Textes : 1 Rois 11, v. 26 à 43 Ps 63 Zacharie 12, v. 10 à 11 & 13, v. 1 Galates 3, v. 26 à 29 Luc 9, v. 18 à 24Télécharger le document au complet
Luc 9 versets 18 à 24 (traduction TOB) Le contexte large L’évangile de Luc débute par les récits d’enfance de Jésus et une double évocation des deux témoins de l’ancienne et de la nouvelle alliance (Jean Baptiste et Jésus) À partir du chapitre 3, 21, nous sommes témoins des débuts du ministère de Jésus, par son baptême et nous découvrons son ministère en Galilée, avec des traces de son enseignements, de ses guérisons et de son activité. À partir de 9 verset 51, débute la montée vers Jérusalem, jusqu’à 19, 27. Enfin, l’œuvre lucanienne témoigne des derniers instants de Jésus à Jérusalem, avec son procès, sa mort, sa résurrection et son ascension. Notre récit nous prépare à comprendre l’identité de celui qui va monter vers Jérusalem, de celui qui, jusqu’à présent, s’est présenté comme l’envoyé de Dieu, guérissant et enseignant. Le contexte étroit Notre récit dévoile l’identité de Jésus. Mais cela se fait par étapes. Après avoir envoyé les douze en mission (9, 1,6), Luc dévoile le questionnement humain au sujet de Jésus : Hérode le Tétrarque, la foule, les disciples. Il dévoile également le témoignage divin, par le récit de la transfiguration. Notre récit est entouré de deux récits qui témoignent bien de la diversité de perception de l’identité de Jésus. Il a la figure du prophète, tel Moïse, avec le rassasiement de la foule (9, 10 à 17). Il est reconnu dans sa filiation divine, par le Père (9, 28 à 36). C’est à trois disciples que la véritable identité est révélée Notre texte est la première partie d’un triptyque. Jésus annoncera trois fois sa Passion : 9, 22; 9, 44 et 18, 31 à 33 sur un rythme inégal comme pour signifier la difficulté de réception, de compréhension d’une identité qui se révèlera malgré et dans la folie des hommes. Notre récit a ses parallèles en Marc (8, 27 à 31) et Matthieu (16, 13 à 21). Il est fidèle à Marc des versets18b à 22 Notre récit peut se diviser en trois parties : la première qui présente un dialogue entre Jésus et ses disciples, la seconde qui présente le dialogue particuliers avec Pierre, et s’achève sur un enseignement de Jésus sur la condition du disciple, en général. Les personnages acteurs Les disciples: Il est question des Douze, puis de l’ensemble des disciples (v.23). Les Douze ont été envoyé en mission (9, 1ss), avec puissance et autorité. Ils ont reçu leur feuille de route de la part du maitre. Ils vont devenir témoins de Bonne Nouvelle, à la suite du maître. A leur retour (9, 10ss) ils partagent leurs expériences missionnaires et se trouvent confrontés à la question concrète du partage. Ils doivent faire l’expérience de la confiance et de ce Dieu qui donne avec leurs mains. La suivance de Jésus est sous le signe du service et il faut encore aux disciples une attention particulière pour « être avec » Jésus, dans sa prière mais aussi dans sa compréhension de sa Passion. Là est la difficulté. (« suneimi » : deux emplois dans le NT, ici et dans Actes 22,11) Luc est le seul à lier la Confession de foi de Pierre à une explication de la condition du disciple. Jésus : il est celui qui donne puissance et autorité à ses disciples. Il donne les modalités de la pratique missionnaire qui sont à l’image de son propre ministère. Il reçoit le rapport missionnaire des douze. Dans les environs de Béthsaïda, il continue son ministère d’enseignant et de guérisseur. Il manifeste son lien privilégié avec le Père par le rassasiement de toute la foule et par la prière. Dans ce don surabondant, Jésus prend une figure prophétique. Cette figure apparaitra dans les réflexions de la foule ou dans le récit de la transfiguration. Par Jésus, c’est Dieu qui guérit, qui parle, qui élit, qui nourrit, qui multiplie, qui partage. Dans le dialogue avec Pierre, il est reconnu comme l’Envoyé et dans le récit de la transfiguration, Dieu proclame sa paternité, son élection. Pierre: Pierre a une place particulière dans l’évangile de Luc et au sein du groupe des Douze. Il est le premier disciple que Jésus a appelé (5, v 1 ss). Dans cet épisode, il reconnaît la divinité de Jésus et reçoit sa vocation: Il deviendra pêcheurs d’hommes. Jésus, lors du choix des Douze, lui donnera un nom nouveau : de Simon, il deviendra Pierre (6, v 14). Pierre interviendra lors de la guérison d’une femme (8, 45) en prenant la défense de ceux qui ont touché Jésus. Pierre, avec Jacques et Jean sera témoin de la résurrection de la fille de Jaïros (8,51) Pierre est celui des Douze qui fera cette confession « Le Christ de Dieu » (9, 20) Pierre fera partie des trois témoins de la transfiguration, avec Jean et Jacques. (9, 28 ss) il est le porte parole des Douze et pose la question de la destination de l’enseignement du Seigneur : les Douze et les fidèles (12, 41) Pierre est le porte-parole des disciples qui ont tout quitté pour suivre Jésus (18,28) Pierre, avec Jean, sera chargé des préparatifs de la Pâque (22, 8) Dans les temps qui succèdent à la Cène, Jésus adresse une parole particulière à Pierre, pour parler de sa vocation futur et de son reniement. Pierre, quant à lui, pense suivre son Seigneur jusqu’à la mort. (22,31-34) Pierre sera un des disciples qui suivra Jésus à distance mais qui le reniera trois fois. (22,54 ss) Après la résurrection, Pierre est le seul à vouloir vérifier l’annonce des femmes (24, 12). Il aurait vu ensuite le Ressuscité (24, 34) Luc veut donner une place centrale à Pierre, dans le groupe des Douze tout en n’idéalisant pas le personnage, en témoignant de son reniement et de ses pleurs. Son incapacité à suivre et comprendre l’identité du Seigneur ne sera pas un frein à sa vocation qui sera renouvelée après la résurrection. Les personnages évoqués Jean Baptiste, Elie ou le prophète : tous des personnages qui se seraient relevés de la mort. Les adversaires de Jésus : Ce couple -scribes et pharisiens- est souvent mentionné dans son Évangile. La liberté de Jésus sur les pratiques rituelles, le statut de la Loi, son autorité sur le Sabbat interpellent, dérangent. Luc les mêle dans leur opposition ou les dissocie, comme pour indiquer qu’il n’y a avait pas une seule pensée théologique contre Jésus. Dans cette annonce, ils sont trois groupes, faisant partie du Sanhédrin. Dans la lecture lucanienne de la Passion, seul le Sanhédrin est coupable de la mort de Jésus. Les anciens : Ils apparaissent à Jérusalem, en compagnie des scribes et des grands prêtres (20,1) les scribes : Luc emploie plusieurs termes pour les désigner : « nomodidaskaloi »: docteurs de la loi ou « grammateis » : scribes. C’est le second terme que Luc privilégie. Ils apparaissent, au coté des pharisiens, dans une controverse au sujet du pardon des péchés (5,17 ss). Ils murmurent contre les disciples (5, 30). Au chapitre 6, ils sont décrits comme des opposants à Jésus : ils cherchent un mobile d’accusation (6, 7) sans pour autant mentionner une volonté de faire mourir Jésus. Ils sont de ceux qui refuseront de se faire baptiser par Jean baptiste (7,30), de ceux qui mettront à l’épreuve Jésus (10, 25). Ils sont présentés comme les maitres de la théologie (11,45) qui pèchent par excès de légalisme. C’est au début de la montée vers Jérusalem que se construit leur opposition systématique (11,53). Mais il arrive que des scribes soient sur la bonne voie (20,39) les grands prêtres : Qui est derrière ce groupe ? Au sens strict, il ne pouvait pas y avoir plusieurs grands prêtres en titre. Est-ce qu’il s’agissait de grands prêtres « honoraires » formant une confrérie? Ou un collège de prêtres qui était sous l’autorité du grand prêtre en titre? L’Évangéliste Luc les présente comme les garants de l’ordre au sein du temple, avec suffisamment de pouvoir pour exercer un regard sur les questions théologiques, et pour participer au jugement et à la condamnation de Jésus Lors de l’épisode des vendeurs chassés du temple, ces opposants apparaissent dans l’Évangile, au coté des scribes et des chefs du peuple (chefs de l’aristocratie laïque) (19,47). Pour Luc, l’opposition systématique se cristallise en volonté de faire périr Jésus. Ils sont associés aux scribes dans leur volonté de faire mourir Jésus (22,2), lors de la préparation de la Pâque. Les titres de Jésus, révélateur d’un questionnement au sujet de l’identité de Jésus Dans l’évangile de Luc, le titre de Seigneur « kurios » semble le plus utilisé. Il sera dans la bouche de Jésus lors de son entrée à Jérusalem (19,31) Le questionnement au sujet de l’identité de Jésus marque bien la difficulté de comprendre, de saisir qui est « Celui qui vient de Dieu ». Il faudra au lecteur de l’Évangile toute la patience et l’attention pour se laisser guider vers une révélation qui se démarque des schémas vétéro-testamentaires. Il débute à Nazareth, dans la synagogue (4,22). Le miracle de la résurrection d’un jeune homme déclenche un cheminement de la foule (7,16) : Jésus serait un prophète de la stature d’Elie ou d’Élisée. Jean Baptiste, en prison, questionnera l’identité messianique de Jésus (7,18). La foule se questionnera sur son pouvoir de pardonner les péchés (7,49) Le titre qui apparaît sur les lèvres des disciples est souvent « epistata » : maitre. C’est un terme plus fort que celui d’enseignant « didaskalos ». Les disciples se questionnent sur l’identité de celui qui a le pouvoir sur les forces de la nature (8,25) Hérode le tétrarque, se questionnera aussi au sujet de Jésus (9, 9). Et c’est à la suite de ce questionnement qu’aboutit l’interrogation orale de Jésus aux disciples et à Pierre, en particuliers. Le Christ : Vient du Grec, « Christos » : C’est celui qui a reçu l’onction de Dieu. Il correspond à l’hébreu « Mashiah »; On traduit également ce mot par Messie dans un sens national et politique. Ce titre apparaît dans la bouche des anges annonçant la venue de l’enfant aux bergers (2,11); dans la bouche de Syméon « christon kuriou » 2,26 : le Christ de Seigneur En 3, 15, La foule se demande si Jean Baptiste ne serait pas le « Christos » ? Les démons savent que Jésus est le Christ (4,41) Ce titre est prononcé de manière inédite par Pierre dans notre récit « ton christov tou théou » juste avant la Passion. Et il sera repris dans les railleries des chefs (23,35) Ce titre sera mis en question devant le Sanhédrin (22,67), et par un des malfaiteurs (23,39) Après la résurrection, Jésus expliquera aux pèlerins que le Christ devait passer par la souffrance (24,26) Et seulement après, les disciples seront déliés de leur silence; ils proclameront Jésus comme Christ (Actes 2,36) Le Fils de l’homme : Ce titre apparaît souvent dans les Évangiles et chez Luc. C’est un titre mystérieux qui se retrouve exclusivement sur les lèvres de Jésus. Dans certains cas, Jésus semble ne pas s’identifier au « Fils de l’homme » (12, 8 à 10). Dans d’autres cas, cela correspondrait à un statut, post résurrection (18,8; 21,27; 22,69). Dans ces annonces de la Passion, l’identification à Jésus semble claire. Ce titre se rattacherai à la tradition apocalyptique juive transmise par le livre de Daniel. Ce qui peut en faire l’originalité, c’est que la révélation du Fils de l’homme s’opère déjà avant la Croix (22,22,48) avant le jugement dernier et l’établissement total du Royaume de Dieu. La première apparition de ce titre et de son pouvoir de pardon apparaît sur les lèvres de Jésus, au sujet de la guérison d’un paralysé (5, 24). Ensuite comme maitre du Sabbat (6,5), comme acteur de commensalité (7,34) comme acteur de conversion (19, 10) Luc sera le seul évangéliste à faire le lien entre les paroles des prophètes et ce que le Fils de l’homme va vivre dans sa Passion (18,31) Les annonces de la Passion : Elles sont au nombre de trois. Luc ne mentionne pas l’incompréhension de Pierre, dans la première annonce de la Passion et témoigne de l’incompréhension des disciples dans les deux autres annonces. L’imposition du silence, quand à la formulation du titre de « Christos » est également lié à l’annonce de ses souffrances et de sa mort. Comme pour nous dire ou faire comprendre que le Christ glorieux, Fils de Dieu, n’est pas venu en conquérant. Il s’est laissé faire, jusqu’à être livré vers la destination de la mort. Si Luc ne donne pas de commentaire de Jésus, positif ou négatif à la formulation Christologique de Pierre, il éclaire l’identité de Jésus entre ces deux pôles : il est le Fils de Dieu et il est aussi celui qui est passé par la mort. L’accent de la formulation est posé sur la souffrance. La résurrection, si elle a été présente dans les discours ou dans le ministère de Jésus en Galilée, s’impose comme le mot de Dieu sur la mort du Christ. Il faut : « dei » s’agit-il d’une fatalité, d’un destin : il fallait en passer par là ? S’agit-il d’une nécessité, liée à un rite sacrificiel ? Rien ne l’indique chez Luc. S’agit-il de l’expression de la liberté humaine qui peut aller jusqu’à tuer l’Envoyé de Dieu? S’agit-il de la prise en compte du savoir de Dieu sur les pensées humaines. Il sait que les hommes le rejettent mais son amour est plus grand et prend en compte cette opposition frontale pour la surmonter avec la résurrection. Malgré la mort, il sauve, il libère, il guérit, il ressuscite. La résurrection : deux mots grecs pour désigner cette réalité « egeiro »faire lever ou « anastamay » action de se lever, de sortir. Le lecteur a été témoin de deux résurrections : un jeune homme à Naïn, la fille de Jaïros. Il est ainsi préparé à accueillir cette réalité nouvelle dans le temps présent pour les hommes. Cependant, croire au pouvoir de Dieu sur la mort, appliqué au Christ restera une difficulté qui traversera tout l’Évangile. « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, le troisième jour, il ressuscite » 9, 22 « Écoutez bien ce que je vais dire : Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes » 9, 44 « Voici que nous montons à Jérusalem et que va s’accomplir tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du fils de l’homme. Car il sera livré aux païens, soumis aux moqueries, aux outrages, aux crachats; après l’avoir flagellé, ils le tueront et le troisième jour, il ressuscitera » 18, 31 à 33 Pistes pour une prédication * De même que Luc n’a pas voulu identifier formellement les responsables de la mort de Jésus, en marquant des nuances d’approches, de regards sur l’identité de Jésus, ou sur le groupe « responsable » de sa mort, il faut se garder de trouver des boucs émissaires. Gardons nous de nous fasciner pour la recherche des coupables. Désigner des monstres, des tueurs du Fils de Dieu n’apportera rien à la vérité de l’Évangile. D’ailleurs, dans les trois annonces, nous avons ce glissement des termes qui qualifie les coupables : du Sanhédrin, nous passons aux hommes puis aux païens. * Qui donc est-il pour les témoins de l’avant ou de l’après résurrection ? Qui donc-est-il pour toi, aujourd’hui? Luc nous donne un témoignage à partir de ce qu’il a compris, vécu, entendu. Son écoute particulière de Dieu lui a permis de trouver un chemin de foi. Et vous aujourd’hui, quel sera votre témoignage, celui de vos voisins, de vos compagnons de route pour éclairer le chemin de foi de vos auditeurs? * Notre vision, compréhension de Jésus reste partielle, partiale. Comment dire sa foi ? S’agit-il de dire, de mettre de mots et/ou de vivre sa foi ? Notre texte articule le dire et le faire. Luc présente un Christ Sauveur avec plusieurs exemples de guérisons, de pardon accordés mais le titre qu’il affectionne, c’est le « Seigneur. » Comment le faire dire, le comprendre, le vivre dans notre monde, ou les mots Christ et Sauveur ont perdu du sens? Notre foi doit pouvoir se nourrir de confession, à l’image de celle de Pierre mais elle peut aussi être édifiée par des témoins, pour qui le salut n’est pas qu’une pâle promesse pour l’au delà, mais bien une espérance à vivre chaque jour. Chants : AEC 167, Alléluia 13-03 : Quand les montagnes s’éloigneraient, AEC 427, NCTC 302, Alléluia 44-07 : Tu me veux à ton service AEC 536, Alléluia 36-22 : mais avec les paroles de Roger Parmentier
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Texte Confession de foi Laurent Gagnebin JE CROIS.Je crois en Dieu. Par lui l’univers et notre existence sont créés toujours à nouveau. Dans le chantier du monde, son Esprit nous anime et nous porte. Il donne chaque jour à notre vie un sens positif,une dignité fondamentale, une vocation créatrice.Dieu est l’avenir de l’humain.Sa présence éternelle dépasse les espaces et les temps.Je crois que Jésus, prophète, nous fait entendre Sa parole. Il est celui que nous écoutons et auquel nous regardonspour savoir qui est Dieu et qui est l’homme :un Dieu d’amour, selon la Bible; un Dieu pour lequel l’être humain et la terre entière sont une espérance invincible.En Jésus, l’homme et Dieu sont à jamais ré-unis et inséparables. Il est un exemple pour nous et pour le monde.Nous reconnaissons une seule Église, universelle et connue de Dieu seul.Elle existe par-delà les institutions chrétiennes et les frontières religieuses.Je crois à l’amour plus fort que la mort.
Qui donc est-il, Celui en qui je peux placer ma confiance, celui qui peut souffler la vie sur mon existence? C’est une question qui traverse toute la Bible. Ce Dieu dont le nom est imprononçable, dont les manifestations sont insaisissables s’est incarné dans un homme, Jésus. C’est une question qui est bien présente dans l’Évangile de Luc. A sa manière, il fait découvrir au lecteur de son évangile que les autres peuvent l’aider dans cette découverte. Les autres, ce ne sont pas seulement les fidèles, un groupe d’initiés, mais c’est aussi ceux qui sont en recherche, ceux qui ne se satisfont pas de la vie qu’ils mènent ou qu’ils subissent. A cette époque déjà, chacun a une vision de ce que devrait faire et dire l’Envoyé de Dieu. Ces regards font écho à plusieurs héritages : d’un enseignement biblique, d’une tradition orale biblique, de la pensée contemporaine, de la maturation du discernement des premiers témoins de Jésus etc. Et nous sommes les témoins de situations ou de paroles de Jésus questionnant ces représentations. Lorsque j’ai parcouru l’Évangile, à la recherche des titres que ses témoins lui reconnaissaient, j’ai remarqué, non seulement, qu’il n’y a avait pas unanimité sur un titre mais que Jésus se gardait bien de dire : « Voilà comment il faut me définir, me reconnaitre ». Il est d’ailleurs notable de constater qu’il s’identifie avec plus ou mois d’étroitesse à cette figure du « Fils de l’homme » : un titre qu’aucun humain n’a prononcé dans l’Évangile. Ainsi, il laisse la question de son identité ouverte, laissant ses disciples cheminer. N’avons-nous pas là un bon antidote contre un certain intégrisme religieux qui voudrait enfermer l’identité de Jésus dans une connaissance qui serait supposée pure, définie à jamais ? La pluralité des identités, de leurs perceptions ne sont pas un frein pour l’édification des disciples. Cette pluralité ne cristallise pas la foi des disciples, ni avant, ni après la résurrection. Il est donc possible de suivre l’Envoyé de Dieu sans avoir au préalable prononcé la confession de foi « véritable ». Si Jésus est bien celui qui rassemble, il n’institue pas la question du dévoilement de son identité comme un préalable à l’appartenance à son groupe de disciple même si Luc a pris soin de dire que ce dévoilement était déjà actif avant la Passion. Qui donc est-il ? Nous ne pouvons le savoir qu’à partir des autres. Dans cet évangile, nous sommes les témoins de regards croisés entre ceux qui reconnaissent la part de divin en Jésus et ceux qui contestent son identité divine. Mais le dénominateur commun de ces deux regards croisés, c’est que la personne de Jésus ne laisse pas indifférent. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où la question de l’identité de Jésus n’a plus sa place, sauf à des moments charnières de la vie, à des moments de brisures. D’autres questions identitaires retiennent notre attention. Au mois de décembre 2009, il y a bien eu un parti politique qui a voulu définir l’identité nationale. Il n’avait pas voulu reconnaître que l’identité d’une nation se fait par sédimentation, par l’apport de ceux qui viennent vivre dans cette nation. L’identité d’une nation ne peut pas avoir un caractère immuable car elle repose sur les relations qui se font et se défont ou pour le dire autrement, sur les fils relationnels qui se tricotent au fil du temps. L’identité nationale évolue parce qu’elle est toujours en relation avec les vivants. Cependant, c’est surtout la quête identitaire personnelle qui prime. Regardez l’engouement grandissant pour les recherches généalogiques. Regardez la détresse de ceux qui se retrouvent au chômage après avoir tout misé sur la valeur du travail, de l’argent. Regardez la difficulté de vivre des transitions, des changements de métiers parce que la vie d’aujourd’hui impose ce mouvement. Regardez le développement des discours « autonomistes » : chacun aurait la capacité, la force de se construire une identité, déconnectée d’une aide des autres ou de Dieu : comme si la vie humaine était réduite aux seules dimensions vécues, comprises ou réalisées! Face à cette quête identitaire personnelle, Luc semble lier l’identification de Jésus avec l’identification des disciples. C’est pourquoi ma relation à Jésus -ce que j’ai compris de son identité- est appelée à entrer en dialogue avec ma manière d’être, ma manière de vivre au sein du monde. Cela signifie que je ne peux pas déconnecter ma foi, ou ma confession de foi, de la manière dont je vais vivre mon rapport au monde, mon rapport avec les autres. C’est pour cela que Luc fait suivre cet enseignement de Jésus sur la condition des disciples, en ne s’adressant pas seulement aux Douze, comme pour nous dire qu’il nous appelle à suivre ce chemin. « Qui donc est-il ? » La réponse du disciple s’articule avec un faire. Jésus va montrer qu’il doit y avoir autre chose, derrière une confession de foi. Le chrétien ne pourra se contenter d’énumérer des articles de foi, sans une implication dans sa vie quotidienne. Le disciple va être appelé à être le collaborateur de Jésus, celui qui va prolonger l’enseignement, proclamer le salut de Dieu pour les hommes, être acteur de cette nouveauté de vie inaugurée par le Christ. Jésus, comme il l’a montré dans son ministère, révèle une foi authentique, qui ne se cantonne pas dans le domaine intellectuel mais qui s’incarne dans des situations de vies. Jésus va montrer qu’une foi vécue, c’est une foi qui anime l’existence du chrétien, c’est une foi qui bouleverse sa vie, c’est une foi qui change notre existence. La suivance de Jésus s’exprime, dans les évangiles, par une pluralité de pratique. Nous avons ici, à la suite de Pierre, une de ces expressions. Suivre Jésus requiert deux actes : renoncer à soi-même et porter sa croix chaque jour. 1. Mais que veut dire « renoncer à soi-même » ? Faut-il renoncer à ses intérêts, à sa vie ? Cela signifie-t-il que l’on est prêt à suivre Jésus, à marcher vers son supplice ? Je ne connais pas la réponse exacte, mais il me semble que Jésus insiste sur le renoncement. Accepter Jésus, le suivre, implique que nous changions de centre de gravité. Ce n’est plus moi qui suis le centre de ma vie, c’est Jésus. OU ce n’est pas moi qui suis le centre de ma vie, mais mon prochain. A partir de ce décentrement, tout change dans notre manière de vivre. 2. On peut également réfléchir à cette invitation : « porter sa croix tous les jours » Est-ce une invitation à la souffrance ? Doit-on goûter la mort ? Est-ce une invitation à subir toutes les souffrances de la vie, par fatalité ou par obéissance ? Il me semble que c’est dans ce sens que la majorité de la population comprend ce texte. Combien de personnes rencontrées, lorsqu’elle passe un passage difficile, évoque la croix, ou disent « porter une croix »-sans peut-être connaître le texte de référence- ? Jésus ne prêchait pas un esprit de défaite, de soumission à la fatalité, aux aléas de la vie. C’est pourquoi il me semble important de définir les contours du renoncement et les richesses qu’il produit parce qu’il me semble que ce mot « renoncement » n’est pas audible aujourd’hui. De prime abord, il est déprécié parce qu’il semble aller à contre courant de l’épanouissement personnel. Tout d’abord, renoncer à soi, prendre l’autre qui souffre, comme mon centre de gravité m’invite à être actif. Ce n’est pas un renoncement passif. Il ne s’agit, ni de se faire moine, en renonçant au monde, ni à accepter les situations douloureuses qui traversent notre vie. Dans le renoncement à soi, loin de perdre notre identité, nous allons à la rencontre, à la découverte de l’autre et de l’Envoyé de Dieu. Dans le renoncement, nous allons à la découverte de l’AMOUR fou de DIEU pour toute l’humanité. Dans ce renoncement, nous allons découvrir un DIEU qui n’a pas une image sévère et qui punit mais nous allons découvrir le Père qui aime ses enfants. Ce renoncement est une ouverture à l’autre, mon prochain – celui qui traverse ma route- celui que je n’ai pas choisi- celui qui vit différemment de moi. Ce renoncement, loin d’être la fin de ma vie, devient l’ouverture à LA VRAIE VIE. Oui, celui qui renonce à soi même, se découvre des frères. Les barrières tombent entre ceux qui mettent leur confiance en Jésus Christ. Car chacun est appelé à renoncer à ses particularismes, à tout ce qui nous dresse les uns contre les autres. Mais pour cela, il faut se laisser guider par Jésus. Il faut suivre son chemin. Et chacun le sait. Ce n’est pas toujours facile de le suivre. Cela nécessite un engagement total. Il ne suffit pas de confesser sa foi. Il ne s’agit pas d’être un tiède. Il n’y a pas de fidélité passive à l’égard de Jésus. On ne doit pas se préserver dans cet engagement. Qui dites-vous que je suis ? C’est à vous de le formuler et de le vivre. Pierre ne le fera pas à votre place. Puissions-nous trouver les mots, les formulations pour dire l’identité du Ressuscité à nos contemporains ! Puissions-nous trouver cette relation vraie -cette communion- avec le Fils de Dieu, à l’aide de la prière, de l’Esprit saint! Puissions-nous vivre ce juste équilibre entre ce que nous croyons et cette vie nouvelle ancrée dans le service et l’amour ! Amen