Textes : Ps 41 Ésaïe 43, v. 18 à 252 Corinthiens 1, v. 18 à 22 Marc 2, v. 1 à 12Pasteur Danièle RigolletTélécharger le document au complet
Jésus et le paralytique de Capernaüm Texte bien connu, peut-être trop connu et pourtant dans lequel nous pouvons toujours trouver matière à méditation. 1) Jésus coincé dans la maison par la foule (v.1-2). Jésus se tient dans la maison de Simon (pense-t-on d’après ce qui précède 1,29). Sa renommée est telle que où qu’il aille la foule le suit (1 :28, 33, 45). Il est là dans cette maison, encerclé par la foule qui occupe tout l’espace et bloque la porte d’entrée. Le texte ne dit rien sur l’attente de la foule, attirée par le sensationnel ? En quête d’un enseignement différent de celui délivré par la synagogue ? Le texte ne relate pas non plus les paroles de Jésus. 2) L’arrivée d’un étonnant cortège (v.3-4). Le lieu est clos par la foule, et pourtant un nouveau groupe arrive : quatre hommes portant un paralytique. Ils vont chercher à ouvrir un passage dans cette barrière humaine qui est devant eux. Mais leur détermination va les rendre ingénieux et leur permettre de dépasser cet obstacle. Rien ne les peut les arrêter, ils doivent absolument amener le paralysé aux pieds de Jésus, il faut qu’il le voie. 3) Jésus prend la parole (v.5). Jésus constate la foi des nouveaux arrivants (sûrement celle des 4 porteurs et celle du paralysé, ils ne font qu’un dans ce mouvement). Mais quand Jésus prend la parole, il s’adresse uniquement au paralytique, il l’appelle mon fils (ou mon enfant) et cette parole est une affirmation qui décide de l’état du paralytique, cette expression souligne une filiation, celle de l’écoute de la Parole de Dieu, celle de la foi. …tes péchés sont pardonnés. Pourquoi Jésus proclame-t-il ce pardon alors que la demande est la guérison physique ? La guérison intérieure (paralysante), invisible aux yeux est parfois nécessaire avant de s’attaquer à la maladie visible (le handicap). Jésus va droit au coeur du problème chez cet homme. Il ne cherche pas l’origine des péchés, il n’est pas là pour juger ou condamner, il vient pour libérer des entraves qui paralysent. 4) Le débat avec les scribes et la mise en marche du paralytique (v.6-10). La parole de Jésus fait autorité et cela dérange les scribes. (Le rigorisme de scribes avait tendance à voir dans la souffrance physique le châtiment du péché). Jésus démasque au grand jour leur raisonnement intérieur : Il blasphème. Accusation grave, ce sera un des motifs ultérieurement pour le condamner à mort. Pour eux, seul Dieu peut pardonner les péchés. Et Jésus réagit par une question que tout le monde peut entendre mais que les scribes ne peuvent que recevoir pour eux : qu’y-a-t-il de plus facile, de dire au paralytique : tes péchés sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi, et prend ton brancard et marche ? Pour les scribes la foi n’est ni une rencontre, ni la découverte du pardon, pour eux la foi c’est la certitude d’être bien portants (dans leur conformité à la loi) alors que les autres sont pécheurs (notamment les malades). Jésus poursuit. Sans attendre une éventuelle réponse il passe aux actes : je te dis, lève-toi, ( ressuscite ! même verbe) prends ton brancard et va dans ta maison ! La parole de Jésus dynamise, elle suscite et réalise ce qu’elle dit. 5) La sortie du paralytique (v.11-12). La parole de pardon de Jésus l’a guéri de sa paralysie. Une autre vie peut commencer pour lui. La foule s’extasie et fait un bout de chemin vers une nouvelle foi, elle rend gloire à Dieu. Ceux-là même qui avaient coincé Jésus parlant dans sa maison comme l’on met en cage un oiseau pour jouir de son chant expriment à leur tour une parole. La mise en route du corps par un ordre, par une parole, suscite la parole des témoins de l’événement. 6) La foi. La foi est ici une action complexe qui mobilise un groupe autour du corps à sauver. Il faut le porter, ouvrir le toit, le faire descendre par le trou et le présenter à Jésus. Elle n’est pas une doctrine à laquelle il faut adhérer mais bien le ressort d’une action efficace où des individus jouent leur va-tout sur Jésus pour sauver un corps. La foi est le moteur d’une action orientée vers Jésus pour le salut d’un corps paralysé. 7) Le corps. Il est actionné par la parole puisqu’il réagit au quart de tour à l’ordre de Jésus. Il est vulnérable au péché défini comme neutralisation de l’impact de la parole sur un corps. Le corps en ce texte est associé à un brancard qu’il n’abandonne pas puisque guéri, il repart avec. Ce corps est si bien pardonné et guéri qu’il est en mesure de se prendre en main et d’assumer le péché dont le brancard emporté sous le bras est la trace. 8) La parole de Jésus. Il lui faut un corps pour manifester la gloire de Dieu. Elle n’est pas un message, un discours, une doctrine mais une puissance qui s’épanouit dans un corps d’abord comme parole de pardon puis comme parole qui met en marche. Ce n’est qu’avec la sortie du corps de la maison que la foule reçoit cette parole que Jésus lui dit au début du texte (v.2). 9) Le fils de l’homme. Jésus introduit un troisième terme entre Dieu et l’homme : le fils de l’Homme. Celui-ci a pouvoir sur la terre pour la remise des péchés et il manifeste ce pouvoir par sa capacité à mettre en route les corps paralysés par les péchés. C’est par lui que le salut des corps voulu par Dieu peut devenir effectif sur la terre. 10) Que nous apprend ce texte ? Une manière un peu différente de considérer le péché. Le péché n’est pas une atteinte à la loi, il est une atteinte contre le lien entre la parole et le corps. Une manière un peu différente de considérer la parole. La parole n’est pas faite seulement pour communiquer un message mais aussi pour animer les corps. Si nous devions nous servir de ce texte pour définir le mot « évangélisation », nous pourrions en conclure que l’évangélisation est une rencontre que l’on peut décomposer en deux temps. D’abord des gens demandent avec foi à Jésus de sauver un corps blessé. Puis la parole de Jésus libère du péché ce même corps en lui donnant la force de vivre. 11) quelques pistes pour une prédication – la foi des différents personnages, mais quelle foi ? Vers quoi ou qui cette foi (ou ces différentes fois) va-t-elle évoluer ? – le péché qui paralyse nos vies et le pardon de Dieu comme une grâce qui nous remet debout.- le chemin de la foi passe par le regard fraternel et la main secourable du prochain. Mais l’acte de foi qui nous sauve n’est donné que dans la rencontre personnelle et unique avec le Christ.- la parole de Jésus faite pour communiquer, libérer un passage vers l’autre, est dans ce texte accaparée, emprisonnée par la foule anonyme et compacte, ne laissant rien filtrer au-dedans comme au-dehors. Qu’en est-il pour nous dans notre/nos église/s ? Gardons-nous cette parole pour nous ? Comment faisons-nous retentir cette parole ? Parole morale ou libératrice ? …- Jésus n’est pas seulement préoccupé de la guérison du corps, mais aussi de celle du coeur et de l’esprit, restauration de l’être dans sa globalité. – le paralytique dans ce texte, c’est chacun de nous, les quatre compagnons aussi ? Dans l’Église nous sommes les uns pour les autres ceux qui conduisent à Jésus autant que ceux qui sont guéris par lui.
De la foi ou de l’incroyance, qu’est-ce qui l’emportera dans le cœur des hommes ? C’est le drame qui traverse tout le ministère de Jésus, et il est déjà présent dès les premiers jours à Capernaüm. La foi, elle existe réellement chez ces hommes qui apportent le brancard ; une foi décidée, active, presque impatiente. Ils souffrent de voir souffrir cet handicapé, leur ami, et ils savent que Jésus est pour lui la dernière chance, une vraie chance comme Dieu seul en envoie. Et c’est pourquoi leur foi se traduit en acte d’amour : coûte que coûte il faut traverser l’indifférence de la foule ; par tous les moyens il faut ménager à l’infirme une rencontre avec Jésus ; il faut que, pour un instant au moins, ce pauvre qui ne peut plus rien passe avant les autres. Si Jésus voit cet homme, ce paquet de souffrance et de misère, c’est gagné d’avance. L’incroyance est là, elle aussi, présente au rendez-vous, dans le cœur de quelques scribes, des intellectuels bien assis pour écouter, pour peser, pour juger. Ils ont bien compris, pourtant ; ils ont raisonné juste, et posé la vraie question : « Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ? » Mais ils se dérobent devant la vraie conclusion ; ils fuient devant l’acte de foi. Plutôt que d’admettre :« Cet homme fait les oeuvres de Dieu », ils préfèrent dire : « Cet homme blasphème ! » II en sera ainsi dans tous les temps. Il se trouvera toujours des hommes pour refuser le paradoxe du Christ, pour ramener le Christ aux dimensions de l’ordinaire, et pour trouver insoutenable que Jésus Christ, vrai homme, agisse aussi en vrai Dieu. Mais ne jetons pas trop vite la pierre aux scribes, et mesurons bien ce que l’attitude de Jésus devait avoir de déroutant. Le brancard descend par le trou du toit ; l’homme est là, aux pieds de Jésus, plus immobile que jamais. Tout le monde attend la parole de guérison, mais les mots qui viennent semblent ignorer la souffrance physique : « Mon enfant, les péchés sont pardonnés ! ». Jésus n’a pas répondu au niveau de la demande, parce qu’il veut situer d’emblée son action au niveau de l’essentiel et du définitif. On demande la santé du corps ; il donne la liberté du cœur. On réclame de pouvoir agir ; il donne d’être selon Dieu. Au risque de décevoir le paralysé, au risque d’inquiéter les scribes, il dit tout de suite la parole du salut, parce qu’il est le Fils de l’Homme qui apporte le salut d’auprès de Dieu. Mais pourquoi cette hâte, pourquoi bousculer et désappointer ainsi l’espérance immédiate ? Marc l’exprime clairement : « Jésus, voyant leur foi, dit au paralysé : tes péchés sont pardonnés ! ». Jésus a vu leur foi, il compte sur leur foi, et il veut répondre à leur audace par son audace de Fils de Dieu. Voilà pourquoi il leur révèle d’un coup de quoi est faite l’initiative du Père. La guérison viendra, mais dans un deuxième temps, comme une récompense de la foi, et comme un signe pour ébranler l’incroyance des scribes : « Je te dis, lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison ! » Brusquement, tout l’intérêt se porte sur le paralysé. Depuis le début, il n’a rien dit ; mais voilà que Jésus lui demande d’être actif dans sa propre guérison : « Lève-toi ! ». Va-t-il se lever ? Sur la seule parole de Jésus, osera-t-il faire tous ces gestes impossibles ? C’est en obéissant à la parole qu’il va traduire sa foi ; et son corps va se dénouer, se déplier, tout au long de cette minute de confiance, la guérison accompagnant l’obéissance au Christ. Des années durant on l’avait traîné sur sa civière, et voilà qu’il emporte lui-même, avec ce brancard, tout son passé de misère et de désespoir ; voilà que, sur l’ordre de Jésus, il enlève lui-même tous les signes de sa paralysie. Ainsi, au oui que Dieu prononce sur le monde, en Jésus Christ, répond le oui de l’homme à Jésus Christ : le oui de la foi, qui balaye courageusement toutes les impressions d’impuissance ; le oui de l’espérance, quand l’homme met sa confiance en Dieu, alors même que Dieu déplace sans cesse les points d’appui ; le oui de l’amour actif, qui ne s’arrête jamais avant que l’autre ait rencontré Jésus. À travers cet épisode de l’Évangile, Jésus vient redire : « Ce qui paralyse, c’est le péché ». Et à partir de cette conviction, un double réflexe nous est demandé, un double effort nous attend. D’une part le réflexe du « brancardier » : ne pas nous résigner à la paralysie de nos frères ni à les voir loin du Christ, ne pas cesser de prier pour eux, de les amener à Jésus ; car nous n’avons pas le droit de nous dire : «C’est définitif, c’est irréversible ; pour lui, il n’y a plus que la civière, il n’y a plus rien à faire». D’autre part, et avant tout, le réflexe du « brancardé » : ne pas nous résigner à notre propre paralysie, comme si le péché, la tristesse, ou l’échec spirituel, étaient des fatalités dans notre propre vie. Acceptons, s’il le faut, que d’autres saisissent notre brancard pour nous mener au Christ, et laissons-les faire, même si c’est pour nous humiliant. C’est leur espérance qui compte.. Et puis, quand Jésus nous dit : « Lève-toi », ne le faisons pas attendre comme si c’était impossible ; car il n’est rien d’impossible à Dieu. Oui, aujourd’hui ces paroles de Jésus s’adressent à chacun de nous : « Lève-toi », toi aussi, fais cette chose impossible : tiens-toi debout désormais. « Prends ton brancard », toi aussi, assume ton passé, tes faiblesses, tes échecs ; ôte de ton chemin toute tentation de stagner, de te faire porter. « Tes péchés sont pardonnés »; cela te suffit pour être fort ; cela doit te suffire pour être léger.