Textes : Jacques 3, v. 1 à 12 2 Timothée 3, v. 14 à 4, v. 2Exode 17, v. 8 à 13 Ps 12 Luc 18, v. 1 à 8Pasteur Michel BlockTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Exode 17, 8-13 : Le récit de la victoire d’Israël sur Amalek est lui aussi célèbre. Ici, le lien avec le texte de l’évangile selon Luc tient dans la persévérance face à l’adversité. Le combat dure toute une journée, la victoire tarde, et ce délai réclame la ténacité de Moïse, d’Aaron et Hur, pour maintenir les mains du premier toujours levées, et ainsi faire remporter la bataille à Israël. Ce retard dans la réalisation de ce que l’on a demandé à Dieu résonne avec le commentaire que Jésus fait de la parabole de la veuve et du juge injuste, dans le texte qui nous est proposé. Psaume 121 : Ce psaume, très célèbre, chante la confiance que le croyant peut fonder en Dieu, plus sûr que les montagnes, et d’une vigilance permanente à l’égard de la vie de son fidèle. Cette confiance en Dieu peut être un des fils directeurs de la prédication. Si l’on ne souhaite pas le lire lors des lectures bibliques, on peut trouver sa version mis en musique dans Arc-en-Ciel, même s’il n’est pas sûr qu’il soit très connu. Jacques 3, 1-12 : Dans cet extrait, Jacques exhorte les destinataires de sa lettre à tenir leur langue, autant que possible, en toute occasion. Mais son message concerne premièrement les prédicateurs, ou ceux qui ont à enseigner dans les assemblées. Mieux vaut se taire que de courir le risque de dire n’importe quoi. Le lien avec Luc me semble plus difficile à faire, car Jésus semble nous encourager, au contraire, à ne pas se taire devant Dieu. Sans doute le Seigneur a-t-il plus de bienveillance envers les bêtises que nous pouvons lui dire, du moment que nous ne les disons qu’à Lui. 2 Timothée 3, 14 à 4, 2 : Ces exhortations faites à Timothée rejoignent celles lancées par Jacques, car elles concernent avant tout ceux qui doivent parler devant les autres. Ce que Paul demande à Timothée, n’est-ce pas, d’un certain point de vue, ce que Jésus n’a cessé de faire dans son enseignement ? Reste que le lien avec Luc ne me parait pas, là non plus, évident. On peut peut-être utiliser les versets 16 et 17 du chapitre 3 comme introduction à la prière d’illumination. Luc 18, 1-8 : Voici donc le texte qui servira de support à la prédication. Il fait partie de ces textes qui ne se trouvent que dans cet évangile (on parle du « bien propre » à l’évangile de Luc), comme par exemple, la parabole suivante (le pharisien et le collecteur de taxes) ou la guérison des dix lépreux au chapitre précédent. Parmi ces textes, on peut également citer Luc XI. 5-8, qui parle lui aussi de l’exaucement de la prière, à l’aide d’une parabole où celui à qui il est demandé quelque chose finit par donner ce qui lui est demandé parce qu’il est importuné. Notre extrait se situe dans la dernière partie du récit que Luc fait de la montée de Jésus vers Jérusalem. Cet élément me semble important à garder en tête, cat il donne une orientation générale à tous les propos et gestes de Jésus, même si, dans le cas présent, je ne crois pas qu’il faille exagérer le caractère tragique de la parabole et de son commentaire, au risque de s’orienter vers une interprétation trop psychologisante du texte. Enfin, il me semble important de se rappeler que Luc, et les autres évangélistes, n’ont pas écrit seulement pour eux ou quelques proches. Il y a eu tout de suite une communauté pour lire son évangile, et l’interpréter en fonction de sa situation. Peut-être certains détails du texte sont-ils à voir dans cette perspective. Je pense en particulier au problème du retard de la Parousie (le retour de Jésus annonçant le jugement dernier) qui était très important pour les contemporains de Luc, et qui a peut-être perdu un peu de son actualité aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, cette petite parabole, pleine de pittoresque, n’a pas un seul sens, et son message demeure ambigu. Il me semble que la prédication devra s’appuyer sur une compréhension affirmée de la signification de cette histoire. Verset 1 : Cette phrase est une introduction aux propos de Jésus, faite par Luc, qui donne son interprétation personnelle de la parabole, preuve que cette interprétation ne coule pas de source. Elle peut être une piste de prédication, mais il faut se souvenir de ce que l’on vient d’écrire au sujet du problème du retard qui touchait particulièrement Luc et ses proches. Je remarque que le verbe utilisé ici pour dire « prier » est le plus fréquemment employé en grec, mais qu’il est composé d’un suffixe, et que donc, il signifie mot à mot : « Prier face à » « Prier en présence de ». Le verbe « prier », tout seul, sans suffixe, existe aussi, mais est beaucoup moins utilisé dans le Nouveau Testament. C’est pour moi une façon de comprendre que la prière est avant tout une manière de prendre conscience que je suis en face de Dieu, en sa présence, ou même contre (c’est un autre sens du suffixe employé) Lui. L’important est donc dans cette situation de celui qui prie, plus que dans la nature de sa prière (demande, louange, remerciement…). Ce détail est important pour ma compréhension de l’ensemble de la parabole, et pour la construction de ma prédication. Le verbe traduit par « se décourager » peut signifier aussi « baisser les bras ». L’écho avec le passage d’Exode 17 me semble très évocateur. Cela montre que la prière procède d’une force de vie, d’une lutte contre la résignation. Prier, c’est ne pas s’avouer vaincu. Verset 2 : Jésus campe le décor de sa parabole. On est en ville, dans une ville comme toutes les autres. Et dans cette ville, un juge, un juge comme presque tous les autres, à ceci près qu’il ne craint pas Dieu et n’a pas d’égard pour les humains. Autrement dit, il ne respecte aucune des deux tables de la Loi, ou encore aucun des deux commandements que Jésus considère comme les plus grands : Aimer Dieu te son prochain comme soi-même (Luc 10. 25-28). C’est un « pirate de la magistrature » (expression de R. Deschryver), un homme sans foi (il ne craint pas Dieu) ni loi (aucun égard pour les hommes). Par-dessus le marché, sa position sociale, lui donne un pouvoir immense dans la ville, il est « intouchable ». Verset 3 : Face à lui, une veuve. Figure de la fragilité, de la pauvreté, de la dépendance et de l’impuissance. Elle est parmi les « pauvres » que Luc aime tant. Sa seule force tient dans son obstination, rendue par l’imparfait (« elle venait ») qui montre que sa démarche n’a pas été faite une fois seulement, mais régulièrement. Verset 4 : Cette obstination de la veuve est due au fait que le juge ne veut pas accéder à sa demande, pendant un certain temps. Reste qu’il finit par céder, non par un accès de bonté soudaine, mais à la suite d’un raisonnement intérieur l’amenant à défendre sa terrible réputation. C’est ainsi que je comprends pourquoi le juge se dit à lui-même ce qu’il est censé savoir mieux que quiconque : il ne craint pas Dieu et n’a pas d’égard pour les hommes. Il pense ici à ce qu’on dit de lui, et qu’il tient à conserver comme une image importante. Verset 5 : Son action, apparemment contraire à son intérêt de ménager sa réputation, tient au fait qu’il trouve que cette veuve l’importune, lui cause du tracas, et qu’elle va finir par lui « casser la tête » (à prendre au sens propre ? Au sens figuré ? Les commentateurs que j’ai pu lire penchent pour la deuxième option : il s’agirait d’une atteinte forte à la réputation du juge) avec sa demande réitérée. Il est important, je crois, de remarquer que la parabole se termine ainsi. Jésus ne dit pas de quelle façon le juge a finalement accédé à la demande de la veuve. A-t-il fait exactement ce qu’elle voulait ? Ou a-t-il répondu à sa façon ? Cette alternative, qui demeure en suspens, me semble importante à conserver quand on réfléchit à la question de l’exaucement de nos demandes par Dieu. Verset 6 : Cette phrase est une exhortation lancée par Jésus, que Luc appelle ici « le Seigneur », manière pour lui de souligner l’autorité de celui qui parle (on retrouve la même intention en Luc 10. 1 ; 11. 39). Il faut écouter ce que dit le juge de la parabole, pour se redonner du courage quand il semble que Dieu ne répond pas à nos appels. Verset 7 : La traduction de ce verset est d’un enjeu très important pour l’interprétation de ce que dit Jésus ici. Il y a un grand nombre de versions possibles : « Et Dieu, lui, ne ferait-il pas justice aux siens quand ils crient à lui jour et nuit? Tardera-t-il à les aider? » (Français courant) Dans le même sens : Colombe, Segond, NBS, Genève, Parole de vie. « Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit, tandis qu’il patiente à leur sujet! » (Jérusalem) Dans le même sens : Darby. « Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit? Et il les fait attendre! » (TOB). Cette dernière version a ma préférence, car elle ne nie pas une réalité qui est que Dieu ne répond pas toujours tout de suite à nos demandes. Au fond, cela signifie que le seul véritable point commun entre le juge inique et Dieu est dans ce délai qu’ils mettent à répondre. Mais il semble difficile de dire que ce délai soit motivé par les mêmes raisons… Verset 8 : Ce verset comprend deux parties. La première est intimement liée à ce qui précède, et pose elle aussi une question de sens, par rapport à l’expression : « Bien vite ». Elle peut signifier « immédiatement », « tout de suite » (mais alors, elle entre en contradiction avec le fait que Dieu semble tarder à répondre) ou bien « tout d’un coup », « en un instant ». Dans son commentaire, François Bovon penche pour cette option. Je le suis. Si la Parousie n’est pas pour demain, elle sera fulgurante comme un éclair. Le verset 7 ainsi que la première partie du 8, s’éclairent étonnamment à la lecture de deux versets d’un livre deutérocanonique, le Siracide, ou Ecclésiastique : « La prière de l’humble traverse les nues et il ne se console pas tant qu’elle n’a pas atteint son but, il n’a de cesse que le Très-Haut ne soit intervenu, qu’il n’ait fait droit aux justes et rendu justice. Le Seigneur ne tardera pas, il n’aura pas de patience avec eux jusqu’à ce qu’il ait brisé les reins des hommes sans pitié. » (Si. 35. 21-22, traduction Bible de Jérusalem). On voit bien qu’au moment où Luc écrit, le problème tient dans le fait que manifestement, le Seigneur tarde. Par contre, pour le Siracide, c’est Dieu qui vient briser les reins des méchants, alors que le juge pense que c’est la veuve qui pourrait lui casser la tête. Pressent-il, à travers l’insistance plus que surprenante de cette vielle femme, un danger plus grand qu’elle peut le menacer ? La deuxième partie du verset est une question supplémentaire, qui semble aller dans un autre sens que le reste du commentaire que Jésus a fait de sa parabole. En fait, elle renverse l’attention, qui jusque-là était centrée sur le juge. Ici, Jésus renvoie à l’attitude de ceux qui demandent, qui se trouvent à la place de la veuve. Auront-ils la même foi qu’elle ? C’est cette question qui va guider ma prédication. Au fond, quel est le centre de cette parabole ? La veuve ? Le juge ? Dans l’un et l’autre cas, il faut donc faire une analogie entre, d’un côté, le juge et Dieu (Jésus n’hésite pas à le faire, et son raisonnement se fait a fortiori : Si le juge inique répond, Dieu, qui est juste et qui nous aime, répondra d’autant plus) et de l’autre côté, la veuve et nous, les croyants. Or, cela me pose un problème. Car le raisonnement a fortiori tient pour le juge et Dieu, mais par pour la veuve et nous, aujourd’hui en tout cas. Peut-être que les chrétiens du temps de Jésus ou de Luc pouvaient-ils se trouver aussi malheureux que la veuve, sinon plus, mais nous ? Pouvons-nous franchement nous dire dans le même besoin qu’une veuve de l’antiquité ? Sans doute y a-t-il des situations où nous sommes vraiment aux abois, mais s’agit-il de notre quotidien, comme celui d’une veuve qui va régulièrement réclamer justice à un juge qui fait la sourde oreille, ou de chrétiens en proie aux exclusions, voire aux persécutions à cause de leur foi ? Pour ma part, je pense que le centre de cette parabole tient non pas dans la situation de la veuve, mais dans son attitude, que Jésus évoque dans la dernière partie du verset 8 : la foi. Chants proposés : Psaume 121 (si connu) ; ou psaume 36AC 616 ; 620

Prédication

Luc 18.1-8 et le Ps 121 s’il n’est pas chanté et Exode 17, v. 8 à 13. « Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Frères et sœurs, Jésus avait-il de l’humour ? Voilà une question qui peut sembler incongrue après la lecture de cette parabole du juge et de la veuve, tellement évocatrice des injustices dont sont, aujourd’hui encore, victimes les plus faibles dans nos sociétés. N’allez pas croire qu’en posant cette question, je veuille dédramatiser de manière un peu facile, les enjeux très importants de cette histoire. C’est en fait tout le contraire. Car l’humour, quand il est vécu et partagé sainement, est en fait un excellent moyen d’aborder des questions graves. De plus, la question de l’humour de Jésus relève de ce que l’on appelle l’Incarnation. Si nous croyons qu’en Jésus Christ, Dieu a rejoint notre humanité, qu’il n’ignore ainsi rien de ses caractéristiques, et qu’ainsi, c’est à toute notre vie qu’il est venu dire « oui » et déclarer son amour, alors, nous pouvons penser que Jésus a éprouvé la palette des émotions et des attitudes qui font l’humanité. C’est pourquoi, avec la question de l’humour de Jésus, nous touchons à un problème. Car nous pouvons savoir que Jésus a pleuré, qu’il a été ému aux entrailles, ou encore indigné, ou en colère, ou transporté de joie dans l’Esprit Saint. Nous pouvons le voir adopter des gestes de tendresse, avec les enfants par exemple, ou au contraire affecter du mépris, ainsi à l’égard de la syro-phénicienne, mais quant à savoir s’il a ri, ou s’il pouvait apprécier des blagues, il me semble que cela est plus difficile. C’est alors que notre parabole peut déjà nous être utile. La plupart des sentiments que nous avons évoqués sont de nature grave : tristesse, compassion, colère, rien là-dedans de très désinvolte. Même l’enthousiasme spirituel peu parfois être effrayant. Mais alors, essayons d’imaginer Jésus, en train de dire la parabole de la veuve et du juge avec un ton de gravité lourde. Je crois qu’en tant qu’auditeur, j’aurais peut-être eu du mal à écouter avec attention ce que Jésus voulait dire alors, parce que le pathétique de la scène deviendrait exagéré. Par contre, si j’imagine cette histoire racontée avec un peu de gouaille, je m’aperçois qu’elle est pleine d’un humour qui me fait la recevoir avec beaucoup plus de bienveillance. La veuve devient une « yuddische mama » à la voix stridente qui casse les pieds à longueur de journée à ce magistrat qui fait plutôt penser à un bandit, et on se trouve dans une histoire juive de bonne facture ! Ce qui nous permet d’entrer davantage dans le message de cette parabole. La conclusion que Jésus en tire permet de réfléchir à deux points très importants : Le premier concerne le parallèle que Jésus fait entre le juge et Dieu. Loin de lui, bien sûr, de laisser penser que Dieu serait un juge inique ! Son raisonnement fonctionne a fortiori. Puisque même un juge aussi mal intentionné finit par céder aux suppliques de la veuve, à plus forte raison, notre Seigneur, qui nous aime et nous connaît, répondra-t-il à nos demandes. Le psaume 121, que nous avons entendu (ou chanté) nous rappelle la confiance que nous pouvons avoir en Dieu, même si sa présence peut parfois s’avérer si discrète que le psaume puisse dire au croyant : «le Seigneur est ton ombre à ta droite ». Quoi de plus discret et pourtant aussi de plus omniprésent que l’ombre. Cette fidélité de Dieu, sa présence au cœur de toute notre vie, même dans les épreuves, n’est-ce pas cela que Jésus Christ est venu incarner ? Seulement, pour que je puisse tout à fait tomber d’accord avec la comparaison entre ce juge et Dieu, il faudrait également que je m’identifie sans problème à l’autre personnage de cette histoire, la veuve. Et je crois que cela est plus difficile. Pour les chrétiens de l’époque de Jésus ou de Luc, vivant dans un climat plutôt hostile, fait d’exclusion des groupes existants comme les synagogues, ou peut-être déjà des premières brimades, la comparaison était encore porteuse. Oui, dans la fragilité de leur situation, les auditeurs de cette histoire pouvaient s’identifier à la veuve, totalement dépendante du bon vouloir du magistrat, impuissante devant les malheurs de son existence. Mais nous, frères et sœurs ? Pouvons-nous affirmer être dans une situation aussi précaire que celle d’une veuve de l’époque antique ? Je ne connais bien sûr pas la vie de chacun de vous, mais il me semble excessif de dire que cette analogie serait valable pour nous tous, en tout temps. D’autant plus que si nous restons dans la logique du raisonnement de Jésus, il nous faudrait dire que notre condition est encore pire que celle de la veuve, pour qu’à plus forte raison il ne fasse aucun doute que Dieu va intervenir en notre faveur. Il est difficile de dire que nous sommes, ici, collectivement ou individuellement, plus malheureux qu’une veuve du premier siècle de notre ère… Et cela d’autant plus qu’ne fait, Jésus ne nous invite pas à faire cette comparaison. Sa question finale, qui renvoie chaque auditeur à sa propre conscience, ne porte pas sur la situation de la veuve, mais sur le moteur de son comportement : la foi. Ce que Jésus nous invite à comprendre ici est, je crois, quelque chose de très profond mais d’assez inhabituel à l’égard de la foi : c’est que celle-ci est un moteur d’obstination, voire de révolte contre l’injustice. Je dis que c’est assez inhabituel, car on nous présente souvent la foi comme ayant pour principal fruit l’acceptation soumise des choses telles qu’elles sont. Comme si avoir la foi signifiait qu’il fallait se soumettre à l’arbitraire d’un Dieu despotique. Je crois qu’en Jésus-Christ, Dieu est venu nous montrer un autre visage que celui d’un tyran. Je crois qu’il est venu nous dire que la foi était tout le contraire d’une force de résignation. Que l’on pense au passage du livre de l’Exode que nous avons entendu. La victoire d’Israël dépendait du fait que Moïse ne baisse pas les bras. Nous pouvons, je crois, entendre cette expression au sens propre aussi bien qu’au sens figuré. La victoire d’Israël dépendait du fait que Moïse, Aaron et Hur ne se résignent pas à la défaite qu’avec persévérance, tout au long d’une journée entière, il refusent d’abandonner cette tâche apparemment absurde et vaine de garder les bras de Moïse dressés vers le ciel. Je viens de dire que cette tâche était apparemment absurde. Comme pouvait sembler l’être ces demandes répétées de la veuve auprès d’un juge faisant la sourde oreille. Dans sa condition, tout semblait inviter la pauvre femme à abandonner son affaire. Et pourtant non. Son obstination à quelque chose de révolté, contre sa situation. Et cela, je peux plus facilement me le figurer si j’imagine cette femme comme une vieille matrone en colère tirée d’une histoire juive, que si je la vois sous les traits d’une pauvre larmoyante. Non, cette femme n’accepte pas son sort. Elle ne l’accepte pas et elle le dit. Et en le disant, elle cherche à rentrer en relation avec ce juge, dont tout laisse à penser qu’elle ne doute pas de sa capacité à lui rendre justice. Voilà la foi dont Jésus nous parle. Une fois qui doit s’exprimer dans notre prière, comme les premiers mots du passage de Luc nous l’ont rappelé. Car je crois qu’avant d’être d’une certaine nature, que ce soit une demande ou une louange, la prière est une certaine attitude. Une façon que j’ai de me souvenir que je suis toujours devant Dieu, tout simplement parce qu’il est toujours auprès de moi. La foi, c’est ce qui fait que je me tourne vers Lui, en toute occasion de mon existence, même les occasions douloureuses. Je crois que Dieu préfère entendre le cri de révolte, de colère ou d’incompréhension de ses fidèles, qui alors se tournent encore vers lui, plutôt que le silence résigné de ceux qui pensent qu’il vaut mieux renoncer, se soumettre, peut-être a fond, parce qu’ils ne croient pas que Dieu soit finalement là. Jésus, avec beaucoup de finesse, ne conclue pas sa parabole. Il ne nous dit pas de quelle façon le juge a répondu à la veuve. Cela rejoint, je crois, notre quotidien de prière. Je ne crois pas que nous puissions affirmer que notre exaucement se produira avec le même automatisme que celui d’un distributeur de boissons chaudes (et même parfois, les distributeurs tardent, ou ne nous servent pas ce que nous attendions…). Car le problème de cette parabole n’est pas dans l’exaucement de notre prière, mais dans la foi qui la soutient. Nous ne pouvons nous imaginer que Dieu fera forcément exactement les choses comme nous les lui demandons, simplement parce que nous lui cassons les pieds avec nos demandes incessantes. Cela me parait excessivement puéril. En refusons de conclure sa parabole, Jésus nous permet d’éviter le piège d’une pensée mécanique et infantile. Par contre, il nous donne clairement une recommandation, qui elle concerne notre rapport à Dieu : « Écoutez ». Oui, écoutons Dieu, qui à plus forte raison qu’un mauvais juge, peut être attentif à notre situation, à nos problèmes. Écoutons-le, dans notre quotidien, et que ce soit par des événements extérieurs, ou par un changement de notre point de vue, il viendra à notre aide pour clarifier notre situation. Écoutons-le. C’est-à-dire étymologiquement, obéissons-lui. Obéissons à Dieu, mais ne lui soyons pas soumis. Dieu veut que nous l’écoutions, et pas que nous nous écrasons devant lui. Dans notre attitude, il nous faut demeurer à la fois combatifs, pour maintenir notre relation avec Dieu même quand les apparences nous laissent penser qu’il est absent, et ouverts, attentifs aux signes qui peuvent venir comme des réponses inattendues à nos questions. Dieu attend de voir nos visages. Souriants ou baignés de larmes, inquiets ou confiants, mais nos visages, tournés vers lui, et pas nos dos courbés. Que son amour toujours renouvelé pour chacun de nous, nous donne la force de toujours nous tourner vers Lui, tout au long de notre vie. Ainsi soit-il.