes en mouvement, les a envoyés prêcher la bonne Nouvelle de Jésus-Christ et en a par là-même rassemblé, convoqué d’autres pour les écouter. L’Église c’est comme un cœur qui bat. Le cœur ne se contracte que pour se dilater. L’Église ne se rassemble que pour être envoyée.
L’Église ne vit que de ce mouvement. Examinons-en les deux temps successifs, rassemblement et envoi :
Rassemblement tout d’abord parce qu’être l’Église, c’est nous joindre les uns aux autres. Le Seigneur nous veut rassemblés, compagnons, comme les disciples ce jour-là à Jérusalem. Parce que c’est à des croyants rassemblés que s’applique la promesse de Jésus : je quitte ce monde, mais je ne vous laisse pas seuls et démunis. Je suis avec vous tous les jours, là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. Jésus est avec le malade ou la personne isolée et le visiteur qui l’a rejoint de la part de l’Église. Il est au milieu de ces quelques jeunes qui préparent un chant pour le prochain culte. Il est avec ces quelques conseillers presbytéraux réunis pour organiser la vie de l’Église, il est toujours là où l’on est rassemblé en son nom. Et le simple fait d’être là, ensemble, c’est quelque chose de très important en soi, parce que c’est déjà un premier acte de témoignage rendu au Seigneur, un acte de foi, non seulement l’assurance de sa présence mais aussi, en quelque sorte, ce qui la provoque !
Je ne peux pas vivre avec le Seigneur tout seul, dans mon petit coin. Je suis appelé avec d’autres, comme un membre parmi tous les autres d’un tout, un corps dont le Christ est la tête. Une main toute seule, un œil, un doigt, ou une jambe, ne peuvent vivre détachés du reste du corps.
Mais comment Jésus est-il présent ? Jésus a promis à ses disciples et donc à nous aussi une puissance, celle de l’Esprit Saint, du souffle de Dieu. Si les croyants étaient réunis à Jérusalem ce jour-là, c’était dans l’attente de la réalisation de cette promesse.
Donc, on peut préciser : l’Église, c’est un rassemblement pour recevoir l’Esprit Saint. On se réunit, que ce soit au culte, dans une maison comme lors de la première Pentecôte, que ce soit en allant voir un frère ou une sœur dans la foi, pour un conseil presbytéral, une rencontre de prière, etc. : on se rassemble parce que le Seigneur a promis de répandre son Esprit sur son peuple. Un Esprit de force parce que nous sommes faibles et timides. Un Esprit de paix parce que le péché est là et qu’un rien nous trouble ou nous divise. Un Esprit d’amour parce que de par notre propre nature, nous sommes tournés vers nous-mêmes au lieu d’être tournés vers les autres. Un Esprit de sagesse parce que notre esprit à nous est bien trop limité pour comprendre le plan de Dieu pour son peuple. Un Esprit de liberté parce que nous sommes prisonniers de nos habitudes, de nos schémas de pensée, de nos peurs aussi. L’Esprit de Dieu nous est aussi nécessaire que la respiration est nécessaire à notre corps pour vivre.
Mais l’air n’est pas fait pour être retenu dans nos poumons. Il nous faut l’expirer. La porte de l’Église est toujours grande ouverte pour nous laisser nous rassembler mais aussi pour nous permettre de sortir et d’aller vers les autres. L’image du muscle cardiaque et de la succession de ses contractions et dilatations l’évoque tout aussi bien que celle de l’air que les poumons aspirent et expirent ! l’Église n’est rassemblée que pour être envoyée, dispersée.
Si l’on en croit ce chapitre du livre des Actes, L’Église est en effet ce peuple que l’Esprit de Dieu pousse au dehors, à la rencontre du monde. Ce mouvement, c’est l’œuvre de Dieu et pas l’initiative des hommes ; si nous ne pouvons pas voir Dieu, nous pouvons le voir agir. Prenons l’image du vent puisque c’est l’image clef pour saisir l’action de l’Esprit Saint. Quelqu’un écrivait qu’il n’y a rien de plus réel ni de plus fort ni de plus libre que le vent. et il ajoutait : « L’homme qui déclare que Dieu ‘c’est du vent’ découvrira peut-être un jour qu’il vit dans le vent, et que ce vent de Dieu ne cesse de souffler… » Et de nous faire avancer -parfois peut-être malgré nous ?
Quand l’Esprit souffle sur l’Église, il se passe en tout cas des choses étonnantes, qui amènent à s’interroger ! Ce jour-là, la venue de l’Esprit sur les disciples n’est pas passée inaperçue. Les gens étaient stupéfaits d’entendre ce groupuscule de Galilée leur parler des exploits de Dieu à travers Jésus, et chacun, parmi tous ces juifs venus en pèlerinage ou bien résidant à Jérusalem, tous ces hommes et ces femmes qui parlaient des langages différents, ont reçu un message de la part de Dieu. Chacun dans sa propre langue.
Aujourd’hui, on dispose d’énormément de moyens pour communiquer, mais ce n’est pas pour cela que l’on se comprend mieux. Et même quand on croit se comprendre, on ne sait plus quoi se dire. Et ceci nous amène à souligner un autre point pour définir l’Église : c’est le lieu où retentit une parole qui a du sens, une parole qui veut dire quelque chose. Une parole de vie. Une parole qui sonne juste, qui touche juste et qui rejoint chacun. Une parole qui révèle les merveilles de l’amour de Dieu, cet amour qui est allé jusqu’au bout en Jésus-Christ, cet amour qui abat toutes les barrières de race, de sexe, de culture, d’appartenance sociale ou de religion. Tout cela n’est pas dit dans un langage hermétique réservé à quelques initiés, mais dans des mots et dans un langage qui rejoint quiconque l’écoute. Qui le rejoint non seulement parce qu’il le comprend, mais parce qu’il résonne en lui, parce qu’il fait vibrer des cordes profondes, parce qu’il touche aux questions importantes, décisives. Et pour ce miracle-là d’une communication vraie, le Seigneur se sert de qui il veut, même de ceux et celles que l’on pourrait penser non qualifiés pour le faire. Il n’y a pas que les apôtres qui se sont mis à parler ce jour-là. Il n’y a pas eu que des discours autorisés prononcés par des gens supposés compétents. Ils furent tous remplis d’Esprit Saint, et tous se sont mis à annoncer les merveilles de Dieu. Sans l’Esprit Saint, leur parole n’aurait été qu’un discours de plus, une propagande de plus, et notre monde n’en manque pas, nous le savons, mais par le souffle de Dieu, leur parole est devenue une puissance de communication, de communion, un événement, une occasion de changement total pour tous ceux qui se sont mis à écouter.
Le Seigneur nous envoie nous aussi. Et tant pis si certains s’esclaffent en décrétant que nous sommes ivres, ou bien, pour le dire dans les mots d’aujourd’hui, illuminés, dépassés, ringards, et tout ce que vous voudrez. L’Esprit qui crée cette Église n’est pas un esprit de timidité mais un esprit de liberté, de force, d’amour. Un Esprit qui nous fait oser.
Voilà le programme pour nos vies. Voilà le cadeau de Dieu. Peut-être votre vie et votre foi manquent-elles de ce souffle. Peut-être trouvez-vous votre vie d’Église dépourvue de dynamisme et d’audace. Eh bien la promesse nous est faite encore ce matin que le Seigneur veut faire vivre à tout son peuple une perpétuelle Pentecôte.
AMEN.