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Réflexion sur le « pourquoi éduquer à la spiritualité », l’exemple des Eclaireuses et Eclaireurs unionistes

Education à la spiritualité vs éducation religieuse          

La spiritualité est quelque chose de présent tout au long de la vie d’une personne, ne serait-ce déjà que par le questionnement existentiel de chacun. Notre société a souvent tendance à différencier l’éducation à la spiritualité de l’éducation religieuse en posant la différence souvent sous forme d’un cliché. Ce cliché pourrait se résumer ainsi : le spirituel relève du personnel voir confidentiel alors que le religieux relève plus de la connaissance et d’un rapport avec une institution. C’est d’ailleurs souvent cette lecture qui freine à mon sens le fait de se lancer comme responsable du mouvement dans l’éducation à la spiritualité. Nous craignons d’entrer dans cet intime qui ne nous regarde pas et c’est vrai que cela ne nous regarde pas !

Et pourtant, cette éducation à la spiritualité relève bien de notre responsabilité car il accompagne une construction personnelle d’un individu. Pour poser la différentiation plus positivement : la spiritualité relève bien de l’existentiel et du personnel aussi bien dans le discernement, que dans la décision et même dans une éventuelle relation à Dieu existante ou à venir. La spiritualité, nous en sommes tous témoins quel que soit notre positionnement religieux, croyant ou non croyant, chrétien ou confessant une autre religion.

L’éducation religieuse referme le cadre dans celui d’une communauté définie celle des croyants, en l’occurrence pour les membres de l’Eglise protestante unie de France, celui des chrétiens, protestants, luthéro-réformée. Ainsi l’éducation religieuse n’y sera pas complètement la même que pour d’autres chrétiens ou encore d’autres protestants.

 

Eduquer à la spiritualité, quelles transmissions ? 

Au cœur de l’éducation à la spiritualité il y a d’abord une rencontre. Une rencontre avec des paroles.

Il y a évidemment, pour le mouvement protestant de scoutisme qu’est les Eclaireuses et Eclaireurs unionistes de France, la rencontre avec une Parole, celle de la Bible. Les parents le savent, d’ailleurs certains inscrivent même leurs enfants dans le mouvement à cause de cela, ce n’est pas caché et est même assumé. C’est pourquoi, les responsables de la commission Vie Spi du mouvement disent souvent aux responsables : « j’ai le droit de ne pas avoir faim, mais j’ai le devoir de donner à manger. » J’ajouterai que quand on donne à manger, est-ce pour autant que l’on mâche déjà les aliments ? On laisse au contraire chacun mâcher et digérer le passage de la Bible ainsi découvert ou redécouvert.

La Parole biblique dans tous les cas interpelle, fait réagir et ceux depuis près de 2000 ans. Je peux être questionné, confirmé, encouragé, dérouté, révolté même parfois par cet écrit que je lis ou que j’entends. Cette Parole, je la reçois et j’ai le droit, pour ne pas dire le devoir, de réagir en acceptant que l’autre puisse réagir autrement.

La chance de vivre cette découverte, cette confrontation à un texte biblique avec des amis, des personnes en qui j’ai confiance quand je suis en camp, en week-end ou en journée c’est que je peux écouter et me laisser visiter désormais par la parole d’un autre qu’est ce compagnon de route, ce compagnon de lecture. La vérité qui fait vivre chacun avec ces passages de la Bible me permet de construire ma propre vérité qui me fait vivre à mon tour. Je vous souhaite d’ailleurs à tous que cette vérité puisse ne pas être figé, qu’elle puisse accepter les questionnements, les doutes pour qu’elle ne reste pas connaissance transmise mais expérience vécue qui me fait vivre.

On ne transmet donc pas un savoir mais on témoigne simplement de ce que nous sommes, de ce qui nous fait vivre.

Je pense même que le « bon » catéchète de nos paroisses est dans cette même dynamique de courroie de transmission qui n’enseigne pas la foi mais la transmet en étant un autre témoin, celui plus confessant qu’un responsable « éclai » qui peut ou pas être un croyant chrétien. C’est d’ailleurs ce qui fait du mouvement, un mouvement laïc car il respecte toutes les convictions qui peuvent s’exprimer. Le mouvement n’impose aucun dogme ou système de pensée.

 

Le Rôle de l’éducateur

Le rôle de l’éducateur est donc celui qui d’abord libère la (P)arole.

En effet, chacun est invité à réagir, à témoigner de comment cette Parole biblique vient résonner en lui, provoquer une nouvelle parole. Chacun apporte ainsi librement sa vision, chacun peut témoigner de ce que cette Parole biblique engendre chez lui. Cette Parole biblique peut rappeler chez les uns un souvenir, chez les autres un vécu et parfois tout simplement rien. Ces témoignages sont vivants, ancrés dans la réalité d’un vécu, d’un témoin du groupe ou invité, amenés par une animation, un jeu ou encore un partage dynamique.

Le rôle de l’éducateur c’est aussi d’écouter et de faire en sorte que chacun écoute ce qui anime l’autre. Il n’y a pas la bonne et la mauvaise parole, il y a des avis, des ressentis qui peuvent être contradictoire. L’éducateur écoute et guide la recherche de sens.

Le rôle de l’éducateur c’est aussi celui de poser des questions dans cette recherche de sens. Questions aux jeunes mais aussi parfois à ceux qui l’entourent. On a le droit de ne pas savoir, de ne pas être un spécialiste mais on n’a pas le droit de ne pas demander. Dans le mouvement ou autour du mouvement, il y a des personnes qui peuvent aider, reprendre certaines questions avec le groupe ou avec un des jeunes qui souhaiterait approfondir une question.

En jouant notre rôle d’éducateur, à n’en pas douter, nous sommes des témoins mais pas des professeurs qui enseignent un quelconque dogme.

 

Spiritualité et citoyenneté

Le chrétien, et je crois tout croyant, vit dans le monde et pas dans un autre monde. Nous ne sommes pas là pour changer de monde mais changer le monde avec ce qui nous anime… Je crois que la Bible est riche de texte qui nous font découvrir qu’être chrétien c’est être des citoyens responsables de nos actes pour l’homme, devant et avec Dieu.

On a eu tendance à enfermer l’homme dans des compartiments et aujourd’hui dans tous les domaines éducation, médecine et même dans l’Eglise on parle de développement holistique, c’est-à-dire cette prise en compte de l’individu dans son ensemble : physique, psychologique, social, intellectuel et spirituel. Tous ces domaines se croisent, se complètent et forme l’individu tel qu’il est. C’est tout cela qui fait le citoyen, la personne que nous avons en face de nous et que nous accompagnons tout au long de l’année.

 

Les réticences et les moteurs à la prise en compte des questions spirituelles

A ne plus voir beaucoup de jeunes dans les temples et les Eglises, on pense souvent qu’ils ne croient plus, que cela ne les intéresse pas, alors on a peur d’ouvrir la Bible avec eux, de proposer un temps de louange. Mon expérience me fait dire tout le contraire.

Lors du premier Grand Kiff en 2009, rassemblement jeunesse de l’Eglise protestante unie de France, nous avions mis les animations bibliques le matin à 9 h, un peu comme une option. Les organisateurs pensions que beaucoup se reposerait le matin pour rejoindre les temps de plénières à 11 h. En fait, 80 % des participants étaient là à 9 h même s’ils s’étaient couchés quelques petites heures auparavant et cela pendant les 3 matinées. De même en 2013, toujours au Grand Kiff, la tente prière a connu une fréquentation non négligeable tout au long de l’évènement avec un pic lors d’une nuit de prière organisé avec un frère de Taizé en parallèle de nombreuses propositions d’after plus festifs.

Ce vécu me fait dire que les jeunes ont comme tout le monde des questions existentielles, des envies et besoins spirituelles. Nous avons la chance d’animer des lieux qui sont complémentaires où les jeunes quelques soient leur âge peuvent trouver des oreilles qui les écoutent, des témoins dans le développement de leur identité autre que celle des parents.

 

Pasteur Marc Schaefer, Secrétaire national

à l’animation des réseaux jeunesse de l’Eglise protestante unie de France

 

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