Textes : Genèse 45, v. 1 à 15 Psaume 63Jérémie 20, v. 7 à 9 Romains 12, v. 1 & 2 Matthieu 16, v. 21 à 27Pasteur Jean Besset (Reprise)Télécharger tout le document

Notes bibliques

Pour ce dimanche, je vous propose d’écouter et de méditer la plainte de Jérémie et de prendre leçon auprès de lui pour exprimer à Dieu nos propres plaintes. Nous découvrons que malgré le silence apparent de Dieu, celui-ci ne laisse pas celui qui prie sans réponse. Jérémie traverse un des moments les plus difficiles de son histoire. Il est même tenté d’interrompre son ministère de prophète. Il s’en prend à Dieu pour lui demander des explications. Sa colère cependant porte ses fruits et il se trouve tout à coup apaisé. C’est cette expérience qu’il nous faudra répercuter dans le sermon.Le texte que nous avons est composite. Après l’expérience d’apaisement que ressent le prophète, il exprime un désir de vengeance qui est en décalage par rapport à l’impression qu’il donne. Cela fausse notre lecture. Nous savons que les textes ont été bousculés par les différents scribes qui les ont repris au cours des siècles, c’est pourquoi il nous faudra nous pencher sur l’ensemble du poème qui va du v.9 au v.18 du chapitre 21.

Bref aperçu historique de l’histoire de Jérémie

Issu de la famille sacerdotale des prêtres d’Anatot, Jérémie n’exercera pas la prêtrise du fait de son célibat qu’il s’est imposé par fidélité à sa vocation. Il n’est pas prophète par profession, il n’est pas attaché au temple et ne fait pas partie d’une communauté de prophètes professionnels, mais comme tous les grands prophètes ( Ésaïe, Ézéchiel) il est prophète par vocation. Dieu lui a fait un appel alors qu’il n’était qu’un enfant. Son ministère se déroulera principalement sous le roi Josias, puis sous Ioiaquim et Sédécias.Bien qu’il n’en parle pas il a vécu à l’époque de la grande réforme deutéronomiste en 622 à l’époque de Josias. Son message a été fortement marqué par ce courant. Mais les grands moments de son ministère se dérouleront à l’époque de Ioiaquim et de Sédécias. Il connaîtra les deux sièges de Jérusalem, la destruction de la ville et du temple. Lui-même jouera un rôle auprès de Guedalia, le gouverneur de Jérusalem après la chute et l’exil.De caractère effacé, et de nature sensible il sera cependant en contact constant avec les gens au pouvoir dont il aura la faveur sous Josias, mais dont il sera le souffre douleur sous les deux rois suivants. C’est dans ce contexte politique agité que s’exercera son ministère et il devra la vie sauve à plusieurs familiers du pouvoir qui le cacheront ou interviendront en sa faveur Le texte que nous avons choisi comme support pour le sermon de ce dimanche reflète cette situation.Il est sans doute mort en Égypte entraîné par les derniers dissidents de Jérusalem.Le Livre de Jérémie :Aujourd’hui les théologiens se divisent sur la réalité même de la personne du prophète. Pour les uns il correspond au personnage historique que nous avons décrit. Pour d’autres, le personnage s’efface au profit d’un courant théologique qui aurait utilisé l’autorité de son nom pour accréditer ses idées. La vérité se situe sans doute entre ces deux hypothèses.Le texte du livre de Jérémie qui nous est parvenu est composite et les prophéties n’ont pas été rassemblées dans l’ordre où elles ont été écrites. La tradition attribue à Baruch, le secrétaire, la rédaction du livre. Il est certain que plusieurs textes sont de sa plume. Quant aux autres, nous n’en savons rien. Le nom de Baruch suffit à lui seul à faire autorité. Il est sans doute scribe, c’est à dire un personnage de très grande importance puisqu’il est chargé de consigner par écrit les événements du Royaume. Certains pensent même qu’il a eu une fonction encore plus importante et que peut-être il aurait eu rang de « secrétaire d’état ».Le texte de la Septante est assez différent de celui du texte hébreu et curieusement il est plus court, ce qui laisse entendre qu’il a été fortement retravaillé. Malgré ce qui vient d’être dit, le caractère du personnage transparaît au travers de ces lignes et on est informé, à l’occasion, de détails de sa vie privée. A la différence des autres grands prophètes, nous le sentons plus proche de nous et on peut même éprouver de la sympathie pour lui. Le Texte de Jérémie 20/7-9 C’est parce que le personnage nous touche que nous sommes sensibles à ce texte, mais nous ne nous laisserons pas attendrir sans avoir repéré ce qu’il y a au fond des mots. Ce texte nous est présenté comme un texte de première main de Jérémie écrit par Baruch ( ?) témoin discret d’un moment de forte émotion du prophète. Il se laisse aller au désespoir et il déverse le trop plein de son cœur, comme si personne ne l’écoutait. C’est justement ce à quoi il faut faire attention. Ce texte est trop intime pour avoir été entendu et pourtant il a été transcrit. Sans doute l’intention de celui qui nous le transmet est-elle de nous faire passer un message à partir duquel nous pourrions, nous aussi, régler nos moments de désespoir. Il est de la même veine que les grands psaumes de lamentation que nous connaissons : « mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Psaume 22). On retrouvera aussi le souffle du psaume 23 qui exprime une totale sérénité au fond de l’épreuve la plus extrême. Mais il prend aussi le ton que l’on trouve dans les psaumes de vengeance pour finir sur une lamentation qui s’apparente à celle de Job. Tout cela est exprimé au cours des 11 versets qui constituent ce poème. C’est un peu beaucoup pour être l’expression de l’ensemble des sentiments qu’un homme éprouve au même moment.Sensibilité et audace se juxtaposent curieusement. Le sentiment d’abandon par Dieu ressemble à une scène de dépit amoureux que pourrait ressentir une jeune fille éconduite par celui qu’elle aime et qui est reconnu coupable de manipulation. Cette sensibilité est d’autant mieux exprimée que Jérémie n’a pas eu droit à une vie affective. Son dépit est tel qu’il range Dieu au rang des goujats. En ce sens Jérémie, face à Dieu, nous enseigne à oser nous adresser à Dieu sans ménagement car il connaît Dieu et il sait qu’il est incapable de le punir pour cet outrage. Ce poème nous révèle donc un aspect de Dieu incapable de colère et capable de subir une scène de jalousie de la part de son serviteur.Le prophète se plaint du comportement de Dieu et l’accuse d’être à l’origine de ses malheurs. Il ne craint à aucun moment les représailles de Dieu pour l’avoir ainsi offensé. Plus qu’un discours formulé, on a plutôt le fruit de la pensée d’un homme désespéré qui n’a pas vraiment prononcé les paroles qu’il a dites mais qui les a seulement pensées. Nous pénétrons au plus secret de l’âme du croyant qui ne comprend pas. Il espère cependant en disant les choses de la sorte que le miracle se produira et que la clarté se fera en lui. Il sait que Dieu est capable de partager son désespoir, même si apparemment il se tait.. Ce passage insiste sur le silence de Dieu face aux échecs de la vie des croyants. Il suggère même, de la part de celui qui en est victime, que Dieu devient incompréhensible dans son comportement. Ce thème est une piste à suivre. Mais il est difficile de trop s’appesantir dessus dans un sermon car le but du sermon est d’aider les auditeurs à affronter leurs difficultés et non de les enfoncer dans leur malheur et leur révolte. Il faut aussi retenir les paroles de confiance qui laissent entendre que malgré son incompréhension, le prophète fait finalement confiance à Dieu, car il finira par donner du sens à ce que pour le moment le prophète ne comprend pas. Le fait que les versets de désespoir alternent avec des versets d’espérance traduit bien la pensée mouvementée d’un homme qui réfléchit et dont les sentiments contradictoires se heurtent dans la tête.On peut donc prêcher ce texte en exprimant l’espérance du croyant qui ne comprend pas le sens de ses malheurs et que, s’il doute, c’est la foi qui domine dans ses pensées. On a alors la liberté de dire que l ‘expression de la révolte contre Dieu est libératrice et que le fait d’exprimer ses doutes et ses rancœurs permet de rebondir pour mieux avancer.Si ce texte est le résultat du travail de plusieurs couches rédactionnelles, on se sent alors autorisé à dire qu’il y avait un courant théologique après l’exil qui voyait en Dieu celui qui porte son peuple dans la détresse et qui reste fidèle, même si apparemment il semble être étranger aux événements. ( Mais Dieu peut-il être en dehors des événements ?)On peut aussi aborder le thème du refus de Dieu de prendre une responsabilité active dans les événements auxquels on a à faire.Quelques textes pour la liturgie :Ouverture Voici que le temps s’allonge au point de se confondre avec l’infiniEt en même temps, voici que le temps se ralentit au point de s’immobiliser dans l’instant. C’est ainsi, qu’il nous est donné en ce moment de culte de partager avec toi, Seigneur, le temps qui est le tien. Ton éternité se confond dans un même mouvement avec le temps qui passe. C’est alors que nous te confions notre coeur et notre âme qui s’unissent en cet instant à ton immensité. Ce temps de prière t’appartient autant qu’il nous appartient. Nous nous approchons de toi et tu nous prends en toi et notre volonté se trouve emplie de la tienne pour être toute entière présente en elle. Cet instant, ainsi vécu avec toi, ouvre pour nous la porte sur un au-delà auquel nous appartenons déjà sans y être encore pleinement. Confession des péchésCe n’est pas si simple de m’ouvrir à toi dans la prière et de te confesser le poids que mon péché fait peser sur moi pour que tu m’en libères.Il y a en moi des zones d’ombre, des impressions floues, des moments d’hésitation et tant de chose que je ne sais apprécier ni en termes négatifs, ni en termes positifs Je ne me connais pas vraiment moi-même, c’est pourquoi il m’est difficile de me tenir en vérité devant toi.Ma prière consiste alors à te demander de faire de moi un être libre, capable d’assumer les conséquences de mes actes et de regarder sereinement l’avenir. J’ai besoin de ressentir ta présence en moi pour qu’elle efface les erreurs que je regrette et qu’elle stimule en moi des courants de générosité qui chaque jour me donneront à espérer dans les progrès toujours possibles de l’humanité.Pardon Les humains avancent tous à des vitesses différentes sur les sentiers de la vie mais tous espèrent en des jours meilleurs irradiés d’espérance.Quel que soit le chemin sur lequel nous marchons, Dieu agit contre les courants hostiles pour que l’espérance du salut s’inscrive à l’horizon de chaque vie Confession de foiOui, Seigneur, je crois,Il me suffit de dire « je crois » pour que du fin fond des âges je sente une douceur m’envahir.Oui je crois que le souffle de Dieu qui a traversé les immensités interstellaires pour les organiser, est capable de venir jusqu’à moi pour me faire entrer dans ce mouvement que toi, Dieu tu mets en branle et qui jamais ne s’arrête puisqu’il est porteur de la vie.Alors je crois que je peux être habité, moi aussi, par une bonté cachée qui donne du sens aux choses et aux êtres.Je crois alors que l’esprit qui a soufflé sur Jésus pour qu’il devienne ton Fils souffle aussi sur moi pour que je devienne son frère.Plus de barrières ni de limites ne s’interposent entre tous ceux qui croient et qui œuvrent ensemble pour édifier ton Royaume incroyable où l’humanité trouvera le sens ultime de sa destinée.Je sais alors que dans ce mouvement, toi Dieu tu as crée une place pour moi et c’est vers elle que je chemine en prenant la main que tu me tends.IntercessionGrâce à son intelligence, l’espèce humaine, occupe un rang particulier parmi tout ce qui se meut et respire sur terre. L’Écriture nous révèle que Dieu lui réserve un rôle particulier dans l’ordre de sa création. C’est en lui attribuant la responsabilité de la planète que Dieu se révèle aux hommes pour qu’ils la gardent et la fassent prospérer.Notre prière monte donc vers toi, ô Notre Dieu, pour te demander de nous inspirer afin que nous fassions ce que tu attends de nous. Depuis bien longtemps, nous n’avons pris aucun conseil auprès de toi et nous n’avons guère réussi dans la gestion des choses de la terre. C’est vers toi que nous tournons maintenant les regards afin que nous puissions alors au mieux sauvegarder la nature en péril.Tu as également voulu que chaque être humain découvre un frère à aimer dans tout individu qu’il croise sur son chemin. Donne-nous maintenant de comprendre toutes les richesses qu’il y a dans le verbe aimer. Que la domination des uns sur les autres cesse et que les mots de racisme, de guerre et de rivalité soient supprimés de notre vocabulaire. Que les pays où il fait bon vivre ne soient plus des zones où les plus favorisés se font servir par ceux qui ne le sont pas, bien qu’ils y habitent.Les plus faibles parmi nous sont les enfants et aussi les femmes et les vieillards, bien sûr. Mets au cœur des hommes la volonté d’agir de telle sorte qu’ils ne soient plus des victimes mais des partenaires dans un monde nouveau où les valeurs de solidarité et de partage seraient la force des nations.En fait, Seigneur, notre prière consiste tout simplement à te demander de mettre en notre cœur assez de bonne volonté pour que chacun s’efforce d’être, là où il est, celui que tu veux qu’il soit.

Prédication

Jérémie 20/7-11Il nous arrive de chercher dans la fuite loin de Dieu l’apaisement à nos révoltes Il nous arrive de croire que nous avons fait des choses bonnes et de découvrir que les événements se retournent contre nous. Nous croyons suivre les chemins de la foi et c’est le silence de Dieu qui nous répond. Nous espérons cependant que Dieu partagera notre révolte, mais la voix de sa sagesse reste muette. Dieu ne semble pas toujours disponible et son mutisme nous fait du mal.Par ces quelques remarques, nous rejoignons les préoccupations des prophètes d’Israël qui les ont portées avant nous, car ils cherchaient plus à trouver de la cohérence dans la Parole de Dieu qu’à deviner l’avenir que personne ne peut connaître puisqu’il s’écrit avec Dieu au jour le jour. Mais avant d’aller plus loin dans nos investigations essayons de préciser ce que recouvre pour nous la notion de prophète.Il n’est pas rare, au cours d’une conversation, alors que l’on élabore des projets, que l’on soit amené, à court d’arguments à dire qu’après tout, nous ne sommes pas des prophètes. Cela veut dire que le propos nous dépasse et que l’on ne détient pas les secrets de l’avenir. Notre culture actuelle enferme la notion de prophète dans deux acceptions différentes. La première, assez classique, identifie le prophète avec le devin, celui qui serait gratifié d’un don qui lui permettrait de connaître l’avenir. L’autre usage du mot servirait à désigner les fondateurs des grands courants religieux tels Moïse ou Mahomet ou plus proches de nous, Joseph Smith pour les Mormons ou le Rév. Moon. Bien que Jésus Christ corresponde à l’une ou à l’autre de ces définitions, ce sont d’autres titres que l’on a retenus pour lui.Aujourd’hui, notre propos est de nous entretenir des vicissitudes du prophète Jérémie. Ni lui, ni aucun des grands prophètes d’Israël ne correspond aux définitions que je viens d’énoncer. Certes, à l’époque biblique, il existait une fonction officielle de prophètes. Suivant les époques, ils vivaient en confréries, ils étaient sans doute appointés par le pouvoir royal et leur fonction consistait à éclairer le roi sur l’avenir que Dieu lui réservait. Si cette fonction était bien établie, elle n’a pas laissé beaucoup de traces. Les prophètes dont les noms nous sont parvenus exerçaient une fonction de type charismatique. Ils n’étaient pas investis dans cette fonction par les hommes, mais ils avaient reçu une vocation de Dieu qui leur permettait d’avoir un éclairage particulier au sujet de la Loi. Dieu leur permettait une lecture clairvoyante des Écritures qui nous paraît aujourd’hui évidente, mais qui ne l’était pas pour leurs contemporains.En fait, c’est à partir de leur compréhension des Écritures qu’ils se prononçaient sur les événements. Il s’agissait pour eux de percevoir quelles étaient les attitudes fidèles que leur suggérait la méditation de la Loi. La fidélité à Dieu n’impliquait pas forcément des conséquences gratifiantes, parfois même, elles étaient en opposition à toute logique humaine. C’est sur ce point que nous rejoignons Jérémie.Jérémie est amené à constater que le comportement du roi et de ses ministres est contraire aux prescriptions de la Loi en dépit de ce que peuvent dire les prophètes officiels ainsi que le haut clergé constitué par le grand Prêtre et son entourage. Mais il a aussi compris qu’il lui était demandé de répondre à sa vocation par des choix de vie personnels contraignants. Par fidélité à Dieu il est resté célibataire. Cet état le rend inapte à exercer la fonction de prêtre car selon la tradition celui-ci devrait être marié. Même si la fonction de prêtre ne correspond pas à un métier, il se trouve marginalisé par rapport à ses proches. Pourtant, il a réussi à avoir l’oreille du pouvoir, son plus proche collaborateur et son protecteur à la fois est le secrétaire Baruch. Il nous faut entendre par secrétaire la « fonction de secrétaire d’état », c’est à dire de ministre.Comment porter un tel poids quand les événements se font contraires et que Dieu paraît se jouer de lui ? Comment ne pas douter de Dieu quand les conséquences de ses propos le plongent dans des difficultés extrêmes ? Sa vie est souvent en danger et il doit se cacher. Il est jeté dans une citerne par ordre du roi. Tout proche de mourir, il est épargné grâce au courage du chambellan qui tire parti du caractère influençable du roi. Avec le décalage de l’histoire, nous découvrons dans la plainte de Jérémie une plainte qui pourrait bien être la nôtre. Comme Jérémie, il nous arrive d’en vouloir à Dieu parce que les événements ne vont pas dans le sens où nous le souhaitons. Par fidélité à Dieu il arrive que nous fassions des choix de vie douloureux et que ces choix se retournent contre nous. La vertu n’est pas récompensée à sa juste mesure, la manifestation de la foi paraît obsolète et Dieu reste silencieux face à notre épreuve. La première leçon que nous recevons de Jérémie, c’est que quelle que soit la difficulté, le dialogue n’est jamais rompu avec Dieu en dépit de son silence apparent. La logique humaine voudrait que le croyant déçu abandonne tout et qu’il s’inspire de la logique de la femme de Job qui lui recommandait au plus fort de l’épreuve de maudire Dieu et de mourir. Jérémie ne cesse d’interpeller Dieu et même de le mettre en accusation. Par son attitude Jérémie nous apprend que Dieu préfère toujours le dialogue à toute autre attitude, même si lui paraît absent Si le comportement de Dieu nous paraît injuste, si nous pensons qu’il est malveillant à notre égard et que nous subissons une injustice de sa part, il faut le lui dire car le croyant ne doit jamais s’enfermer dans une attitude résignée face à Dieu car Dieu n’est jamais à l’origine de ce qui nous accable. Il n’est jamais l’auteur de nos malheurs. Dieu pour sa part reste le souverain maître de nos vies, et il se refuse à intervenir dans le cours des événements pour nous complaire, car ce sont les hommes, par leur attitude qui peuvent le modifier. Dieu pour sa part ne fait qu’envoyer son esprit sur eux. Il inspire les hommes pour qu’ils puissent agir de telle sorte que les événements ne soient pas altérés par leur égoïsme ou leur aveuglement.Quand les événements nous sont vraiment contraires, il n’est pas évident de garder une telle sérénité dans la foi. Ce court passage de Jérémie nous montre qu’avant de ressentir le moindre soulagement en exprimant sa révolte, il doit insister et exprimer sa rancœur et même son désir de rejeter Dieu. Il exprime son projet de s’écarter de la foi et d’abandonner sa vocation de prophète. Et quand il a fini de crier sa révolte, au lieu de trouver son soulagement dans une forme d’athéisme apaisant, il se laisse envahir par une vague de paix. Sa révolte contre Dieu, poussée à l’extrême, a nettoyé en lui toute amertume et a rétabli une relation d’amour avec lui, car Dieu n’était en rien dans ses malheurs. Rien n’a pourtant changé dans sa situation. Mais une énergie nouvelle s’est emparée de lui. Il sait alors qu’il ne peut avancer autrement qu’en prenant la main que Dieu lui tend en espérant qu’un jour les événements lui donneront raison. La suite nous montrera que non.Deux mille cinq cents ans nous séparent de l’époque où a vécu ce témoin courageux. Entre lui et nous s’est alors interposé un autre visage, le visage de celui qui a porté les mêmes détresses et les mêmes révoltes que lui. Il s’agit, bien entendu, de Jésus Christ. Il a porté les révolte des hommes jusque dans la mort. Même si ce n’est pas par la volonté de Dieu qu’il est mort, Dieu n’a cependant pas voulu le soustraire à cette mort. Nous découvrons alors que la fidélité de Dieu à la cause des hommes va jusque dans la mort et qu’il la transforme en lui donnant la saveur de l’éternité. Dieu ne nous abandonne pas dans l’épreuve, comme il n’a pas abandonné son Fils dans la mort. Il a sublimé sa vie, comme il sublime la nôtre pour que notre vie s’accomplisse totalement dans le destin qu’il a choisi de nous faire partager : l’éternité.

Textes : Genèse 45, v. 1 à 15 Psaume 63Jérémie 20, v. 7 à 9 Romains 12, v. 1 & 2 Matthieu 16, v. 21 à 27Pasteur Jean Besset (Reprise)Télécharger tout le document

Notes bibliques

Pour ce dimanche, je vous propose d’écouter et de méditer la plainte de Jérémie et de prendre leçon auprès de lui pour exprimer à Dieu nos propres plaintes. Nous découvrons que malgré le silence apparent de Dieu, celui-ci ne laisse pas celui qui prie sans réponse. Jérémie traverse un des moments les plus difficiles de son histoire. Il est même tenté d’interrompre son ministère de prophète. Il s’en prend à Dieu pour lui demander des explications. Sa colère cependant porte ses fruits et il se trouve tout à coup apaisé. C’est cette expérience qu’il nous faudra répercuter dans le sermon.Le texte que nous avons est composite. Après l’expérience d’apaisement que ressent le prophète, il exprime un désir de vengeance qui est en décalage par rapport à l’impression qu’il donne. Cela fausse notre lecture. Nous savons que les textes ont été bousculés par les différents scribes qui les ont repris au cours des siècles, c’est pourquoi il nous faudra nous pencher sur l’ensemble du poème qui va du v.9 au v.18 du chapitre 21.

 

Bref aperçu historique de l’histoire de Jérémie

Issu de la famille sacerdotale des prêtres d’Anatot, Jérémie n’exercera pas la prêtrise du fait de son célibat qu’il s’est imposé par fidélité à sa vocation. Il n’est pas prophète par profession, il n’est pas attaché au temple et ne fait pas partie d’une communauté de prophètes professionnels, mais comme tous les grands prophètes ( Ésaïe, Ézéchiel) il est prophète par vocation. Dieu lui a fait un appel alors qu’il n’était qu’un enfant. Son ministère se déroulera principalement sous le roi Josias, puis sous Ioiaquim et Sédécias.Bien qu’il n’en parle pas il a vécu à l’époque de la grande réforme deutéronomiste en 622 à l’époque de Josias. Son message a été fortement marqué par ce courant. Mais les grands moments de son ministère se dérouleront à l’époque de Ioiaquim et de Sédécias. Il connaîtra les deux sièges de Jérusalem, la destruction de la ville et du temple. Lui-même jouera un rôle auprès de Guedalia, le gouverneur de Jérusalem après la chute et l’exil.De caractère effacé, et de nature sensible il sera cependant en contact constant avec les gens au pouvoir dont il aura la faveur sous Josias, mais dont il sera le souffre douleur sous les deux rois suivants. C’est dans ce contexte politique agité que s’exercera son ministère et il devra la vie sauve à plusieurs familiers du pouvoir qui le cacheront ou interviendront en sa faveur Le texte que nous avons choisi comme support pour le sermon de ce dimanche reflète cette situation.Il est sans doute mort en Égypte entraîné par les derniers dissidents de Jérusalem.Le Livre de Jérémie :Aujourd’hui les théologiens se divisent sur la réalité même de la personne du prophète. Pour les uns il correspond au personnage historique que nous avons décrit. Pour d’autres, le personnage s’efface au profit d’un courant théologique qui aurait utilisé l’autorité de son nom pour accréditer ses idées. La vérité se situe sans doute entre ces deux hypothèses.Le texte du livre de Jérémie qui nous est parvenu est composite et les prophéties n’ont pas été rassemblées dans l’ordre où elles ont été écrites. La tradition attribue à Baruch, le secrétaire, la rédaction du livre. Il est certain que plusieurs textes sont de sa plume. Quant aux autres, nous n’en savons rien. Le nom de Baruch suffit à lui seul à faire autorité. Il est sans doute scribe, c’est à dire un personnage de très grande importance puisqu’il est chargé de consigner par écrit les événements du Royaume. Certains pensent même qu’il a eu une fonction encore plus importante et que peut-être il aurait eu rang de « secrétaire d’état ».Le texte de la Septante est assez différent de celui du texte hébreu et curieusement il est plus court, ce qui laisse entendre qu’il a été fortement retravaillé. Malgré ce qui vient d’être dit, le caractère du personnage transparaît au travers de ces lignes et on est informé, à l’occasion, de détails de sa vie privée. A la différence des autres grands prophètes, nous le sentons plus proche de nous et on peut même éprouver de la sympathie pour lui. Le Texte de Jérémie 20/7-9 C’est parce que le personnage nous touche que nous sommes sensibles à ce texte, mais nous ne nous laisserons pas attendrir sans avoir repéré ce qu’il y a au fond des mots. Ce texte nous est présenté comme un texte de première main de Jérémie écrit par Baruch ( ?) témoin discret d’un moment de forte émotion du prophète. Il se laisse aller au désespoir et il déverse le trop plein de son cœur, comme si personne ne l’écoutait. C’est justement ce à quoi il faut faire attention. Ce texte est trop intime pour avoir été entendu et pourtant il a été transcrit. Sans doute l’intention de celui qui nous le transmet est-elle de nous faire passer un message à partir duquel nous pourrions, nous aussi, régler nos moments de désespoir. Il est de la même veine que les grands psaumes de lamentation que nous connaissons : « mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Psaume 22). On retrouvera aussi le souffle du psaume 23 qui exprime une totale sérénité au fond de l’épreuve la plus extrême. Mais il prend aussi le ton que l’on trouve dans les psaumes de vengeance pour finir sur une lamentation qui s’apparente à celle de Job. Tout cela est exprimé au cours des 11 versets qui constituent ce poème. C’est un peu beaucoup pour être l’expression de l’ensemble des sentiments qu’un homme éprouve au même moment.Sensibilité et audace se juxtaposent curieusement. Le sentiment d’abandon par Dieu ressemble à une scène de dépit amoureux que pourrait ressentir une jeune fille éconduite par celui qu’elle aime et qui est reconnu coupable de manipulation. Cette sensibilité est d’autant mieux exprimée que Jérémie n’a pas eu droit à une vie affective. Son dépit est tel qu’il range Dieu au rang des goujats. En ce sens Jérémie, face à Dieu, nous enseigne à oser nous adresser à Dieu sans ménagement car il connaît Dieu et il sait qu’il est incapable de le punir pour cet outrage. Ce poème nous révèle donc un aspect de Dieu incapable de colère et capable de subir une scène de jalousie de la part de son serviteur.Le prophète se plaint du comportement de Dieu et l’accuse d’être à l’origine de ses malheurs. Il ne craint à aucun moment les représailles de Dieu pour l’avoir ainsi offensé. Plus qu’un discours formulé, on a plutôt le fruit de la pensée d’un homme désespéré qui n’a pas vraiment prononcé les paroles qu’il a dites mais qui les a seulement pensées. Nous pénétrons au plus secret de l’âme du croyant qui ne comprend pas. Il espère cependant en disant les choses de la sorte que le miracle se produira et que la clarté se fera en lui. Il sait que Dieu est capable de partager son désespoir, même si apparemment il se tait.. Ce passage insiste sur le silence de Dieu face aux échecs de la vie des croyants. Il suggère même, de la part de celui qui en est victime, que Dieu devient incompréhensible dans son comportement. Ce thème est une piste à suivre. Mais il est difficile de trop s’appesantir dessus dans un sermon car le but du sermon est d’aider les auditeurs à affronter leurs difficultés et non de les enfoncer dans leur malheur et leur révolte. Il faut aussi retenir les paroles de confiance qui laissent entendre que malgré son incompréhension, le prophète fait finalement confiance à Dieu, car il finira par donner du sens à ce que pour le moment le prophète ne comprend pas. Le fait que les versets de désespoir alternent avec des versets d’espérance traduit bien la pensée mouvementée d’un homme qui réfléchit et dont les sentiments contradictoires se heurtent dans la tête.On peut donc prêcher ce texte en exprimant l’espérance du croyant qui ne comprend pas le sens de ses malheurs et que, s’il doute, c’est la foi qui domine dans ses pensées. On a alors la liberté de dire que l ‘expression de la révolte contre Dieu est libératrice et que le fait d’exprimer ses doutes et ses rancœurs permet de rebondir pour mieux avancer.Si ce texte est le résultat du travail de plusieurs couches rédactionnelles, on se sent alors autorisé à dire qu’il y avait un courant théologique après l’exil qui voyait en Dieu celui qui porte son peuple dans la détresse et qui reste fidèle, même si apparemment il semble être étranger aux événements. ( Mais Dieu peut-il être en dehors des événements ?)On peut aussi aborder le thème du refus de Dieu de prendre une responsabilité active dans les événements auxquels on a à faire.Quelques textes pour la liturgie :Ouverture Voici que le temps s’allonge au point de se confondre avec l’infiniEt en même temps, voici que le temps se ralentit au point de s’immobiliser dans l’instant. C’est ainsi, qu’il nous est donné en ce moment de culte de partager avec toi, Seigneur, le temps qui est le tien. Ton éternité se confond dans un même mouvement avec le temps qui passe. C’est alors que nous te confions notre coeur et notre âme qui s’unissent en cet instant à ton immensité. Ce temps de prière t’appartient autant qu’il nous appartient. Nous nous approchons de toi et tu nous prends en toi et notre volonté se trouve emplie de la tienne pour être toute entière présente en elle. Cet instant, ainsi vécu avec toi, ouvre pour nous la porte sur un au-delà auquel nous appartenons déjà sans y être encore pleinement. Confession des péchésCe n’est pas si simple de m’ouvrir à toi dans la prière et de te confesser le poids que mon péché fait peser sur moi pour que tu m’en libères.Il y a en moi des zones d’ombre, des impressions floues, des moments d’hésitation et tant de chose que je ne sais apprécier ni en termes négatifs, ni en termes positifs Je ne me connais pas vraiment moi-même, c’est pourquoi il m’est difficile de me tenir en vérité devant toi.Ma prière consiste alors à te demander de faire de moi un être libre, capable d’assumer les conséquences de mes actes et de regarder sereinement l’avenir. J’ai besoin de ressentir ta présence en moi pour qu’elle efface les erreurs que je regrette et qu’elle stimule en moi des courants de générosité qui chaque jour me donneront à espérer dans les progrès toujours possibles de l’humanité.Pardon Les humains avancent tous à des vitesses différentes sur les sentiers de la vie mais tous espèrent en des jours meilleurs irradiés d’espérance.Quel que soit le chemin sur lequel nous marchons, Dieu agit contre les courants hostiles pour que l’espérance du salut s’inscrive à l’horizon de chaque vie Confession de foiOui, Seigneur, je crois,Il me suffit de dire « je crois » pour que du fin fond des âges je sente une douceur m’envahir.Oui je crois que le souffle de Dieu qui a traversé les immensités interstellaires pour les organiser, est capable de venir jusqu’à moi pour me faire entrer dans ce mouvement que toi, Dieu tu mets en branle et qui jamais ne s’arrête puisqu’il est porteur de la vie.Alors je crois que je peux être habité, moi aussi, par une bonté cachée qui donne du sens aux choses et aux êtres.Je crois alors que l’esprit qui a soufflé sur Jésus pour qu’il devienne ton Fils souffle aussi sur moi pour que je devienne son frère.Plus de barrières ni de limites ne s’interposent entre tous ceux qui croient et qui œuvrent ensemble pour édifier ton Royaume incroyable où l’humanité trouvera le sens ultime de sa destinée.Je sais alors que dans ce mouvement, toi Dieu tu as crée une place pour moi et c’est vers elle que je chemine en prenant la main que tu me tends.IntercessionGrâce à son intelligence, l’espèce humaine, occupe un rang particulier parmi tout ce qui se meut et respire sur terre. L’Écriture nous révèle que Dieu lui réserve un rôle particulier dans l’ordre de sa création. C’est en lui attribuant la responsabilité de la planète que Dieu se révèle aux hommes pour qu’ils la gardent et la fassent prospérer.Notre prière monte donc vers toi, ô Notre Dieu, pour te demander de nous inspirer afin que nous fassions ce que tu attends de nous. Depuis bien longtemps, nous n’avons pris aucun conseil auprès de toi et nous n’avons guère réussi dans la gestion des choses de la terre. C’est vers toi que nous tournons maintenant les regards afin que nous puissions alors au mieux sauvegarder la nature en péril.Tu as également voulu que chaque être humain découvre un frère à aimer dans tout individu qu’il croise sur son chemin. Donne-nous maintenant de comprendre toutes les richesses qu’il y a dans le verbe aimer. Que la domination des uns sur les autres cesse et que les mots de racisme, de guerre et de rivalité soient supprimés de notre vocabulaire. Que les pays où il fait bon vivre ne soient plus des zones où les plus favorisés se font servir par ceux qui ne le sont pas, bien qu’ils y habitent.Les plus faibles parmi nous sont les enfants et aussi les femmes et les vieillards, bien sûr. Mets au cœur des hommes la volonté d’agir de telle sorte qu’ils ne soient plus des victimes mais des partenaires dans un monde nouveau où les valeurs de solidarité et de partage seraient la force des nations.En fait, Seigneur, notre prière consiste tout simplement à te demander de mettre en notre cœur assez de bonne volonté pour que chacun s’efforce d’être, là où il est, celui que tu veux qu’il soit.

 

Prédication

Jérémie 20/7-11Il nous arrive de chercher dans la fuite loin de Dieu l’apaisement à nos révoltes Il nous arrive de croire que nous avons fait des choses bonnes et de découvrir que les événements se retournent contre nous. Nous croyons suivre les chemins de la foi et c’est le silence de Dieu qui nous répond. Nous espérons cependant que Dieu partagera notre révolte, mais la voix de sa sagesse reste muette. Dieu ne semble pas toujours disponible et son mutisme nous fait du mal.Par ces quelques remarques, nous rejoignons les préoccupations des prophètes d’Israël qui les ont portées avant nous, car ils cherchaient plus à trouver de la cohérence dans la Parole de Dieu qu’à deviner l’avenir que personne ne peut connaître puisqu’il s’écrit avec Dieu au jour le jour. Mais avant d’aller plus loin dans nos investigations essayons de préciser ce que recouvre pour nous la notion de prophète.Il n’est pas rare, au cours d’une conversation, alors que l’on élabore des projets, que l’on soit amené, à court d’arguments à dire qu’après tout, nous ne sommes pas des prophètes. Cela veut dire que le propos nous dépasse et que l’on ne détient pas les secrets de l’avenir. Notre culture actuelle enferme la notion de prophète dans deux acceptions différentes. La première, assez classique, identifie le prophète avec le devin, celui qui serait gratifié d’un don qui lui permettrait de connaître l’avenir. L’autre usage du mot servirait à désigner les fondateurs des grands courants religieux tels Moïse ou Mahomet ou plus proches de nous, Joseph Smith pour les Mormons ou le Rév. Moon. Bien que Jésus Christ corresponde à l’une ou à l’autre de ces définitions, ce sont d’autres titres que l’on a retenus pour lui.Aujourd’hui, notre propos est de nous entretenir des vicissitudes du prophète Jérémie. Ni lui, ni aucun des grands prophètes d’Israël ne correspond aux définitions que je viens d’énoncer. Certes, à l’époque biblique, il existait une fonction officielle de prophètes. Suivant les époques, ils vivaient en confréries, ils étaient sans doute appointés par le pouvoir royal et leur fonction consistait à éclairer le roi sur l’avenir que Dieu lui réservait. Si cette fonction était bien établie, elle n’a pas laissé beaucoup de traces. Les prophètes dont les noms nous sont parvenus exerçaient une fonction de type charismatique. Ils n’étaient pas investis dans cette fonction par les hommes, mais ils avaient reçu une vocation de Dieu qui leur permettait d’avoir un éclairage particulier au sujet de la Loi. Dieu leur permettait une lecture clairvoyante des Écritures qui nous paraît aujourd’hui évidente, mais qui ne l’était pas pour leurs contemporains.En fait, c’est à partir de leur compréhension des Écritures qu’ils se prononçaient sur les événements. Il s’agissait pour eux de percevoir quelles étaient les attitudes fidèles que leur suggérait la méditation de la Loi. La fidélité à Dieu n’impliquait pas forcément des conséquences gratifiantes, parfois même, elles étaient en opposition à toute logique humaine. C’est sur ce point que nous rejoignons Jérémie.Jérémie est amené à constater que le comportement du roi et de ses ministres est contraire aux prescriptions de la Loi en dépit de ce que peuvent dire les prophètes officiels ainsi que le haut clergé constitué par le grand Prêtre et son entourage. Mais il a aussi compris qu’il lui était demandé de répondre à sa vocation par des choix de vie personnels contraignants. Par fidélité à Dieu il est resté célibataire. Cet état le rend inapte à exercer la fonction de prêtre car selon la tradition celui-ci devrait être marié. Même si la fonction de prêtre ne correspond pas à un métier, il se trouve marginalisé par rapport à ses proches. Pourtant, il a réussi à avoir l’oreille du pouvoir, son plus proche collaborateur et son protecteur à la fois est le secrétaire Baruch. Il nous faut entendre par secrétaire la « fonction de secrétaire d’état », c’est à dire de ministre.Comment porter un tel poids quand les événements se font contraires et que Dieu paraît se jouer de lui ? Comment ne pas douter de Dieu quand les conséquences de ses propos le plongent dans des difficultés extrêmes ? Sa vie est souvent en danger et il doit se cacher. Il est jeté dans une citerne par ordre du roi. Tout proche de mourir, il est épargné grâce au courage du chambellan qui tire parti du caractère influençable du roi. Avec le décalage de l’histoire, nous découvrons dans la plainte de Jérémie une plainte qui pourrait bien être la nôtre. Comme Jérémie, il nous arrive d’en vouloir à Dieu parce que les événements ne vont pas dans le sens où nous le souhaitons. Par fidélité à Dieu il arrive que nous fassions des choix de vie douloureux et que ces choix se retournent contre nous. La vertu n’est pas récompensée à sa juste mesure, la manifestation de la foi paraît obsolète et Dieu reste silencieux face à notre épreuve. La première leçon que nous recevons de Jérémie, c’est que quelle que soit la difficulté, le dialogue n’est jamais rompu avec Dieu en dépit de son silence apparent. La logique humaine voudrait que le croyant déçu abandonne tout et qu’il s’inspire de la logique de la femme de Job qui lui recommandait au plus fort de l’épreuve de maudire Dieu et de mourir. Jérémie ne cesse d’interpeller Dieu et même de le mettre en accusation. Par son attitude Jérémie nous apprend que Dieu préfère toujours le dialogue à toute autre attitude, même si lui paraît absent Si le comportement de Dieu nous paraît injuste, si nous pensons qu’il est malveillant à notre égard et que nous subissons une injustice de sa part, il faut le lui dire car le croyant ne doit jamais s’enfermer dans une attitude résignée face à Dieu car Dieu n’est jamais à l’origine de ce qui nous accable. Il n’est jamais l’auteur de nos malheurs. Dieu pour sa part reste le souverain maître de nos vies, et il se refuse à intervenir dans le cours des événements pour nous complaire, car ce sont les hommes, par leur attitude qui peuvent le modifier. Dieu pour sa part ne fait qu’envoyer son esprit sur eux. Il inspire les hommes pour qu’ils puissent agir de telle sorte que les événements ne soient pas altérés par leur égoïsme ou leur aveuglement.Quand les événements nous sont vraiment contraires, il n’est pas évident de garder une telle sérénité dans la foi. Ce court passage de Jérémie nous montre qu’avant de ressentir le moindre soulagement en exprimant sa révolte, il doit insister et exprimer sa rancœur et même son désir de rejeter Dieu. Il exprime son projet de s’écarter de la foi et d’abandonner sa vocation de prophète. Et quand il a fini de crier sa révolte, au lieu de trouver son soulagement dans une forme d’athéisme apaisant, il se laisse envahir par une vague de paix. Sa révolte contre Dieu, poussée à l’extrême, a nettoyé en lui toute amertume et a rétabli une relation d’amour avec lui, car Dieu n’était en rien dans ses malheurs. Rien n’a pourtant changé dans sa situation. Mais une énergie nouvelle s’est emparée de lui. Il sait alors qu’il ne peut avancer autrement qu’en prenant la main que Dieu lui tend en espérant qu’un jour les événements lui donneront raison. La suite nous montrera que non.Deux mille cinq cents ans nous séparent de l’époque où a vécu ce témoin courageux. Entre lui et nous s’est alors interposé un autre visage, le visage de celui qui a porté les mêmes détresses et les mêmes révoltes que lui. Il s’agit, bien entendu, de Jésus Christ. Il a porté les révolte des hommes jusque dans la mort. Même si ce n’est pas par la volonté de Dieu qu’il est mort, Dieu n’a cependant pas voulu le soustraire à cette mort. Nous découvrons alors que la fidélité de Dieu à la cause des hommes va jusque dans la mort et qu’il la transforme en lui donnant la saveur de l’éternité. Dieu ne nous abandonne pas dans l’épreuve, comme il n’a pas abandonné son Fils dans la mort. Il a sublimé sa vie, comme il sublime la nôtre pour que notre vie s’accomplisse totalement dans le destin qu’il a choisi de nous faire partager : l’éternité.