La liturgie dans l’histoire de l’Église
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L’emploi du mot liturgie, dans le sens qu’on lui donne aujourd’hui, remonte aux XVIe et XVIle siècles (ordre du culte chrétien, ensemble des éléments de ce culte…). En grec classique, le terme désignait un service public accompli au bénéfice de tout le peuple, par exemple l’organisation de jeux publics, ou parfois le culte rendu aux dieux par toute la cité.
Dans la version des LXX (il s’agit de la traduction grecque de l’Ancien Testament appelée « La Septante », soit en chiffres romains, LXX) le mot est souvent employé à propos des fonctions cultuelles des prêtres juifs dans le Temple (voir le livre de l’Exode). Dans le Nouveau Testament on retrouve ce terme pour désigner le culte juif, mais il est appliqué aussi au ministère du Christ (Hé 8, 2 et 4), au sacrifice spirituel des croyants s’offrant eux-mêmes à Dieu (Rm 15, 16 ; Ph 2, 17). Une fois seulement le terme évoque une célébration du culte chrétien (Ac 13, 2).
Ce serait une illusion d’imaginer qu’il aurait existé à l’origine « une » liturgie dont auraient dérivé par la suite toutes les autres liturgies. Dès le début de l’Église prévaut une certaine diversité. Les communautés ont la liberté d’inventer les textes de leur prière et d’organiser leur culte. Ceci s’applique de même à la célébration eucharistique : déjà le Nouveau Testament fournit des versions différentes de l’institution qui sont moins des relations d’un même événement que des formulaires liturgiques élaborés par différentes communautés.
Cette diversité va constituer la grande richesse de la liturgie de toute l’Église aujourd’hui : elle est le signe de son enracinement communautaire et l’expression de la foi vivante des chrétiens.
La liturgie et le culte se trouvent donc placés sous la responsabilité de toute la communauté. il est important de les penser et de les porter ensemble : c’est une œuvre commune de l’Église que d’organiser un temps et un lieu pour la célébration du culte, aussi chaque personne ou chaque groupe en charge de cette responsabilité veillera au bon ordre des choses et du déroulement de la célébration : les pasteurs, les fidèles ayant un mandat pour la célébration (lu culte, les conseils presbytéraux, les équipes liturgiques, sont ici directement concernés. Ainsi l’Église, c’est-à-dire l’ensemble des fidèles, devient elle-même prêtre et vit le sacerdoce universel. Elle reconnaît l’importance du ministère de la Parole et le confie en particulier à ses pasteurs.
Outre la dimension communautaire de la liturgie, il faut en souligner la dimension publique : le culte ne concerne pas seulement les personnes qui y sont rassemblées ; il a valeur de représentation et de témoignage, même pour ceux qui n’y viennent pas.
Il représente un espace et un temps de liberté reconnu et défendu : il témoigne d’une parole de salut qui concerne toute personne dans la société et dans le monde.
En ce sens la fonction publique du culte est aussi bien service de Dieu que service des hommes, acte spirituel, social et politique.
Enfin la liturgie est le lieu et le moment d’une communion. Écartant ce qui contribue à rendre obscur le langage, refusant ce qui divise les participants, ou ce qui pourrait être perçu comme une médiation de type clérical, la liturgie permet et favorise, par une communication aisée, l’expression de la communion de l’Église.
L’effort de la Réforme, par les changements qu’elle a mis en œuvre, est à poursuivre aujourd’hui encore (langage, gestes et symboles doivent être compréhensibles pour le plus grand nombre).
Le mouvement de la Réforme est donc à l’œuvre dans l’Eglise en Europe. Sur le plan liturgique aussi se manifeste déjà à cette époque une certaine diversité qu’il faut savoir prendre en considération. En Suisse par exemple, dès les années 1525-1528, le réformateur U. Zwingli introduit des pratiques nouvelles concernant le culte : une grande importance est donnée à la lecture de la Bible et à la prédication, aux prières, mais le chant est supprimé et la Cène est célébrée quatre fois par an.
Cette diversité s’inscrit dans des contextes religieux et politiques variés mais il apparaît cependant en France, comme ailleurs, que la liturgie réformée ne peut pas être comprise comme une sorte de « creatio ex nihilo » : elle se trouve enracinée dans la liturgie traditionnelle de l’Église.
S’il n’est pas nécessaire d’évoquer ici toute l’histoire de la tradition réformée concernant la liturgie, ni la grande variété des textes, chants et prières qui seront utilisés au cours des siècles, il faut cependant noter que le XlXe siècle voit se mettre en forme, sous l’impulsion en particulier d’E. Bersier, une liturgie qui marquera durablement son temps (1874). Cette création liturgique servira de référence durant de nombreuses années au sein des Églises réformées de France.
Un travail liturgique se poursuit en permanence pour prendre en compte la richesse de ces traditions et de ses cultures ecclésiales tant luthériennes que réformées.