Textes : Ps 103 Actes 1, v. 15 à 261 Jean 4, v. 11 à 16 Jean 17, v. 11 à 19Pasteur Christophe VerreyTélécharger le document au complet
Situé au début du livre des Actes, que les exégètes s’accordent à considérer comme la suite de l’évangile de Luc, donc du même auteur que cet évangile, ce texte nous présente l’un des efforts que fit la communauté primitive pour s’organiser après l’Ascension (Actes 1 v 2 et 9-11), peu après le départ définitif de Jésus. Après avoir symboliquement quitté le Mont des Oliviers (v 12), lieu de la dernière épreuve avant la crucifixion, les onze, explicitement nommés (v 13) sont à Jérusalem dans leur salle de réunion habituelle, là où avait eu lieu le dernier repas, celui de la Cène, dans la « chambre haute ». Il y a là aussi « quelques femmes dont Marie la mère de Jésus, et les frères de Jésus », détail qui a son importance, puisqu’elle montre incidemment la place privilégiée que prend, dès sa disparition, la famille de Jésus : Jacques, en effet, sera le chef incontesté de la communauté de Jérusalem lorsque les apôtres les plus influents auront quitté la place. La question principale est la suivante : faut-il ou non remplacer Judas ? Non pour retrouver un trésorier pour la paroisse, mais pour reconstituer ce chiffre idéal des 12, si cher à Jésus, même s’il n’a jamais explicité ce choix dans son discours, mais en référence évidente aux 12 tribus d’Israël, pour marquer la continuité de la Tradition avec le judaïsme. Et encore plus cher à Luc, qui est le seul évangéliste à réserver le mot « apôtres » (apostoloi = ambassadeurs) au groupe des 12. On retrouve ce chiffre dès le v15, multiplié par 10 pour montrer la multitude. Luc veut montrer ici le souci de ce groupe de rester fidèle aux dispositions qu’avait prises Jésus afin d’organiser la mission de « ceux qu’il avait choisis comme apôtres ». v 15 Un de ces jours-là : nous sommes entre l’Ascension et Pentecôte, qui prendra place au chapitre 2. Pierre se leva au milieu d’eux : L’expression semble prouver qu’il n’y a pas une place prééminente, selon Luc. Mais l’idée de « se lever » est en fait l’expression d’une résurrection. Alors que depuis le début, les apôtres ne se sont exprimés que collectivement (v 6) Pierre semble se réveiller subitement des traumatismes mortels qu’ils ont subis, avec la mort et le départ de Jésus. v 16 Frères : c’est déjà une habitude des premiers temps de l’Église de s’appeler ainsi. Ce terme apparaît 30 fois dans les Actes. Bien entendu, il embrasse également toutes les sœurs… qui étaient présentes aussi, selon le v 14. Il fallait que se réalise ce que le Saint-Esprit a annoncé dans l’Écriture : on s’étonne toujours, de nos jours, de cette liberté avec laquelle les premiers chrétiens citaient la Torah, mais cette liberté existait déjà dans la Tradition juive. Il n’est qu’à lire le Talmud ou les midrashim pour s’en convaincre. Pierre cite librement, ici et au v20, des psaumes (69 :26 et 109 :8) attribués à David. Il y a parlé d’avance de Judas : c’est bien sûr une interprétation « actualisante » du psaume, qui montre bien le souci de l’auteur d’inscrire la trahison de Judas dans un cadre fixé d’avance par la volonté de Dieu. Judas : l’Iscariote était celui qui tenait la bourse du petit groupe (cf. ci-dessous). v 19 champ du sang : la tradition retenue par Luc est un peu différente de Mt 27 v 3 à 10, où le champ est acheté par les grands prêtres après que Judas leur ait rendu l’argent et soit allé se pendre… Il faut se souvenir que l’histoire s’est transmise de bouche à oreille avant d’être mise par écrit. L’auteur ne vivait pas en Palestine et a transmis ce qu’il avait reçu. v 21 Il faut donc qu’un homme se joigne à nous : la nécessité ne nous apparaît pas très clairement, sinon pour reconstituer les 12 (voir introduction). v 22 Cet homme doit être l’un de ceux qui nous ont accompagnés tout le temps : 2 choses à en retenir : – la présence de disciples autour des apôtres, plus ou moins nombreux, à la présence aléatoire, qui les accompagnaient. On remarque qu’il s’en trouve peu, mais parmi eux au moins 2 qui ont vécu l’ensemble de l’histoire, et peuvent en témoigner. – incidemment les critères que revendiquent les 11 apôtres : avoir été témoin du Baptême de Jésus jusqu’à l’Ascension, auquel il faudrait ajouter : avoir été désigné comme tel, par son nom, par Jésus. …pour témoigner de la résurrection du Seigneur Jésus : notez l’importance du témoignage pour faire partie du groupe de références de la nouvelle Église, et l’insistance sur ce qui apparaît comme l’évènement majeur de ce témoignage, au-delà du reste de l’enseignement du rabbi Jésus : la résurrection ! C’est la mission même des 12 qui est précisée ainsi. v 23 On proposa alors deux hommes : Joseph, appelé Barsabbas, surnommé aussi Justus, et Matthias. Aucune raison de douter de la véracité historique de ce verset, sauf à douter de l’ensemble. On n’entend plus parler de ce Joseph-là par la suite, mais il est vrai qu’on n’entend plus non plus parler spécifiquement de Matthias… v 24 à 26 le sort désigna Matthias : cette procédure peut surprendre, même après une prière, mais elle n’est pas sans précédents : 1 Chroniques 24 raconte comment les ecclésiastiques de service au Temple ont été tirés au sort parmi les fils d’Aaron du temps de David, leur nombre étant devenu trop grand. Il y a de grandes chances que cette pratique ait été ensuite souvent reprise, notamment pour le service du Temple. Auparavant déjà, Exode 28 v 30 décrit le pectoral d’Aaron, qui dés l’origine porte sur lui « les ourim et les toummim », probablement des pierres de divination qui ont dû servir à l’occasion, même si la Bible en parle peu… ( voir 1 Samuel 14 v 41, version grecque). On peut aussi renvoyer à Jonas ! Tirer au sort est en tout cas une pratique courante de l’antiquité, mais jamais considérée comme le fruit du hasard, toujours en lien avec une décision divine. Notez bien que le procédé semble aller de soi, puisqu’il ne fait pas l’objet d’une concertation et est tout de suite adopté comme décision divine : qui fut donc associé aux onze apôtres. Thèmes de prédication : – Judas : grand mystère de cette histoire ! Était-il zélote ? Il aurait alors livré Jésus sciemment, pour le forcer à montrer enfin toute sa puissance de Messie, à faire tomber la foudre sur les soldats, prendre le pouvoir et monter à Rome prendre la place de l’empereur, accompagné de ses fidèles zélotes et des légions angéliques ? Ou n’était-il qu’un vulgaire filou désireux de toucher la prime, et déçu de ce messie qui ne correspondait pas à ce que la Tradition juive en disait ? Avait-il été vexé par Jésus ? Ou au contraire chargé d’une mission dont il s’est acquitté au mieux, mais trop lourde pour lui ? pensait-il sauver Jésus de la mort brutale en le confiant aux autorités ??? bien des hypothèses ont été avancées, à vous de rechercher… Et nous, quelles sont nos trahisons ? Quel genre de Messie acceptons-nous ?… – La terre est trop souvent un « champ du sang », lorsque les infamies se mêlent à la propriété du sol : droit du sol contre droit du sang, souffrance de la Création (cf. Romains 8)… Proposition de chants : AEC 420, Alléluia 43-10 Tel que je suisAEC 751, Alléluia 56-06 Un chrétien je voudrais être (surtout st. 4)Alléluia 44-05 & 06 C’est mon joyeux serviceAEC 427, NCTC 302, Alléluia 44-07 Tu me veux à ton service AEC 426, Alléluia 44-08 Qu’il fait bon à ton service… Alléluia tout le chap. 44 !
(particulièrement pour une Assemblée Générale élective) Je voudrais aujourd’hui me pencher sur ce texte pour parler des élections ! Nos démocraties modernes nous ont habitués à ce genre de désignation, mais dans la Bible, l’élection ne se présente pas de la même manière. Elle résulte de l’appel que Dieu adresse à un individu. Du choix de Dieu sur un individu. Notre texte montre que l’Église primitive hésite déjà entre deux types de désignation. Et dans notre Église, dans quelle mesure la désignation des conseillers répond-elle à la volonté de Dieu ? 1. Élection dans la Bible hébraïque : Avant de répondre à cette question, voyons un peu plus en profondeur cette notion d’élection dans le Premier Testament. L’élection, c’est avant toute chose le mystère du choix de Dieu pour un peuple, son peuple, désigné comme tel au milieu de toutes les nations, le mystère de l’Alliance. C’est ce qui fait la grandeur, mais aussi la servitude d’Israël en tout temps, et encore aujourd’hui. Au choix de Dieu répond le choix d’Israël : « si vous ne trouvez pas bon de servir l’Éternel, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir » (Jos.24/ 15 = Alliance de Sichem avec les tribus d’Israël) A l’origine initiative gracieuse de Dieu, l’élection d’Israël s’impose non comme un caprice incontestable mais comme une relation d’amour. Dieu aime Israël, et entend qu’Israël lui rende cet amour. La destinée particulière d’Israël est de témoigner, par amour pour YHWH (prononcer « le Seigneur », note du service) son Dieu, de la grandeur de Dieu devant les nations. Si la destinée d’Israël est de souffrir, c’est, par amour pour YHWH son Dieu, de la jalousie des hommes devant ce redoutable privilège. Ce choix de Dieu s’est traduit ensuite dans l’histoire des patriarches par l’écartement des héritiers naturels : Ismaël, Ésaü ou Ruben, au profit d’héritiers qui ont la préférence de Dieu, Isaac, Jacob ou Juda, ce qui montre que Dieu ne se contente pas de mettre en place un processus dynastique. Et lorsqu’il appelle les prophètes, à commencer par le plus grand d’entre eux, Moïse, mais aussi Amos, Jérémie ou Ésaïe, il ne choisit pas des prophètes professionnels, des gens préparés pour cela, mais il va les chercher là où ils se trouvent et les contraint à proclamer sa Parole, généralement pour rappeler au peuple la nécessaire fidélité à l’Alliance. Et l’histoire du prophète des nations, Jonas, est exemplaire en cela à plus d’un titre. Il refuse l’élection, il part se cacher lorsqu’il est appelé par Dieu. Il sera rattrapé par… un tirage au sort, entre les marins, pour savoir qui, qui serait jeté par-dessus bord ! et jusqu’à la fin il contestera avec lui sur l’utilité de sa mission. Il rechigne, il regimbe, Dieu est obligé d’employer avec lui les grands moyens… mais il y va quand même, malgré tout ! Demandez donc aussi à Jérémie, cloué au pilori, s’il a accepté avec joie sa mission ? Et Osée, qui se marie sans amour pour obéir à l’amour de YHWH ? Tous éprouvent avec difficulté le privilège d’être élus !
- 2. Élection dans l’Église Primitive :
Dans notre texte, l’élection du remplaçant de Judas au Conseil des 12 ne se fait pas plus dans le respect de la démocratie. L’assemblée ne tient pas non plus particulièrement compte de l’avis de Matthias. Bien sûr, en projetant ce que nous connaissons de la vie de nos Églises Réformées, on peut toujours dire que cette élection était préparée, que Pierre n’a pas parlé au hasard ni sans consultation préalable et que les candidats étaient les poulains du Conseil… C’est anachronique et vaguement tendancieux. Ce n’est en tout cas pas ce que nous dit le texte, qui veut nous montrer au contraire toute la fraîcheur des premiers matins de cette toute jeune Église. Elle cherche à s’organiser en l’absence de son père fondateur, à reproduire ce qu’ils connaissent déjà, à retrouver ce chiffre de 12 qui paraissait si important à Jésus, à en croire Luc, symbole du Nouvel Israël. Et Pierre y parle de l’abondance du cœur. Il n’est pas étonnant qu’il choisisse comme candidats des témoins de « tout le temps où Jésus a marché à notre tête » dans la mesure où les 12 sont là avant tout comme témoins de sa résurrection bien plus que pour gérer l’administration d’une Église que l’on appellera ainsi qu’au chap.5 …Présentés devant l’assemblée, tirés au sort comme Jonas sur le bateau, désignés pour occuper la place peu enviée de Judas, les deux candidats acceptent sans rien dire l’ordre des choses élaboré pour eux. Et tout ce que l’on sait de Matthias, l’heureux élu, tient dans ces deux versets. Une fois adjoint aux onze apôtres, il se fond dans le groupe et accepte cette dignité qui lui vaudra probablement de mourir en martyr. Mais j’attire ici votre attention sur le fait que cette élection, vécue dans la prière, est acceptée comme choix de Dieu, une mise à part de cet homme pour ce service, et que l’autorité des apôtres comme témoins du ressuscité y est incontestée. Pourtant, sans attendre un appel particulier de Dieu, impatients de retrouver l’ordre des choses qui leur paraissait institué par Jésus lui-même, les apôtres ont eu là recours à un artifice pour élire un homme. Était-ce bien la volonté du Christ ??? 3. Élections dans les Églises de la Réforme : N’ayant plus sous la main de témoins directs du ressuscité pour succéder aux apôtres, l’Église a depuis lors été amenée à varier ses procédés d’élection. Les Églises de la Réforme, inspirées en France par Calvin et Zwingli, ont cru devoir recourir à un mode d’élection par suffrages pour désigner les membres de ses Conseils. Bien avant que les démocraties parlementaires n’existent. (Ce qui, entre parenthèse, nous donne une sacrée pratique en la matière, et un train d’avance par rapport à nombre de nos contemporains…) Toujours est-il que dans notre Église, c’est le sacerdoce universel qui fait de la « vox populi » la « vox dei ». Le corps du Christ, inspiré par l’esprit, décide du choix des candidats. C’est loin d’être la démocratie, vous le voyez. En fait, ce serait même à coup sûr une élection divine, si du moins l’utilisation de l’artifice n’introduisait pas, avec la décision humaine, comme un léger doute sur la pureté du procédé… Mais les apôtres eux-mêmes n’ont pas eu de ces scrupules. Être appelé, devenir candidat, être élu Conseiller est donc la conséquence de notre élection divine, de l’appel de foi que chacun a reçu et qui le rend présent aux assemblées d’Église. Par conséquent, il faut que chacun le reçoive comme une grâce qui lui est faite de pouvoir se mettre au service de tous. Malgré le fait que nous n’acceptons pas toujours de gaieté de cœur cette élection et la charge qui y est rattachée. Malgré les oppositions et les critiques qu’un Conseiller doit toujours recevoir de la communauté lorsqu’elle exerce sa légitime vigilance. Il faudrait donc que chacun reçoive comme une grâce de pouvoir donner son témoignage particulier de la Nouvelle Alliance. L’Alliance d’amour en Jésus-Christ. Comme une grâce de pouvoir se consacrer mieux que jamais à une certaine forme de fidélité. Oui, être appelé pour ce service est une dignité qu’il faut assumer comme un sacerdoce. Qu’il faut vivre comme un privilège, pour lequel il faut chaque jour remercier le Seigneur. Car cette élection n’est rien d’autre que la manifestation d’une bénédiction spéciale qui est donnée par Dieu, en Jésus-Christ. Une manifestation particulière de son amour pour nous. C’est simplement qu’il nous en a jugé(e)s dignes. Même mal préparés, malgré toutes nos insuffisances. II Cor. nous le dit bien : « il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Aussi mettrai-je mon orgueil bien plutôt dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. » AMEN REPENTANCE À nous qui sommes trop souvent tentés de baisser les bras devant les difficultés, découragés et fatigués devant l’échec, À nous qui sommes las de nous battre, angoissés par la peur de ne pas réussir, Redis-nous Seigneur aussi souvent qu’il le faudra : « Je suis le Dieu des vivants ». À nous qui sommes trop souvent enfermés dans l’incrédulité, repliés sur nous-mêmes loin des autres, prisonniers de ce mal étrange qui fait que nous faisons ce que nous ne voulons pas et que nous ne faisons pas ce que nous voulons, À nous qui sommes dans les ténèbres et le brouillard, Redis-nous Seigneur aussi souvent qu’il le faudra : « Je suis le Dieu des vivants ». À nous qui sommes si lents à croire que nos mains et nos cœurs peuvent s’ouvrir, que nos vies peuvent se dépouiller pour faire place aux autres, À nous qui manquons de force et de courage pour vivre comme tes enfants, redis-nous Seigneur aussi souvent qu’il le faudra : ²Je suis le Dieu des vivants ². Elian Cuvillier