Textes : Jérémie 40, v. 1 à 16 Matthieu 5, v. 17 à 37 Deutéronome 30, v. 15 à 20 1 Corinthiens 2, v. 6 à 10 Ps 119, v. 1 à 32Pasteur Édith Kessler-HeitzTélécharger le document au complet
A. Deut 30,15-20 : Introduction « Une découverte archéologique intéresse particulièrement l’étude de ce passage. Parmi les traces laissées par les civilisations du Moyen Orient ancien figurent nombreuses stèles de pierre, sur lesquelles a été gravé un traité d’alliance politique entre deux peuples. Qu’il s’agisse des traités mésopotamiens, hittites ou assyriens (datant de 2500 à 700 avant J-C), ces alliances représentent le plus souvent les conditions imposées par un vainqueur au peuple vaincu, ou par un souverain à ses vassaux. Or, une analyse comparative montre que la structure de ces contrats d’alliance obéit à un schéma identique. Les conditions historiques de l’établissement du traité précédant le contrat lui-même, qui stipule les obligations des partenaires ; la conclusion nous intéresse ici : elle comporte invariablement l’invocation à des témoins de l’alliance (le ciel et la terre, ou des divinités), puis une série de bénédictions et de malédictions qui sanctionnent l’observance ou la transgression du contrat. La rédaction d’un formulaire d’alliance répond donc à des règles codifiées. Notre texte revêt donc, au sein du Dt, une fonction bien précise : il énonce l’enjeu de la relation d’alliance qui s’est nouée entre Dieu et Israël. Les conséquences qu’entraînera le respect ou le mépris du droit de Dieu, dont le Dt a présenté les modalités, sont énoncées ici en toute clarté. » Explications v. 15-18 : choisir la vie, et non la mort v.15. « la vie et le bonheur, la mort et le malheur ». Ici, les mots « vie » et « vivre » est au pluriel, ce qui suggère la pluralité de l’existence, dans toute sa complexité. Bien et mal ne sont pas à comprendre d’un point de vue éthique mais théologique, c’est-à-dire le bien c’est vivre selon la bénédiction de Dieu, se placer sous cette bénédiction ; le mal c’est s’en détourner. A la différence des traités d’alliance politique, qui sont imposés au vassal, la proclamation la Loi place Israël en situation de choix. Mais le texte coupe court à toute bagatellisation du choix : la Loi porte en elle la chance du bonheur et du salut, alors que la transgression livre le coupable à la fatalité de la mort. Cette impressionnante vérité s’applique à la destinée de l’individu, mais aussi et surtout à la communauté dans laquelle il vit : si l’alliance est rompue, le malheur et la mort s’installent dans le peuple. Opter pour l’infidélité, c’est choisir la mort. v.16. « moi qui te commande ». L’énoncé du droit de l’alliance est revêtu de l’autorité de Moïse. « Aimer le SEIGNEUR ton Dieu ». Relevons le caractère éminemment concret et actif, éthique et non sentimental, de l’amour pour Dieu dans le Dt : l’amour consiste à suivre ses chemins et garder ses commandements. « Alors tu vivras » : la vie qui s’ouvre au peuple fidèle est perçue, très réalistement, en termes de population nombreuse et de jouissance des richesses contenues dans le pays. Cet épanouissement du peuple et de l’individu, cette plénitude de vie, le NT la désignera par l’expression « vie éternelle » (Mt 19,16 ; Jn 3,15-16, etc.). v. 17-18. « si tu n’écoutes pas » : écouter c’est le verbe qui ouvre la confession de foi quotidienne et qui résume toute l’attitude demandée par Dieu à Israël. Écouter ou son contraire détermine le choix de la vie ou de la mort. « L’abandon de l’alliance, que ce soit par l’infidélité éthique ou par une régression dans l’idolâtrie, aura des répercussions incalculables. La disparition du peuple, sa dissolution dans l’errance de l’exil, apparaissent ici comme la résultante inéluctable de la désobéissance. v. 19-20 : le ciel et la terre sont témoins « Choisir » est un verbe qui renvoie à l’alliance ; ici ce verbe est à entendre comme une libre réponse à un choix préalable dont Dieu seul a l’initiative. L’alliance insiste sur l’ici et maintenant de cette élection et ouvre à un choix existentiel qu’il faut entendre comme une libre réponse à ce commandement, à cette Loi de Dieu. Toute démarche éthique dépendra de la compréhension de cette alliance. Là où les traités d’alliance politique citaient les divinités à titre de garantie du contrat, le texte fait appel au ciel et à la terre : l’univers tout entier est rendu témoin du choix proposé par le Seigneur à ceux qu’il aime. Nulle part, Israël ne peut ignorer ou esquiver cette responsabilité : vie et mort sont déposés entre les mains des hommes. – Encore une fois, la finalité du don de la Loi est rappelée : afin que le croyant choisisse la vie. Ce style répétitif, si caractéristique du Dt, confère à l’exhortation une dimension pathétique : si Dieu a juré de donner le pays à son peuple, ce n’est que dans le choix de la fidélité qu’Israël accédera au bonheur. Le pays requiert le respect de l’alliance pour devenir la terre du bonheur. « Choisir, vivre, écouter, aimer Dieu », ces 4 verbes sont comme la synthèse de tout le passage. Écouter c’est choisir la vie, c’est pouvoir aimer Dieu. Thèmes de réflexion 1. Loi et bonheur. La relation immédiate instaurée par le Dt entre Loi et bonheur, désobéissance et malheur, a de quoi surprendre. De fait, le constat du malheur dans lequel se trouve parfois plongé le croyant, ou l’hostilité dont il peut être l’objet, ont conduit la foi d’Israël à moduler cette affirmation ; le livre de Job et les psaumes (voir le PS 73 par ex.) font état d’une joie acquise, durement, dans l’adversité. La visée fondamentale de notre texte ne doit cependant pas nous échapper : la Loi est bonne. Elle n’est pas un code répressif limitant la personnalité humaine, et l’enserrant pour son malheur dans un réseau d’interdits. 2. Par les limites qu’elle institue à l’emprise du désir, par l’attention constante qu’elle impose à la destinée du prochain, la Loi nous met en présence d’un Dieu qui cherche l’épanouissement personnel et communautaire de l’homme ; elle balise chemin de la vie authentique. 3. Choisir la vie. Il semble, à première vue, que notre texte érige la fidélité croyant en condition du salut. Comme si l’obéissance détenait, en elle-même, la promesse de la vie. Cette compréhension, fréquente dans la tradition chrétienne, donne à l’AT la réputation d’une religion légaliste. C’est une erreur qu’une lecture attentive de ce passage permet de corriger. Il est incontestable, en effet, que le don du pays précède l’institution de la Loi ; la promesse est acquise (« le SEIGNEUR a juré » v. 20), le commandement suit la promesse. « Habituellement, l’entrée en possession du pays n’est pas présentée comme la bénédiction qui découlerait de l’obéissance à la loi. C’est un don gratuit que Dieu accorde à son peuple pour accomplir le serment fait aux pères »(S. Amsler). Le don est premier ; l’obéissance se présente ensuite, comme la condition posée à Israël pour qu’il jouisse de la grâce reçue. 4. « La parole est toute proche de toi ». Pour le Dt, la Loi est praticable par le croyant. Selon Jérémie (31,31-34), seule une intervention dernière de Dieu inscrira la Loi au cœur de l’homme. L’apôtre Paul cite Dt 30,14, mais l’applique à l’avènement de Jésus (Rom 10,8) ; la « parole toute proche de toi » devient la confession de foi au Christ ressuscité, qui seule permet au croyant de trouver grâce devant Dieu. Alors que le Dt affirme la possibilité de l’obéissance, l’apôtre statue l’incapacité radicale pour l’homme d’échapper à sa condition de péché pour atteindre la justice exigée par la Loi (Rom 7,13-25). Paul est en accord avec le Dt, lorsqu’il reconnaît que « le commandement est saint, juste et bon » (Rom 7,12) ; mais pour lui, le croyant doit passer par le constat de sa désobéissance radicale, et par la foi au Christ, pour être à nouveau mobilisé au service de la justice de Dieu. B. Matthieu 5,17-37 Ce passage est extrait du « Sermon sur la Montagne » qui est le 1er enseignement de Jésus à ses disciples. Le passage proposé à notre lecture et notre méditation peut se lire à partir de 7,1 : « Ne vous posez pas en juge, afin de n’être pas jugés ». Les v. 17-20 énoncent la thèse du discours : la mission de Jésus n’abolit pas les préceptes de la Loi commentée à la synagogue par la lecture des Prophètes (v. 17, propre à Matthieu). Au contraire, elle « accomplit » ce régime religieux, le porte à sa perfection, lui donne un sens plein : d’emblée, Jésus insinue son autorité propre en la matière. Six antithèses, procédé littéraire ici déterminant, illustrent cette justice inédite : a) «Vous avez appris qu’il a été dit (par Dieu !) (aux anciens…) »; b) « eh bien moi, je vous dis…» (w. 21-22; 27-28, etc.). Le membre (a) représente le processus vénéré et vénérable de la transmission de la parole de Dieu selon la « chaîne » chère à la tradition rabbinique: «Moïse a reçu la Loi sur le Sinaï et l’a transmise à Josué, et Josué aux anciens, et les anciens aux prophètes.. » Face à cette chaîne, le membre (b) oppose le « moi » du Messie, son autorité absolue. A ces antithèses formulées en «vous» s’agrègent plusieurs exemples concrets souvent rédigés en «tu». Les trois premiers thèmes envisagent les disciples dans leurs proches relations. La 1ère antithèse (v. 2 l-22a) concerne la condamnation, par la Loi, de l’homicide, passible de «jugement» (plutôt que « tribunal ») et la condamnation, par Jésus, de la colère, également passible de jugement. La deuxième antithèse (v. 27-28), relative à l’adultère, fonctionne comme la première : c’est dans la qualité du regard posé sur l’autre que tout se joue, et non pas au moment de l’acte coupable. La convoitise, le verbe « désirer » de la traduction en français courant, désigne l’envie de s’approprier comme sa chose un objet ou une personne. La troisième antithèse (v. 31-32) a l’allure moins soignée d’un complément de la précédente et s’élucidera par l’examen ultérieur de Mt 19,7. Dans l’indissolubilité du mariage, les disciples voient un régime de droit divin (cf. Mt 19,4) : le mari qui répudie sa femme pousse donc celle-ci à devenir la « propriété » illicite d’un autre et, par son propre remariage, il agit lui-même en «propriétaire» illégitime. Cette terminologie ne doit pas choquer : dans la société palestinienne à dominante masculine, on envisageait peu le divorce à l’initiative de la femme (voir, à l’opposé, Mc 10,12 en milieu romain) et l’avenir de la femme répudiée s’annonçait assez sombre. En un tel contexte, ce sont bien les droits de la femme que Matthieu défend. La quatrième antithèse (v. 33-34a) synthétise plusieurs textes bibliques (Ex 20,7 ; Lv 19,12 ; Nb 30,3 ; Dt 23,22-24) et fusionne deux motifs, les serments et les vœux. Deux domaines s’imbriquent donc : les engagements volontaires proprement religieux et les actions judiciaires dans lesquelles on prend Dieu à témoin de son innocence ou de son engagement à restituer tel objet, à exécuter telle réparation. Le juge peut aussi « adjurer » l’inculpé au nom de Dieu (cf. Mt 26,63). De par la défiance instinctive à l’égard de la sincérité d’autrui, toute société recourt aux serments, même si la tradition juive d’alors invitait déjà à la sobriété en la matière. La position de Jésus est radicale : «Je vous dis de ne pas jurer du tout. » De la méfiance possible entre les disciples, la cinquième antithèse (v. 38-39a) passe au conflit ouvert et à l’éventuelle victime des agissements du « méchant ». En son sens vrai, la loi du talion (Ex 21,24) veut limiter la vengeance et mesurer la juste compensation d’une offense : un œil (et non pas deux !) pour un œil ; une dent (et non pas la mâchoire !) pour une dent abîmée. Le 1er siècle donnait d’ailleurs à cette image une portée toute symbolique et débattait surtout d’arrangements financiers. Face à quoi Jésus énonce une solution radicale: «ne pas riposter au méchant». Ce n’est pas une loi d’État, mais une orientation pour ceux qui ont choisi les béatitudes et qui savent bien que le coup « justement » rendu n’est pas une fin, mais le début d’une réaction en chaîne de la violence. La sixième antithèse (v. 43-44) avec ses prolongements (v. 45-48) a les mêmes sources que Luc 6,27.32-36. Elle reprend d’abord le précepte de l’amour du prochain que formulait Lv 19,18. Mais « tu haïras ton ennemi» est une clause absente de la Bible, laquelle invite même à surmonter l’inimitié. Le précepte de l’amour du prochain parcourait en fait l’ensemble des antithèses. L’instruction débouche sur une telle ouverture vers l’ennemi que la communauté ne pourra jamais former un tout clos sur lui-même. Les trois dernières antithèses soulignent un autre trait : la confiance toute filiale en un Dieu devant qui il n’est pas besoin de jurer pour être cru et qui saura juger les conflits douloureux. Le judaïsme concevait déjà les «œuvres de miséricorde » comme des actes dont Dieu lui-même avait donné l’exemple, et la synagogue commentait Lv 22,28 par cet adage : « Comme je suis miséricordieux dans les cieux, ainsi serez-vous miséricordieux sur la terre. » Ce que Luc 6,36 reformule en ces termes : «Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Si Matthieu préfère l’adjectif « parfait », c’est que, pour lui, la miséricorde étendue jusqu’à l’amour de l’ennemi constitue cette perfection attendue des fils. Ceux-ci cherchent à se modeler sur le Père et ils comptent sur Jésus, Fils et intime de Dieu (cf. Mt 11,27) pour leur livrer les clés de cette ressemblance. Thèmes de réflexion 1. Loi et bonheur. La relation immédiate instaurée par le Dt entre Loi et bonheur, désobéissance et malheur, a de quoi surprendre. De fait, le constat du malheur dans lequel se trouve parfois plongé le croyant, ou l’hostilité dont il peut être l’objet, ont conduit la foi d’Israël à moduler cette affirmation ; le livre de Job et les psaumes (voir le PS 73 par ex.) font état d’une joie acquise, durement, dans l’adversité. La visée fondamentale de notre texte ne doit cependant pas nous échapper : la Loi est bonne. Elle n’est pas un code répressif limitant la personnalité humaine, et l’enserrant pour son malheur dans un réseau d’interdits. 2. Par les limites qu’elle institue à l’emprise du désir, par l’attention constante qu’elle impose à la destinée du prochain, la Loi nous met en présence d’un Dieu qui cherche l’épanouissement personnel et communautaire de l’homme ; elle balise chemin de la vie authentique. 3. Choisir la vie. Il semble, à première vue, que notre texte érige la fidélité croyant en condition du salut. Comme si l’obéissance détenait, en elle-même, la promesse de la vie. Cette compréhension, fréquente dans la tradition chrétienne, donne à l’AT la réputation d’une religion légaliste. C’est une erreur qu’une lecture attentive de ce passage permet de corriger. Il est incontestable, en effet, que le don du pays précède l’institution de la Loi ; la promesse est acquise (« le SEIGNEUR a juré » v. 20), le commandement suit la promesse. « Habituellement, l’entrée en possession du pays n’est pas présentée comme la bénédiction qui découlerait de l’obéissance à la loi. C’est un don gratuit que Yahwé accorde à son peuple pour accomplir le serment fait aux pères »(s. Amsler) . Le don est premier ; l’obéissance se présente ensuite, comme la condition posée à Israël pour qu’il jouisse de la grâce reçue. 4. « La parole est toute proche de toi ». Pour le Dt, la Loi est praticable par le croyant. Selon Jérémie (31,31-34), seule une intervention dernière de Dieu inscrira la Loi au cœur de l’homme. L’apôtre Paul cite Dt 30,14, mais l’applique à l’avènement de Jésus (Rom 10,8) ; la « parole toute proche de toi » devient la confession de foi au Christ ressuscité, qui seule permet au croyant de trouver grâce devant Dieu. Alors que le Dt affirme la possibilité de l’obéissance, l’apôtre statue l’incapacité radicale pour l’homme d’échapper à sa condition de péché pour atteindre la justice exigée par la Loi (Rom 7,13-25). Paul est en accord avec le Dt, lorsqu’il reconnaît que « le commandement est saint, juste et bon » (Rom 7,12) ; mais pour lui, le croyant doit passer par le constat de sa désobéissance radicale, et par la foi au Christ, pour être à nouveau mobilisé au service de la justice de Dieu. Pistes de prédication proposées par « Lire et Dire » 1. La Loi comme vie de bonheur : Deutéronome 30 ne nous invite-t-il pas à retrouver le sens de l’usage de la Loi ? II s’agit bien ici d’une théologie de la Parole, où Dieu se livre entièrement dans ce «commandement-parole». L’Évangile peut-il être entendu, non pas seulement contre la loi, mais au-delà de l’opposition, dans une tension féconde ? La compréhension de la loi ne fut-elle pas un des enjeux de la Réforme ? Quid pour nous aujourd’hui, entre impératif existentiel et impératif éthique ? 2. A la question «qu’est-ce qu’aimer Dieu ?», la lecture de notre péricope peut apporter des éléments de réponses non négligeables : aimer, c’est choisir, et donc aimer, c’est renoncer (ici à l’immédiateté de l’idole). C’est se mettre en chemin, c’est se mettre à l’écoute. Aimer Dieu ne relève pas en premier lieu d’une logique éthique, mats d’une attention, d’un mouvement d’ouverture et d’accueil à ce «commandement-parole» qui seul peut offrir du neuf, un avenir et une espérance : «Si toute beauté pure procède de l’amour, d’où vient l’amour, de quelle matière est sa matière, de quelle nature est sa nature ? La beauté vient de l’amour. L’amour vient de l’attention. L’attention simple aux simples, l’attention humble aux humbles, l’attention vive à toutes vies» (Christian Bobin, p. 25). 3. Qu’est-ce que vivre, qu’est-ce que mourir ?» Comment prêcher encore devant la mort ? Comment choisir la vie, alors que partout la mort semble triompher ? Pourtant, notre passage nous invite à renverser la logique, non plus pour considérer nos échecs et nos errances, mais pour considérer le mouvement de Dieu vers nous, afin de regarder désormais la vie comme un don. De cette expérience, du plus profond de notre intimité («sur ta bouche et dans ton cœur») peut jaillir ce «courage d’être». Vivre se présente alors comme un chemin de bénédiction, au cœur même de toutes nos malédictions. Le combat de Jacob au gué du Yabboq devient le paradigme de toute vie devant Dieu : la rencontre, l’altérité, le passage, la lutte contre la peur, pour la bénédiction : « Je ne te laisserai pas avant que tu ne m’aies béni… ». Bibliographie« Choisir la vie » Cours Biblique par correspondance, 1982/1983 (Office Protestant de Formation : www.protestant-formation.ch)Revue « Lire et Dire » 79-2009/1 (Page5-15) ; article de Jean-François Breyne Claude Tassin « L’Évangile de Matthieu » (éd. Centurion1991 – p.63-70)Mon commentaire des textes est adapté des livres ou articles cités ci-dessus.
« Entre vie et mort, le choix offert d’un autre chemin » Nous sortons tout juste de la période des vœux où, un peu machinalement, nous lançons, à qui veut l’entendre, un « Bonne Année ». Que savons-nous de celui ou celle à qui s’adressent ces vœux ? Et si notre interlocuteur vivait une grave maladie, que signifie alors pour lui, notre « Bonne Année » ? Et s’il traversait un deuil, particulièrement difficile, comment recevrait-il nos vœux ? Ou encore, si cette nouvelle année est une année charnière pour lui, voit-il cette année comme bonne ? Tout est donc question de point de vue, de là où nous nous situons. Si par contre, nous plaçons cette année nouvelle sous la lumière de la parole du Deutéronome, nos vœux prennent un autre relief. Recevoir alors ces vœux de cette façon, c’est aussi prendre au sérieux ces paroles que Dieu nous donne pour aujourd’hui, et prendre au sérieux nos vies et celle du monde et de nos contemporains. Ces paroles sont d’abord des paroles pour le peuple d’Israël : le livre du Deutéronome parle d’une communauté qui se prépare à entrer en Terre Promise. Le peuple touche presqu’au but. Mais dans l’enthousiasme de l’entrée en Terre Promise peut aussi cacher une tentation, celle de se croire arrivé et d’oublier Dieu, de revenir en quelque sorte en arrière, à ses vieux démons, ses idoles, toujours si proches. Les Hébreux ont fait l’expérience de la libération hors du pays d’Égypte, pays de l’angoisse ; ils ont appris à vivre de ce que Dieu donne ; ils ont traversé des épreuves et vécu des temps de fête et de réconciliation. Malgré les épreuves et le désert, Moïse va leur redire l’alliance, projet de Dieu pour eux. Ces vœux sont aussi des paroles pour nous : Malgré les fêtes, les médias n’ont pas cessé de nous replonger dans une ambiance de crise. (Crise veut dire jugement en grec). Des forces de mort planent autour de nous ; une certaine morosité envahit notre quotidien ; la couleur grise semble petit à petit recouvrir la nature et nos lieux de vie. Il y a quelques années, un petit livre « Matin Brun » avait décrit comment la couleur brune avait fini par envahir tout l’espace. Même, nous chrétiens, il nous arrive de céder à la tentation du gris uniforme. C’est vrai que la réalité de la vie d’hommes et de femmes traverse nos écrans ou franchît nos radios. Leur réalité s’invite chez nous : des chrétiens coptes sont victimes d’un attentat meurtrier à Alexandrie, ou des chrétiens en pleine célébration en Irak sont attaqués ou d’autres chrétiens qui vivent quelquefois pas si loin de chez nous, sont menacés. Et il n’y a pas que les chrétiens. Il y a aussi des victimes de ces attentats, ou des otages en Afghanistan ou ailleurs dans le monde. Il y a aussi tous ceux pour qui l’ACAT nous invite à écrire des lettres ou à signer des pétitions. Face à ce déferlement de la violence ordinaire, nous nous sentons bien démunis. Que faire ? Comment être chrétiens et témoins du Christ ressuscité et vivant ? Que répondre à l’incessante question du mal ? Les problèmes rencontrés par les Hébreux lors de leur entrée en Terre Promise et les nôtres aujourd’hui ne sont pas les mêmes, certes ; l’épaisseur du temps nous empêchent de voir et de mesurer leurs difficultés d’alors. Mais la réponse donnée par l’auteur du livre du Deutéronome peut nous proposer une pédagogie de témoignage. Dieu donne sa torah, sa Loi qu’on peut traduire par « chemin ». Pour ceux qui ont l’habitude de faire des randonnées, ils savent que les chemins sont balisés. Tant que le marcheur reste fidèle à la couleur choisie, au choix qu’il a fait, il ne devrait pas se perdre. S’éloigner de ce marquage ou suivre une autre couleur ne conduira pas au but fixé. Dans le désert, le peuple de Dieu n’avait ni carte ni boussole. Il ne pouvait compter que sur Dieu et sur ses lieutenants, Moïse et Aaron. Le désert a été un temps d’apprentissage. Et si la grisaille de notre vie et notre monde était ce désert dans lequel nous avançons un peu à l’aveugle ? Sur qui compter pour avancer ? Comment faire confiance en un Dieu qu’on ne voit pas ? Qui sont nos Moïse et nos Aaron ? Nous le savons bien, nos vies ne sont pas noires ou blanches, riches ou pauvres, pleines de vie ou confrontées aux forces de morts. Nos vies sont des tissages. Diverses couleurs vont contribuer à réaliser une œuvre d’art. Écouter, aimer, suivre, rester attachés à Dieu seront les couleurs vives de notre tissage ; se détourner de Dieu, désobéir, se laisser entrainer, adorer les idoles, seront les couleurs sombres de notre tissage. Toutes les couleurs cohabitent dans nos vies. Mais nous pouvons choisir la quantité de couleurs vives ou de couleurs sombres que nous faisons entrer dans notre tissage. Les tisserands nous disent qu’il y a une couleur qui petit à petit devient invisible à l’œil mais qui est bien là, c’est la trame. Dieu est cette trame qui vient tisser son amour, sa vie, sa bénédiction avec toutes les couleurs de nos vies. Entre les forces de vie et celles de mort, Dieu nous propose d’ouvrir un chemin au milieu de nos « Mers Rouges » à nous, en s’engageant à être devenir des veilleurs, à lire dans les événements de notre monde, pas que les blessures infligées aux victimes et à leurs familles, pas que les horreurs des attentats, mais aussi toutes les lueurs d’espérance qui jaillissent ici ou là. Ce chemin à découvrir peut aussi se dire avec les mots de Nabil Mouannès : Fais, Seigneur, se joindre toutes les mains, pour rendre plus humain le soi où tu insufflas la vie à un homme que tu modelas. Que nous prenions ta main noire, Seigneur, pour que la terre porte les fruits de l’espoir. Que nous prenions ta main jaune, Seigneur, pour que le monde reste jeune et que chacun gagne dignement son pain. Que nous prenions ta main blanche, Seigneur, pour que les bourgeons qui portent joie et justice éclosent sur toutes les branches. Que nous prenions ta main rouge, Seigneur, à la croisée des chemins, pour que les hommes de l’Afrique, de l’Asie, de l’Europe, de l’Amérique, de tous les temps, de tous les cieux, cultivent ensemble sur tous les continents, des chemins de développement, des champs de prière et de dévouement. (« Livre de prières », éd Olivétan / 10 janvier) Le Seigneur vous combe de bienfaits dans cette année, dans ce pays dont vous avez pris possession.