Textes : Juges 6, v. 1 à 24 Psaume 27 Malachie 2, v. 1 à 10 1 Thessaloniciens 2, v. 6 à 13 Matthieu 23, v. 1 à 12Télécharger tout le document
Prédication Entendre ce discours de Jésus, nous met mal à l’aise. En premier lieu parce qu’il est assez violent. Nous sommes interpellés tout le long, par plusieurs impératifs, mais est-ce que nous nous sentons concernés par ces interpellations ? Est-ce bien à nous que ces paroles s’adressent ? Nous avons envie de les laisser dormir tranquillement dans leur contexte historique, celui des premières communautés chrétiennes qui se séparent du judaïsme. Celui aussi des persécutions romaines qui touchent aussi bien le judaïsme que les chrétiens. Oui nous avons envie de les laisser dormir parce que leur réveil et les actualisations qui en ont découlé, ont souvent été malheureux. Elles portent le poids d’un dur passé d’interprétations qui ont conduit à l’anti-judaïsme et qui ont nourri les débats au sein des églises chrétiennes ou dans les relations entre église et état. Essayons quand même d’entrer dans ce discours, en gardant justement à l’esprit tous les conflits qui sont nés dans l’église quand il est question d’autorité. Ce discours s’adresse aux foules en même temps qu’aux disciples. Le passage que nous avons lu se termine par une sentence quasiment proverbiale: « quiconque » Autrement dit tout le monde peut l’entendre, devrait pouvoir l’entendre. Ici quand Jésus dit « vous », il s’adresse à nous tous individuellement. Entrons d’abord dans ce discours comme si Jésus n’adressait ses paroles qu’à nous personnellement. Partons de ces interpellations : « Pour vous, ne vous faites pas appeler maître car vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères. N’appelez personne sur la terre votre Père, car vous n’en avez qu’un seul, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler chef (guide) car vous n’avez qu’un seul chef le Christ. » Vous comprenez bien que ces trois impératifs ne résonnent pas de la même manière aux oreilles de Luther, des anabaptistes, des Camisards, aux membres de l’église confessante d’Allemagne sous le régime nazi, à nos oreilles, aux oreilles de nos frères et sœurs catholiques. Et pourtant, nous sommes tous frères, quelle que soit l’église à laquelle nous appartenons, quelle que soit l’époque é laquelle nous vivons. On peut bien se traiter de tous les noms d’oiseaux, d’hérétiques, suppôts du diable, antéchrist nous sommes frères. Nous n’avons qu’un seul maître même si nous avons des docteurs, enseignants, pasteurs, théologiens différents. Nous n’avons qu’un seul Père, même si certains se font appeler Père . Nous n’avons qu’un seul chef, même si certains, certaines se disent chef. Dans l’église nous sommes tous frères parce que cela nous est donné en Jésus Christ. Tous les titres qui peuvent être portés dans les différentes églises sont des titres humains. Si nous avons des difficultés à dire « très saint Père » en parlant au pape, ou « mon Père » à un religieux, nous devons avoir les mêmes difficultés à dire « votre majesté » à un roi ou une reine, « votre honneur » à un lord, ou « vénérable » au Dalaï-lama , à moins que nous disions « vénérable » à toute personne d’un certain âgée Oui, c’est bien au regard des hommes et des femmes que nous portons des titres. Dans les églises protestantes, il n’y a pas de titres, juste des noms qui désignent les ministères occupés par des hommes ou des femmes : conseiller presbytéral, pasteur, professeur, prédicateur laïc, catéchète moniteur d’école biblique, visiteurs, et bien d’autres car tous les ministères ne sont pas reconnus, pas nommés. Mais cela ne veut pas dire que nous soyons indifférents au regard que les autres portent sur nous. Qui n’aime pas être reconnu, félicité ou simplement remercié quand il fait quelque chose pour la communauté? Car le risque dans une société ou dans une communauté sans hiérarchie instituée c’est de remplacer le désir d’être honoré, respecté, haut placé dans la hiérarchie, par le désir d’être aimé pour être aimé. Mais inversement, nous sommes aussi dans cette foule, des personnes, des individus qui nous choisissons des maîtres, des Pères, des guides. Nous aimons être admirés mais nous aimons aussi admirer. Par facilité ou par lâcheté nous nous laissons guider par celles et ceux qui ont de l’autorité. Et bien souvent nous laissons des personnes plus compétentes que nous lire la Bible pour nous, prier pour nous, agir à notre place. Oui, les paroles de Jésus s’adressent bien à tous et à toutes, individuellement. Elles nous obligent à réfléchir au regard que nous portons sur les autres et à nous demander sous quel regard nous vivons. Un seul maître, un seul Père, un seul chef: cela est d’abord valable pour chacun/chacune. Cela s’adresse d’abord à l’individu, à la personne avant de s’adresser à la communauté. Chacun/chacune doit comprendre sa place devant Dieu en Jésus Christ. Chacun/chacune doit être assuré/e de l’amour de Dieu, Père. Chacun/chacune doit avoir Christ pour guide dans sa vie. Ce n’est que dans la mesure où chacun/chacune est fermement assurée de cela que la communauté peut être fraternelle.Cette communauté, donnée et non pas construite par nous, a un seul maître, un seul Père, un seul guide. Cette communauté fraternelle n’est pas une communauté idéale ni rêvée. C’est bien la communauté chrétienne avec toutes ses divisions et ses imperfections. Alors entendons ces interpellations comme destinées à chaque église ou communauté chrétienne. Oui comprenons que nous n’avons qu’un seul maître, un seul Père, un seul guide, et que cela n’est pas incompatible avec nos différences. Dans ce cas notre responsabilité à l’intérieur de chaque église et à l’égard des autres églises, est celle du service mutuel, puisque nous servons le même maître qui s’est abaissé jusqu’à nous. Et l’unité sera trouvée là, dans l’équilibre du service commun, quand chaque église aura renoncée à s’élever.