Textes : 2 Corinthiens 12, v. 1 à 10 Ps 123 Ézéchiel 2, v. 2 à 5 2 Corinthiens 12, v. 7 à 10 Marc 6, v. 1 à 6Pasteur Frédéric VerspeetenTélécharger le document au complet

Notes bibliques

1/ Remarques préalables :– Le récit de la visite de Jésus à Nazareth est surprenant à bien des égards. Il y a en effet de quoi être surpris par le changement d’attitude des compatriotes de jésus qui passent de l’étonnement et de l’admiration à l’hostilité.- Jésus ne cache pas son étonnement devant une telle réaction et nous lui devons alors le dicton : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays.. »- Cette opposition, ce manque de foi, se traduit par un autre constat : « il ne put faire là aucun miracle ».- Mais de manière contradictoire le texte précise qu’il accomplit là(malgré tout) quelques guérisons.2/ Le récit se découpe de la manière suivante :Vv1 à 2a Mise en situationVv 2b à 3c Étonnement et questions des Nazaréens.Vv 3d l’incroyance des NazaréensVv 5-6a deux constats : l’œuvre de jésus est rendue impossible Jésus est lui-même surpris de l’incrédulité de ses compatriotes.Si l’on regarde de plus près il y a donc une gradation progressive dans le récit qui part d’un accueil étonné pour dégénérer en questionnement et hostilité qui rend toute entreprise stérile.3/ La localisation : Marc situe cet épisode dans la patrie de jésus et notamment dans la synagogue un jour de sabbat. Jésus y lit les écritures et commente un texte. Marc ne cherche pas à dire lequel ni ce qu’il à dit 4/ les réactions des auditeursLa première réaction des auditeurs de Nazareth est de l’ordre de l’étonnement et de la stupeur. Le texte retrace une double attitude : surprise, il ne s’attendaient pas à cela et cèdent d’abord à l’admiration envers Jésus.Mais cette admiration est très vite dépassée et surgissent les questions :- Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ?- Comment se fait-il qu’il s’accomplisse des miracles par ses mains ?- D’où cela lui vient-il ?- Les nazaréens s ‘interrogent… Il est évident que Marc tient à nous faire comprendre que l’activité de Jésus et son message dérangent, ou tout au moins différent de ce que l’on est habitué à entendre !Mais très vite les auditeurs s’interrogent non pas sur l’origine de sa Sagesse ou sur la qualité de son enseignement. Que Jésus soit porteur d’un enseignement d’origine divine ne les intéresse plus ce qui compte c’est qu’il soit le fils de Marie, le charpentier. Sa famille est connue ses frères et sœurs sont là parmi les habitants de Nazareth. Il est membre d’une famille bien ordinaire connue des habitants qui côtoient plus ou moins ses proches chaque jour.Alors comment serait-il possible qu’il transmette un message de sagesse lui le petit charpentier ?Jésus est l’un des leurs, mais il a en lui une sagesse et des paroles qui sortent de l’ordinaire. Les interrogations des nazaréens sont quelques part aussi les nôtres.Ils ne peuvent comprendre que Jésus soit différent. Ils ont du mal à admettre qu’il soit porteur d’une parole de vie. Ils ne veulent pas admettre que cette parole de Dieu les rejoigne par quelqu’un de proche.Dieu ne nous rejoint pas toujours de manière miraculeuse mais il vient à notre rencontre là ou nous sommes dans notre quotidien. Ils ne reconnaissent pas l’origine divine de sa mission et ils ne reconnaissent même pas qu’il puisse être porteur d’une parole de sagesse. Celui qui vient manifester l’amour de Dieu pour eux et les aider à considérer la réalité de l’amour de Dieu est mis à l’écart. Pour Marc, en le faisant, ils s’excluent eux même de l’œuvre de Dieu. Ils refusent de croire en lui. Ce thème de la foi ou de la non-foi en celui que Dieu a envoyé traverse de manière différente tous les évangiles dans leur diversité.Ce qui surprend c’est que celui qui viendrait de la part de Dieu, même avec un certain pouvoir, d’ailleurs fort limité puisqu’il y avait d’autres thaumaturges de son époque qui accomplissaient des miracles, soit venu sous une apparence qui ne flattait en rien l’orgueil et la vanité de la nature humaine.Sur le plan spirituel il est possible de dire que si l’homme doit recevoir Dieu, il doit recevoir ce que Dieu est ; mais c’est là précisément ce que la nature humaine ne veut pas faire ou a du mal à faire.La présence de Dieu se manifeste dans l’humilité (l’humiliation ?)de Jésus. Il ne se présente pas à nous ici comme un roi de gloire incontesté. Mais se révélant ainsi il n’était pas ce que le cœur de l’homme désirait. Il était le fils du charpentier, et c’était assez pour qu’on le rejetât. Les Nazaréens jugeaient selon la chair ; la parenté de Jésus était au milieu d’eux, et ils ne regardaient pas plus loin.5/ La réaction de Jésus Étonné de leur incrédulité, il les laisse après avoir fait ce que demandaient quelques-uns d’entre eux, car sa grâce, manifestation de celle de Dieu même ne fait pas défaut. Un prophète n’est pas sans honneur, excepté dans son propre pays, car c’est là qu’il est connu selon la chair. Il en était ainsi de Jésus, non seulement à Nazareth, mais en Israël.L’évangile de Marc souligne quel obstacle présente l’incrédulité à l’exercice de la puissance de Dieu. La foi de la femme malade qui touche le bord du vêtement de Jésus fait que la puissance sort de lui, mais l’incrédulité des habitants de son pays en arrête l’exercice : «Il ne put faire là aucun miracle». Que Dieu nous accorde de ne mettre aucun obstacle à l’activité de sa grâce, qui est toujours prête à agir ; puissions-nous, au contraire, connaître tout le bien que procure sa puissance lorsqu’on la fait agir par la foi (v. 1-6). Mais justement ne sommes nous pas nous même de ceux qui nous refusons à voir l’œuvre de Dieu là ou elle est réellement active dans notre quotidien et non dans de grands prodiges ? Je vous propose quelques pistes pour construire une prédication :Quelques pistes :1/ L’Évangile de ce jour veut répondre à une question fondamentale, récurrente chez Marc : qui est Jésus ? 2/ La question est paradoxale puisque c’est précisément à Nazareth, le lieu ou il est le plus connu, que Jésus se révèle ici être méconnu, inconnu, non reconnu. Ce trop connu de Jésus en fait un inconnu.3/ Le mystère de la personne de Jésus doit se révéler à l’homme dans la réalité de chair et de sang qui lui est la plus familière. Si là il n’est pas reconnu, il pourrait bien ne jamais l’être. 4/ La nouveauté absolue de Dieu se manifeste dans l’espace humain le plus commun et le moins attendu, dans l’humble réalité quotidienne de l’homme. 5/ les nazaréens opposent à Jésus une fin de non recevoir. L’avènement du Royaume de Dieu leur échappe. La sagesse (sofia) et la puissance (dynamis) qui sont en lui sont deux aspects caractéristiques de cet avènement du Royaume de Dieu au milieu des hommes.6/ L’incapacité des gens de Nazareth à accueillir ce Royaume vient de leur refus de voir la révélation de Dieu se manifester en dehors du cadre, de l’espace religieux réservé depuis toujours pour cela.7/ L’autorité de Jésus prophète ne peut être reconnue. Cela s’exprime par le fameux proverbe bien connu à l’époque de Jésus :  » aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie « . Le prophète est en effet, par définition, celui qui n’est reconnu comme tel que par la puissance même de Dieu qui est en lui et non par quelques caractéristiques institutionnelles ou quelques schémas préalables que ce soit et auxquels il devrait correspondre. 8/ La racine de l’incrédulité des gens de Nazareth procède d’une double incapacité : incapacité à voir la manifestation de Dieu en dehors du cadre religieux réservé pour cela et incapacité à accueillir cette manifestation dans la réalité de vie la plus familière qui soit. Ils sont disposés à tout sauf à se laisser doublement surprendre par la nouveauté de Dieu comme de leur propre réalité !8/ Jésus nous invite moins à changer le monde et les autres que le regard que nous portons sur le monde et sur l’autre. Il nous fait regarder l’autre et le monde,… autrement. Il nous ouvre les yeux, les oreilles et le cœur à la présence agissante et cachée du Tout-Autre. C’est ainsi que peut advenir au milieu de nous, au cœur de nos relations humaines et de notre réalité la plus familière, le Royaume de Dieu.

Prédication

Nous le savons tous, mais il faut le redire sans cesse une des questions fondamentales et récurrentes de l’Évangile selon Marc se résume en ces mots : « qui est Jésus ? »A Nazareth l’on croit savoir qui est Jésus, vous pensez, il est d’ici, il est connu sa famille vit là ! sa mère ses frères ses sœurs. De plus il est évident qu’il est charpentier, un petit artisan local dont on connaît même l’échoppe et peut être sait-on aussi qu’il n’y a plus reparu depuis quelques temps quand le vent de l’aventure l’a saisi et qu’il s’en est allé annonçant la bonne nouvelle en tous cas la sienne…N’est ce pas surprenant c’est en ce lieu ou il est connu qu’il est le plus méconnu. La réalité de la personne de Jésus doit se manifester dans ce que notre humanité a de plus simple et de plus constitutif c’est au cœur de notre nature humaine que dieu désire se manifester et se faire proche.Mais ils ne le reconnaissent pas.Dans nos Églises il y a des hommes et femmes d’horizons différents qui portent sur Jésus des regards divergents, complémentaires, opposés, irréductibles, irréconciliables. Nous n’avons pas au-delà des déclarations dogmatiques fondamentales la même idée de Jésus. Les études bibliques et théologiques qui nous sont accessibles depuis de nombreuses années maintenant soulignent dans leur grande diversité que Jésus est à nouveau un centre d’études considérables.Mais au-delà nous est –il encore possible de discerner ce que sa parole nous transmet de l’action dynamique de l’œuvre de Dieu envers nous. Nous avons, me semble –t-il le devoir de nous faire une idée personnelle sur l’identité de Jésus mais nous ne pouvons nous borner à une recherche purement livresque. Nous sommes invités à confesser qui il est pour nous !Le débat reste ouvert est-il plutôt prophète ? ou Messie ? ou Fils de dieu ?Je vais laisser de coté ces débats et simplement affirmer que Jésus est celui qui est venu parmi nous comme témoin véritable de Dieu. Sa présence, son œuvre, son ministère nous révèle le soucis de Dieu envers tous. Avec lui nous pouvons prendre conscience et découvrir à quel point nos vies ne laissent pas le créateur indifférent. Dans sa manière d’être et de vivre Jésus se révèle proche, tout proche, de ceux qui se laissent approcher, toucher, rejoindre, de ceux qui cherchent, ou encore de ceux qui désespèrent… En le faisant, il ne fait que manifester la présence active, accueillante de Dieu et le souci qu’il porte à la réalité de notre condition humaine. Au cœur même de notre vie il nous invite à croire et à dépasser les limites de notre raison. Nous avons de bonnes raisons de douter de ne pas vouloir croire ou de penser que notre foi est vaine que ce ne sont là que des enfantillages. Mais il nous invite à accepter que le véritable miracle s’il y en a un c’est que la foi peut transformer la vie.Quand je dis : « peut transformer la vie », je ne pense pas à une petite relation douillette avec un dieu intimiste. Je veux dire que la foi permet de reprendre confiance dans la vie au-delà des épreuves, qu ‘elle peut changer radicalement les oppositions stériles en rencontres constructives. Oui Jésus a été victime à Nazareth du regard négatif ou réducteur que l’on portait sur lui. Il n’est que le charpentier, il n’est que le fils de Marie, le frère de Jacques etc. etc. Ils n’ont pas su discerner la nouveauté de l’Évangile et de la proximité du royaume. Ils n’ont pas su voir que Dieu se sert souvent de ceux que nous n’attendons pas. Dieu ne va pas chercher les surdoués imaginaires de la foi il se sert des hommes et femmes d’ici, il n’y en a pas d’autres. Notre difficulté comme pour les nazaréens consiste à réaliser que derrière ceux que l’on croit connaître se cache souvent des richesses insoupçonnées.Dans nos Églises sommes-nous capables de faire confiance à Dieu pour qu’il nous aide à changer notre regard, à décoller nos yeux des évidences trop évidentes. Somes nous réellement encore capables de discerner la réalité de la nouveauté de Dieu ?Nous nous sommes habitués à notre petite histoire et à notre train-train il ne serait pas bon de le bousculer !Il est de même dans nos vies individuelles nous avons parfois beaucoup de mal à nous défaire de nos habitudes de nos prismes pour regarder les autres. Dans ce texte ce qui est frappant c’est la radicale asymétrie qui existe entre le regard des nazaréens sur Jésus et celui de Jésus sur les habitants de sa ville d’origine. Lui ne regarde pas les Nazaréens comme les Nazaréens le regardent. Il voit en eux la possibilité d’accueillir la nouveauté de Dieu. Son regard sur eux suppose qu’ils sont susceptibles d’accueillir la nouveauté de Dieu dans leur vie. C’est le contraire d’un regard qui enferme quiconque dans le trop connu et n’attend plus rien de nouveau. Bref, le regard de Jésus sur ses compatriotes est exactement à l’opposé de celui qu’ils ont à son égard. Le regard de Jésus est ouverture fondamentale à l’altérité de Dieu. Le croyant doit également apprendre à se regarder et à regarder autrui comme Jésus le regarde et au-delà bien sûr comme Dieu le regarde. En se mettant à la suite de Jésus, le chrétien se propose de vivre une tout autre manière d’être à soi-même et face aux autres. Il met la présence mystérieuse de Dieu au cœur de toute relation, transcendance de Dieu au cœur de nos affaires humaines. Le regard sur soi et sur autrui est alors fondamentalement transformé.Dans un monde ou les lieux de ressourcement son divers mais ou ils paraissent souvent noyés derrière les nombreuses activités vendues et proposées par les médias publicitaires, nos contemporains sont en quête de spiritualité. Le marché est grand ouvert ; on peut y trouver de tout. Souvent lorsque nous parlons de Jésus Christ, de ce qu’il est pour nous, nous avons l’impression de raconter une vieille histoire à des enfants qui l’ont déjà tant de fois entendues…Pourtant l’Évangile nous présente un Jésus qui vient à la rencontre des hommes dans leur secret. L’œuvre du Dieu vivant n’a pas changé, son désir est le même : nous rejoindre.Mais si aujourd’hui peu de gens semblent pouvoir adhérer à notre proposition de foi en Jésus Christ la faute nous en revient peut-être. En effet comment témoigner de cette présence intime de Dieu si nous même ne voulons pas en vivre ?Ici il faut nous poser la question et savoir si parfois nous ne sommes pas nous-mêmes comme les nazaréens trop sûr de connaître et donc capables de passer à coté de la présence de Dieu.Mais sur un autre plan nous pouvons aussi nous dire que si nous rencontrons des échecs dans notre annonce de l’Évangile et dans notre ministère de témoignage, il ne faut pas pour autant nous décourager. Il y a un temps pour tout dit l’ecclésiaste ; Jésus, lui-même, s’en est allé de Nazareth, et il prêcha en d’autres lieux. L’annonce de la bonne nouvelle ne reçoit pas le même accueil partout mais il faut néanmoins poursuivre notre travail ; non pas parce que c’est un travail, mais parce que c’est un service des autres. Et qu’en le faisant nous manifestons notre volonté de voir venir le royaume de Dieu. Nous sommes en droit de nous interroger sur l’incrédulité, c’est un thème fréquent dans le ministère de Jésus. Il n’est pas simple de croire et il est normal de ne pas vouloir être abusé. Dieu demeure au-delà de ce que l’on peut dire de lui et le risque de nous présenter un Dieu, trop bien ficelé, trop rigide ou trop flou, demeure toujours présent dans l’annonce de l’Évangile. Jésus lui invite ceux qui l’écoutent à le suivre, à entrer dans une dimension individuelle de la présence intime de Dieu, ce qui n’exclut pas notre réflexion. Il n’est pas question d’abdiquer toute capacité de réflexion face à Dieu. Mais face à la méfiance ou à l’incrédulité de dire simplement que la foi n’est pas une solution magique ni une potion qui endort mais une ouverture à une dimension fondamentale et constitutive de l’humain. Croire c’est accéder déjà partiellement au sens de la vie, de notre vie. Et pour cela il n’est pas nécessaire de chercher dans des philosophies lointaines mais il est parfois simple de redécouvrir la plénitude, la valeur, la saveur des phrases, des mots, des silences, des attitudes qui nous sont présentés dans les évangiles.Croire est un risque, un risque pour nous-mêmes, un risque pour les autres, dans cette quête nous pouvons avoir raison, nous tromper, mais nous pouvons aussi compter sur la présence dynamique de Dieu pour qu’il nous guide malgré nous et pour que sa Sagesse nous replace devant l’ultime, l’essentiel, devant la vie. Vivre en vérité c’est croire que rien malgré les apparences ne va vers la destruction mais vers le renouvellement ; c’est une bonne nouvelle. Amen