Textes : Ps 69 Jérémie 20, v. 10 à 13Romains 5, v. 12 à 15 Matthieu 10, v. 26 à 33Pasteur Marie Françoise VialardTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Le contexte Pour bien comprendre notre péricope, il me semble important de bien la replacer dans le contexte du chapitre 10 de l’évangile de Matthieu. Avec ce chapitre 10 nous entrons dans la deuxième grande partie[1] de l’évangile de Matthieu qui nous présente les « hérauts du Règne » ou plus simplement l’envoi en mission des douze disciples accompagné des différentes instructions données par Jésus. Il est bon aussi de nous souvenir que l’évangile de Matthieu a été publié vers l’an 80. A cette époque le temple de Jérusalem a été détruit. Les premiers chrétiens sont persécutés pour avoir reconnu en Jésus le Messie promis. Notre chapitre 10, notamment les versets 16 à 25, évoque donc ce temps de persécution. La triple invitation de Jésus à « ne pas craindre » (v 26, v 28 et v 31) est d’abord adressée à ces premiers chrétiens persécutés à cause de leur foi nouvelle. Parcours du texte v 26 L’articulation de notre péricope se fait autour d’une triple exhortation de Jésus « à ne pas craindre », du grec phobeô, qui a donné en français le mot « phobie ». Il s’agit bien dans notre péricope d’un sentiment de peur, d’angoisse lié aux dangers encourus par les disciples de Jésus. Face à cette crainte qui saisit le témoin chrétien au moment où il doit confesser sa foi, la tentation est grande de se taire, de garder secret l’enseignement du Christ qui doit désormais être porté à la connaissance de tous les hommes. Ici apparaît un thème important dans l’évangile de Matthieu : « caché-dévoilé ». Cette « crainte » est différente de la « crainte de Dieu » qui correspond à un sentiment de révérence, de respect à avoir vis-à-vis de Dieu. vv 26-27 Jésus reprend peut-être un dicton populaire : « tout finit par venir au grand jour » mais en le transformant : l’heure est venue de proclamer à tous ce que Jésus a révélé à ses disciples (cf. notes TOB). v 28 Matthieu distingue le corps et l’âme alors que Luc ne parle que du corps. Au sens primitif, l’âme désigne le souffle qui habite l’homme vivant ou abandonne celui qui expire. Ce souffle est un don de Dieu. Pour Matthieu le corps est ce par quoi l’homme s’exprime, l’âme est le principe qui maintient en relation avec le Dieu de la vie. Ainsi si le corps peut périr à cause des persécutions subies, l’âme reste toujours en relation avec Dieu. v 29 Le sou ou as est la plus petite monnaie romaine. Littéralement « sans votre Père ». Dans le texte grec, l’idée que la mort des moineaux est directement liée à la volonté de Dieu est absente comme cela est suggéré dans différentes traductions comme la TOB ou la nsb « pas un d’entre eux ne tombe à terre indépendamment de votre Père » ; la Colombe « il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père » ; ou encore parole de vie « quand l’un d’eux tombe à terre, c’est votre Père qui permet cela. ». La manière de traduire ce verset induit ou non l’idée que Dieu est à l’origine de tout ce qui nous arrive. Nous touchons du doigt la grande question de l’origine du mal, de la souffrance. Je préfère l’idée que Dieu est là, à nos cotés, pour nous accompagner, pour nous aider lorsque nous traversons des épreuves, comme peut le suggérer l’expression « sans votre Père », à l’idée que c’est Dieu qui est à l’origine de la mort des moineaux, c’est-à-dire de la souffrance. vv 32-33 Il est bien question ici de la confession de foi, du témoignage auxquels sont invités tous les disciples du Christ, pas seulement les Douze mais chacun d’entre nous. Cette confession de foi doit se faire publiquement car le message du Christ a désormais une portée universaliste. La dureté de ce verset peut nous étonner dans la mesure où plus tard Jésus pardonnera à Pierre son reniement. Pistes pour la prédication.

  1. La question de l’origine de la souffrance.

A partir des versets 29 et 30, nous pouvons nous poser la question de qui est à l’origine du mal, de la souffrance, de la mort ? Est-ce Dieu ? Dans ce cas, comment est-il possible de croire à la fois à un Dieu « Amour » mais qui est responsable du mal que nous subissons ? Par contre si Dieu n’est pas à l’origine de la souffrance, comment comprendre la « toute puissance » de Dieu ?

  1. Appel au témoignage explicite de l’évangile

Dans notre société déchristianisée, il est important que chacun de nous ose un témoignage explicite de l’enseignement de Jésus.

  1. Invitation à la Confiance renouvelée en Dieu

Si aujourd’hui les craintes ne sont plus les mêmes qu’à l’époque de Jésus, nous avons très souvent peur : sentiment d’insécurité dans nos villes et villages, du chômage, de la mort, de la maladie, de la dépendance, de l’échec professionnel, de la solitude etc.Le message de l’évangile qui nous annonce un Dieu qui s’est fait proche de nous en Jésus (l’Emmanuel), qui nous aime tel que nous sommes malgré nos doutes, nos erreurs, nos échecs est plus que jamais d’actualité. L’Amour de Dieu qui est une façon de dire le salut par la Grâce est une formidable invitation à renouveler sans cesse notre confiance en Dieu. Nous n’avons plus à avoir peur car « si Dieu est pour nous qui sera contre nous ». De cette confiance est née la liberté des enfants de Dieu.

Prédication

Il était une fois un homme qui s’était retiré du monde. Il partageait tout ce qu’il possédait avec les autres moines de son couvent. Ils priaient ensemble et vivaient pieusement, loin des compromis et des bruits du monde. Cet homme faisait partie de l’élite cultivée de son temps : il lisait les meilleurs livres, il avait des étudiants auxquels il pouvait transmettre ses idées. Mais au-delà de sa communauté et de ses étudiants, il était inconnu du grand public. Et puis, un jour, tout a basculé. En quelques semaines, cet homme est devenu célèbre, admiré et malmené, à la fois écouté et rejeté, au point qu’il devait craindre pour sa vie. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il s’était rendu compte que le message biblique, l’Évangile, ce n’était pas seulement une affaire pour les petits cercles pieux, pour une élite cultivée ou pour des spécialistes, mais qu’il concernait tous les hommes, parce qu’il parlait de ce qui préoccupe chacun au plus profond de lui-même. L’accueil inconditionnel de Dieu, l’amour de Dieu pour sa création et sa créature. Et ça, c’était pour tous, comme le dit un autre passage, l’objet d’une grande joie. Alors il s’est arrêté d’écrire uniquement des thèses en latin pour les savants ou pour les dirigeants des Églises. Il s’est mis à écrire dans la langue du peuple, il s’est mis à prêcher presque sans relâche, à composer des chants qu’on pouvait comprendre et à rédiger des catéchismes, pour les enfants, mais aussi pour les pasteurs, pour que le message aille toujours plus loin. L’homme, vous l’avez peut-être deviné, s’appelait Martin Luther, et le grand mouvement qu’il a suscité, c’était la Réforme ou la Réformation. Le message que le moine et professeur de Wittenberg ira « crier sur les toits et les terrasses de son temps » comme le dit notre texte, ce message a atteint toute l’Europe du XVIème siècle. Luther avait commencé par l’entendre lui-même dans la solitude de sa cellule de moine, « au creux de l’oreille », comme le dit aussi notre texte. Pendant des années il s’était posé des foules de questions : suis-je assez pieux pour subsister devant Dieu ? Que puis-je faire pour trouver Dieu et pour être sûr qu’il m’accueille ? Et puis un beau jour, tout s’était illuminé : c’était comme si Dieu lui avait, à lui aussi, « parlé à l’oreille » dans un murmure. Le Christ qui révèle réellement Dieu n’est pas le Christ sévère et juge représenté sur les tympans des cathédrales médiévales. Le Christ de la Bible aime les hommes, le Christ de la Bible est proche d’eux et de leurs détresses. C’est toujours ce même message d’amour, de confiance en Dieu que nous sommes appelés à dire au grand jour, à proclamer sur les terrasses de nos villes et de nos villages. Si notre société déchristianisée n’est plus la même que celle de Jésus, ni celle de Martin Luther ; les enjeux de la prédication évangélique restent pourtant les mêmes. Certes nos peurs ne sont plus les mêmes que celles des premiers chrétiens ou des premiers disciples de Luther. Nous n’avons plus peur ni de Dieu ni de l’enfer, et nous ne risquons plus nos vies en témoignant de l’Amour de Dieu. Par contre, les hommes d’aujourd’hui ont plutôt peur du chômage, du terrorisme, des sectes ou encore peur de l’échec, peur de la maladie, peur de la vieillesse et de la solitude. De même aujourd’hui les protestants n’ont plus peur des catholiques, mais s’interrogent par contre sur l’avenir de l’église protestante. Et pourtant, je pense que le message murmuré à l’oreille de Luther reste le même pour aujourd’hui et pour demain, et qu’il a gardé toute son actualité. C’est pour nous l’invitation joyeuse à la confiance et à la liberté des enfants de Dieu. Nous pouvons avoir confiance en Dieu car depuis la naissance de Jésus, l’Emmanuel : Dieu avec nous, nous croyons que Dieu est toujours à nos cotés, qu’il nous accompagne dans tout ce qui nous arrive. Nous pouvons, avec confiance, déposer en Dieu nos peurs car « si Dieu est pour nous qui sera contre nous », comme le dit si bien l’apôtre Paul. La manière de traduire le verset 29 induit ou non l’idée que Dieu est à l’origine de tout ce qui nous arrive. Nous touchons ici du doigt la grande question de l’origine du mal, de la souffrance. Dans le texte grec, il est dit littéralement : « il n’en tombe pas un à terre « sans votre Père ». Il me semble que cette expression « sans votre Père » n’induit pas l’idée que la mort des moineaux est directement liée à la volonté de Dieu, comme cela est suggéré dans différentes traductions comme par exemple dans la TOB ou la Nouvelle Bible Segond (NBS) « pas un d’entre eux ne tombe à terre indépendamment de votre Père » ; dans la COLOMBE « il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père » ; ou encore dans PAROLE DE VIE « quand l’un d’eux tombe à terre, c’est votre Père qui permet cela. ». A l’idée que c’est Dieu qui est à l’origine de la mort des moineaux, c’est-à-dire de la souffrance, je préfère l’idée que Dieu est là, à nos côtés, pour nous accompagner, pour nous aider lorsque nous traversons des épreuves, comme peut le suggérer l’expression « sans votre Père » à l’idée que c’est Dieu qui est à l’origine de la mort des moineaux, c’est-à-dire de la souffrance. De même, nous pouvons avoir confiance en Dieu, parce que nous n’avons pas besoin de vivre toujours et seulement de nos propres forces, parce que nous n’avons pas besoin, toujours et partout, de nous affirmer et de prouver ce que nous savons faire, et de préférence seul. Nous pouvons faire confiance à Dieu, parce que nous croyons qu’il nous accueille tel que nous sommes et cela malgré nos doutes, nos erreurs, nos échecs. La Bible emploie à ce propos le mot de « grâce ». Confiance enfin, parce que même si la télé nous martèle le contraire, nous ne sommes pas condamnés à nous dire nous-mêmes le sens de notre vie et son but : un Autre nous révèle, même dans l’échec, que notre vie a un sens et un avenir. Et renforcés par cette confiance et cette présence de Dieu à nos côtés, nous pouvons vaincre la crainte : ce mot se trouve 4 fois dans le texte : en grec c’est phobos, qui a donné « phobie », en français. Alors nous voilà invités, non pas à nier, mais à surmonter, à dépasser les phobies et les angoisses en tout genre, celles de la grippe aviaire ou de la vache folle, du cancer, celles du sida, celles du chômage, des retraites menacées, de la perte de pouvoir d’achat, des violences sociales, celles de l’étranger et de l’inconnu etc. : toujours et partout Dieu nous accompagne, chemine à nos côtés. Oui, c’est lui, lui seul, avec la confiance que nous plaçons en lui, c’est lui qui nous met debout chaque jour et nous permet de marcher, d’avancer, même quand les jambes n’en peuvent plus et que le cœur s’essouffle. Ce message, il faut, aujourd’hui plus que jamais, le crier sur les terrasses et les places publiques du monde. Cet appel à témoigner de façon explicite de sa foi s’adresse à chacun d’entre nous. A l’image des disciples de Jésus ou encore de Martin Luther, Dieu nous appelle à être des témoins de la liberté évangélique, à être des messagers d’espérance pour tous. Jésus nous dit aujourd’hui : « allez-y ! J’ai besoin de vous. J’ai besoin de vous pour que ma Parole puisse se propager encore plus loin, pour que ma bonne nouvelle ne reste pas prisonnière de vos temples ». Dieu a besoin de chacun d’entre nous car Dieu n’a pas d’autre voix que la nôtre. Mais, me direz-vous, je ne suis pas dans la liste des responsables d’Église ! Je ne suis pas même un membre d’un groupe, d’une équipe ! Je suis quelqu’un de tout à fait ordinaire, je viens de temps à autre au culte et aux fêtes et c’est tout ! C’est vrai, mais nous sommes tous appelés à être des collaborateurs de Dieu, avec nos compétences qui nous sont propres, avec nos forces et nos faiblesses ! Chacun de nous qui se reconnaît comme enfant de Dieu, est inscrit sur les listes des travailleurs pour le Royaume. Pour Dieu, pas besoin de compétence particulière pour être à son service. Pas besoin d’être le meilleur, il suffit juste de se lancer et Dieu nous donne jour après jour les forces pour accomplir avec son aide notre vocation de témoin de l’Évangile. Aux versets 19 et 20 de ce même chapitre 10 de l’évangile de Matthieu, Jésus nous dit : « ne vous inquiétez pas de ce que vous direz […] car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous ». Là encore, nous ne sommes pas seuls pour mener à bien notre mission, Dieu nous accompagne. Enfin, Dieu n’a pas besoin que nous soyons des « super chrétiens », mais il nous demande seulement : Est-ce que mon amour te touche ? Est-ce que tu crois que je t’aime ? Est-ce que tu perçois mon pardon ? Ma confiance ? Est-ce que mon message et ma présence te font du bien ? Si tu crois tout cela, alors tu es pleinement mon associé, mon collaborateur, et je te donnerai aussi les moyens d’accomplir ta mission, ton travail, ce pour quoi je t’ai embauché. Alors, tous en route pour annoncer là où nous sommes la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Amen. Proposition de cantiques : AEC 523, NCTC 246, Alléluia 36-10 Que la moisson du monde est grande AEC 613, Alléluia 47-21 J’ai besoin de ta confiance [1] L’une des trames possible de l’évangile de Matthieu correspond à cinq grands « discours » de Jésus qui peuvent évoquer les cinq rouleaux de la loi mosaïque et suggérer ainsi aux lecteurs que Jésus est le nouveau Moïse : – La justice du Règne (chap 5-7) – Les hérauts du Règne (chap 10) – Les mystères du Règne (chap 13) – Les enfants du Règne (chap 18) – La vigilance et la fidélité requises dans l’attente de la manifestation dernière du Règne (chap24-25) Cf. Introductions de la TOB, de la NBS et commentaire de Matthieu de Pierre Bonnard.