Textes : Jérémie 13, v. 15 à 27 Ps 96 Ésaïe 62, v. 1 à 51 Corinthiens 12, v. 4 à 11 Jean 2, v. 1 à 12Pasteur Christophe VerreyTélécharger le document au complet

Proposition de prédication

A l’arrivée de Jésus, le Royaume de Dieu s’installe dans le monde. Celui que Jn appelle « la Parole de Dieu : celui qui est la Parole était avec Dieu, et il était Dieu.», « le logos incarné », est celui qui vient apporter lumière et vie aux hommes « Celui qui est la Parole est devenu un homme et il a vécu parmi nous, plein de grâce et de vérité » (1 v14). Enfin les prophéties s’accomplissent, le Sauveur est arrivé, il est parmi nous. Mais discrètement, sans tapage ni déploiement de force. Simple et merveilleux. Comme une lampe qu’on allume, comme le soleil au matin. C’est pour cela que personne ne le sait. Alors, pour se montrer un peu tel qu’il est, pour dire qu’il est l’heure, que le moment tant attendu par le peuple est arrivé, Jésus va donner un signe. C’est le vin du Royaume! Que Jésus fait couler à flot dans cet évangile plein de surprises et plein de joie. 1ère surprise, un festin de noce ! Pour fêter le début du ministère de Jésus, inauguré avec discrétion par le plongeon dans l’eau du baptême puis par le choix des premiers disciples. 2nde surprise, l’eau se change en vin, comme s’il en pleuvait ! Comme si tout était changé puisque Jésus est là. Avec la joie de cette grâce en abondance. Pourquoi des noces ? Dans la joie de la noce, le peuple des croyants épouse enfin Dieu ! C’est une image juive traditionnelle, que l’on trouve dans toute la Bible, dans les prophéties d’Osée et d’Ezékiel (16 :8), par exemple. C’est la suite logique du Cantique des Cantiques. Ce Cantique est un poème d’amour libre entre un homme et une femme, il n’y est jamais fait mention de Dieu et pourtant il fait partie de la Bible, parce que la Tradition y a vu une image de l’amour de Dieu pour l’homme. Amour qui doit trouver son heureux aboutissement dans le mariage, comme il se doit. Inversement, Osée montrera que malgré l’infidélité du peuple Dieu l’aime toujours, en épousant une prostituée. Si vous lisez l’Apocalypse, du même auteur que cet évangile, vous y trouverez encore le Jour du Jugement Dernier décrit comme étant un jour de noces, « les noces de l’Agneau ». C’est une manière de montrer que le croyant n’a rien à redouter de la Fin du Monde, qu’il s’agira pour lui d’un heureux évènement, qui l’unira à Dieu pour l’éternité. Aussi parce que pour l’homme et la femme qui se marient, c’est la fin d’une ancienne vie, le début d’une vie nouvelle, dans la fidélité et l’espérance. Jésus ici n’est que l’invité des noces, avec sa mère et ses disciples. Mais si Jn a choisi des noces pour le premier signe de Jésus, lui qui multiplie dans ses livres les symboles et les indices, c’est pour attirer notre attention sur ce début de ministère miraculeux qui en annonce l’heureux aboutissement, après la mort et la Résurrection, et malgré l’infidélité du peuple qui a préféré le laisser mourir. « Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu dans son propre bien, et les siens ne l’ont pas accueilli… » Cana est un signe fort de la fidélité de Dieu qui espère encore en la notre. Il est bon au passage de découvrir que l’Évangile n’est pas opposé au mariage et à l’union sexuelle de l’homme et de sa femme. Au contraire, il y voit un premier signe de joie de l’homme. L’eau changée en vin : C’est un miracle! C’est un miracle discret, juste un signe destiné aux disciples et à sa mère pour montrer de quoi il était capable. Mais surtout, c’est un miracle qui n’a de sens que par sa symbolique, par ce qu’il cherche à nous dire. Il n’a pas de sens en soi, puisqu’il ne respecte pas les lois de la nature que Jésus a lui-même institué. Si pour Jean « le monde fut par lui », Jésus et le créateur ne font qu’un ; et ce n’est qu’un jeu pour lui, même descendu du ciel, homme parmi les hommes, de faire ce petit tour de passe-passe ! Mais c’est un tout petit miracle par rapport à la Création, il faut bien le reconnaître. C’est beaucoup moins impressionnant que le miracle de faire vivre toute vie dans l’univers jour après jour, ou de faire tourner la Terre à la bonne vitesse. Heureusement que toute l’eau de la Terre ne s’est pas transformée en vin ! Ce n’est donc pas le côté prodigieux du miracle qu’il faut retenir ici. Cana, c’est le signe du changement ! Changement par rapport à la Tradition juive, changement pour notre vie toute entière. L’eau qui était là, ce n’était pas n’importe quelle eau : « Il y avait là six récipients de pierre que les Juifs utilisaient pour leurs rites de purification » … En les privant d’eau, Jésus empêche les autres invités de continuer leurs ablutions rituelles. Il ne s’agissait pas seulement de se laver les mains ou de se rafraîchir. C’était beaucoup plus profond que cela, la même signification que le baptême de Jean : la volonté de montrer à Dieu que l’on veut rester pur, respectueux de la loi, fidèles à Dieu par la Tradition…L’eau, c’est le système de la souillure qu’il faut laver. Le vin au contraire est le plus beau cadeau de Dieu, ce qui réjouit le cœur de Dieu et le met en fête. Voici donc l’évangile nouveau: la vie de l’homme est une aventure exaltante. La fête n’a pas besoin de rite pour être juste et belle! Après Jésus, l’homme n’a plus besoin de rites pour être sauvé. Pas plus que de sacrifice après son sacrifice. La foi en Jésus-Christ n’est pas un mode de vie ni une morale. C’est une fête, un embrasement de la personne, un enthousiasme pour les promesses de l’évangile. L’eau se change en vin pour nous montrer que notre vie peut se changer en fête. La guerre peut se changer en paix, la violence peut se changer en pardon, la mort peut se changer en vie, la tristesse peut se changer en joie, … Certes, c’est en espérance ! « Si l’on voit ce que l’on espère, ce n’est plus de l’espérance: qui donc espérerait encore ce qu’il voit? » (nous dit si bien Romains 8:24 ) Comme, à Cana, ce n’est qu’un signe donné aux disciples. Mais « il manifesta ainsi sa gloire, et ses disciples crurent en lui. » Pas besoin d’autres signes que ce signe de Cana. En lui nous pouvons reconnaître la gloire du Christ, avec tout ce que les témoignages des disciples nous ont transmis, en lisant la suite de l’évangile pour mieux le comprendre. Pas besoin de plusieurs baptêmes, un seul suffit comme signe de changement dans notre vie. A nous de vivre à fond avec ce signe qui nous est donné pour donner sens à notre vie, dans la fidélité et l’espérance. Et dans la joie de la fête qui nous attend dans le Royaume. AMEN. PRIERE après la prédication et avant la Cène« Quelle simplicité, quelle confiance, Seigneur, … » (La Galette et la Cruche Tome 1, p.44-45- A. Nouis – Réveil Ed°)

Notes bibliques

Le Pasteur Verrey n’ayant pas rédigé de Notes bibliques, je vous joins celle du Pasteur Philip du 14/01/2007.

Introduction

Le « miracle » de Jésus à Cana n’est pas comme les autres. – Je mets le mot miracle entre guillemets, car il signifie « signe ». Dans les autres évangiles, le mot miracle signifie «acte de puissance ». Pourtant c’est un des miracles les plus célèbres, sinon le plus célèbre. – Imaginez en France : changer l’eau en vin…. Il a connu une multitude d’interprétations, sans doute parce qu’il déroute ; jusqu’à en détourner le sens : n Apologie de Marie, modèle de foi n Évocation de la Cène, avec la multiplication des pains – (pas de Cène chez Jean) n Allusion au baptême qui remplace les ablutions rituelles (les 6 jarres) n La Nouvelle Alliance (banquet de noces) n La tentation de Jésus au début de son ministère et j’arrête là. Jean se contente de commenter ce récit ainsi : commencement des signes de Jésus. Commencement = mot qui se place au début de la Bible (Genèse 1,1) et de l’Évangile de Jean (1,1)

  1. Présentation du récit

Le chapitre 1 de Jean contient le célèbre prologue, suivi des paroles de Jean Baptiste sur Jésus et la rencontre avec cinq futurs disciples. Sans transition (excepté la mention 3 jours après, qui indique la fin d’une semaine – le shabbat ?) Jean raconte une noce. L’Évangile commence avec (ou comme) une noce. L’ensemble des exégètes et commentateurs sérieux sont d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas du récit précis d’un événement, mais qu’il s’agit d’un conte symbolique : exposition du cadre – manque à combler – vient le héros – récit de son action – victoire et louange. D’autre part, il y a beaucoup d’invraisemblances pour un récit historique : n intervention de la mère de Jésus, simple invitée n discussion entre Jésus et sa mère n Rien n’est dit sur le passage de l’eau en vin n Que font des jarres de purification dans une noce ? n Rien n’est dit sur la mariée, et l’époux est celui qui organise. n A la fin le marié est félicité. n Les disciples qui n’ont rien vu croient, etc., etc., etc.…. Tout cela se conclut en disant qu’ainsi, Jésus a manifesté sa gloire dès son entrée en scène. Or, chez Jean, la gloire du Fils, c’est la croix.

  1. Notes détaillées

v.1 – La Mère de Jésus (jamais nommée) est évoquée avant Jésus. Elle est présente avant que son fils ne manifeste sa gloire, et elle sera là, à la fin (Jean 19, 25-26) au pied de la croix – la gloire du Fils. v.2 – Jésus « aussi », est invité, avec ses disciples. A quel titre ? v.3 – Le vin manque. Avarice ou pauvreté de la famille du marié, ou ivrognerie des convives ? La mère de Jésus ne dit pas : « ils n’ont plus de vin. », mais « ils n’ont pas de vin. » Qu’est-ce qu’une noce sans vin en Israël ? v.4 – Malgré tous les efforts des dévots de Marie, Jésus rembarre sa mère. Son heure est celle de la manifestation de sa gloire. Or chez Jean, c’est la croix. v.5 – La mère de Jésus passe outre. Éblouie par son Fils, elle exprime la pleine confiance d’une vraie disciple, dit France QUERE. v.6 – Les jarres de purification : Éléments de la tradition juive orthodoxe, elles vont devenir les instruments de la fête et de la joie. Est-ce le passage de l’ancienne à la nouvelle alliance ? Est-ce une contestation de l’ancienne alliance ? Or, que font ces 6 jarres dans une noce ? N’étant que 6, (et non 7) traduisent-elle l’inachèvement de la première alliance ? Sont-elles la représentation allégorique des 5 disciples appelés auxquels sont joints la mère de Jésus ? (cf. les Pères de l’Église) Remplis d’un vin nouveau et délicieux, ils abreuvent les convives de la noce…. v. 7-8 – Rien n’est dit sur ce qui se passe. Tout est laissé à l’imaginaire de l’auditeur (ou du lecteur). « Remplissez et puisez » se contente de dire Jésus. Pas besoin de pouvoirs surnaturels. La Parole suffit à réaliser pour celui qui l’écoute et la reçoit. Et cela en surabondance : les 6 jarres pleines offrent 600 à 800 litres. A votre santé ! v.9 – C’est le maître de cérémonie qui constate et s’étonne. Les serviteurs qui savent ne sont pas étonnés : est-ce par foi ou indifférence ? car que représentent les serviteurs ? v.10 – Qui est l’époux ? Que vient-il faire à la fin du récit ? Est-ce lui ou son père qui est responsable d’un tel renversement se demande le maître de cérémonie ? Pourtant tout se termine bien et joyeusement. Tout se termine, ou tout commence ? v.11 – La conclusion de ce petit récit est double : C’est le commencement des manifestations de Jésus. Sans rien savoir ni avoir rien vu, les disciples ont commencé à croire en Lui. Mais que veut dire : Croire en Lui ?

  1. Pistes de Prédication

Tous les auteurs que j’ai lus et que je cite dans la bibliographie ont des approches et des lectures différentes. Louis Simon y voir un récit de combat contre les moralistes (boire du vin et faire la noce), contre les ritualistes (qui sont rassurés par les 6 jarres de purification) et contre les mystiques (qui s’enivrent de religion et drogue sacrée). Alphonse Maillot note que ce récit se trouve à la place des récits de la tentation de Jésus au désert. Celui-ci manifeste sa gloire dans un geste dérisoire et ironique, mais plein de sens : un tonneau de vin ! Sa gloire est de n’avoir répondu que par un petit signe…en attendant le vrai. France Quéré insiste sur le rôle de Marie (que Jésus ne nomme jamais) et qu’elle présente comme première à croire et à se comporter comme un disciple. Le rapprochement eucharistique entre les noces de Cana et la multiplication des pains ne me paraît pas plausible. Les récits sont trop différents et le second sert d’introduction au discours de Jésus sur le pain de vie. Le sens le plus vraisemblable pour ce récit surprenant, déroutant et donc difficile me semble être la manifestation réelle et concrète de la présence du Royaume de Dieu parmi les hommes réalisé par la présence humaine et vivante de Jésus.