4eme dimanche de l’AventTextes : Michée 5, v. 1 à 5 Psaume 80 Hébreux 10, v. 5 à 10 Luc 1, v. 39 à 45Pasteur François DIETZ

Notes bibliques Michée 5.1-5 Les chapitres 4 et 5 constituent un tout. Il s’agit peut-être d’un ensemble d’oracles réunis en un recueil. Le thème est celui de la restauration de Jérusalem qui suivra l’exil à Babylone. Le langage, le style, les idées et les images utilisés par le prophète ressemblent beaucoup à ceux d’Ésaïe 40-50. D’autre part, Michée 4:1-3 est pratiquement identique à Ésaïe 2:2-4. Les deux prophètes étaient des contemporains. Plusieurs explications ont donc été proposées: on a suggéré qu’Ésaïe citait Michée, ou au contraire que Michée citait Ésaïe, ou encore que tous les deux citaient une source plus vieille, par exemple un élément d’une liturgie du temple. Au chapitre 4, Michée parle de Jérusalem et annonce que « Dans l’avenir, il adviendra que la montagne sur laquelle est le Temple de l’Eternel sera fermement établie au-dessus des montagnes, elle s’élèvera par-dessus toutes les hauteurs, et les peuples y afflueront. Des nations nombreuses viendront et se diront les unes aux autres: « Venez, montons au mont de l’Eternel, au Temple du Dieu de Jacob! Il nous enseignera les voies qu’il a prescrites, nous suivrons ses sentiers ». Car de Sion viendra la Loi, et de Jérusalem la Parole de l’Eternel. »Mais nous sommes maintenant au chapitre 5, Michée a annoncé la déportation à Babylone et la moquerie des nations à l’égard d’Israël. L’espoir, c’est que dans le lieu que plus personne ne remarque, dans un coin reculé du nom de Bethléem. La grande Jérusalem est maintenant en ruines, et Dieu choisira un petit village, Bethléem, pour y faire naître le chef promis à Israël, le Fils de David dont le règne a été préfiguré par son glorieux ancêtre. Bethlehem, à 7 km au sud de Jérusalem et alors que cette dernière n’était elle-même qu’un bourg parmi d’autres détenu par la tribu des Jébusiens, était la patrie de David. Pour ne pas la confondre avec un autre Bethléem, dans la tribu de Zabulon (Josué 19:15), on l’appelait Bethlehem Ephrata, du nom de la deuxième femme de Caleb (1Chr 2:19; 1 Samuel 17:12; Ruth 1:2; 4:11). Bethléem était un village insignifiant, « la plus petite des villes de Juda », mais le siège de la dynastie de David. Matthieu 2:6, du reste, se permet de faire dire à Michée 5:1 le contraire. Il s’agit sans doute d’une interprétation. Bethlehem devant donner naissance au Messie, est la plus glorieuse des bourgades de la Judée. L’évangéliste a dû lire Michée 5:1 au travers de son accomplissement et, de la sorte, sublimer Bethléhem. Psaume 80 C’est un psaume qui peut être lu au moment des lectures bibliques bien évidemment. On pourrait lui préférer le Psaume 40 puisque le passage d’Hébreux le reprend. Ceci afin de souligner le lien entre les écrits du premier et du second testament. Dans ce cas, on pourrait suggérer la lecture du Psaume 80 pour la louange. Puisque c’est un psaume qui suggère l’attente et la restauration d’Israël qui prend ici la figure du « fils choisi ». Hébreux 10, 5 – 10 L’épitre aux Hébreux pose la question centrale de l’accès à Dieu. Comment entrons-nous en relation avec lui ? L’auteur (Paul ? Barnabé ? Apollos ?) Rappelle que dans la première Alliance, cette possibilité était établie grâce aux sacrifices que présentait le prêtre, seul habilité à présenter ces offrandes. La Nouvelle Alliance révélée lors du baptême de Jésus dépasse ou refonde l’Alliance. Le jour du grand Pardon où le Grand prêtre entrait dans le Saint des saints n’aura plus cours. Jésus seul sera par sa vie donnée médiateur. L’auteur reprend la veine des prophètes (cf. Amos 5) et du psalmiste (Ps 40) qui rappellent que c’est en en accomplissant la volonté de Dieu (ou en marchant selon la route qu’il nous propose) qui nous met en sa présence. Luc 1, 39 – 45 Je vais au plus simple. Luc utilise un procédé pour mettre en parallèle Jean et Jésus, afin que Jésus l’emporte. Mais à la différence des récits qui opposent et désignent un vainqueur, Luc met en relation nécessaire Jean et Jésus. S’il désigne Jésus comme supérieur à Jean, il en souligne la continuité. En mettant en scène Elizabeth et Marie, Luc met en scène Jean et Jésus (in utero) le premier pan de la manifestation de l’Esprit saint (ici, ensuite à la fin du chapitre 2 avec les prophètes-esses Syméon et Anne). C’est la première désignation, dans la bouche d’Elizabeth de Jésus comme « le Seigneur ». Par l’intermédiaire d’Elizabeth, mère de Jean, Luc inaugure la mission prophétique de Jean, « chargé » de mettre sur les rails celle de Jésus. Pistes de prédication J’en propose 4 : Elizabeth et Marie : Une ou des histoires de visites Les évangiles mettent souvent en lumière des femmes : Marthe et Marie, la femme cananéenne, la femme adultère, Marie la mère de Jésus bien sûr, les femmes venues au tombeau … Comme si elles étaient des indices dans le ministère de Jésus de routes nouvelles à prendre. Deux femmes se saluent sur le seuil de la Nouvelle Alliance : l’une est vieillissante, l’autre encore toute jeune ; et à elles deux elles résument toute l’histoire sainte : derrière Élisabeth, se profilent de longs siècles de préparation, et Marie, rayonnante, sans tache ni ride, annonce la nouvelle Alliance. Elles ont en commun leur espérance et leur maternité, mais surtout le fait que leur maternité les engage tout entières dans le plan de Dieu, et que leurs deux enfants sont des enfants de l’impossible : Élisabeth était stérile, et Marie était vierge. Toutes deux témoignent dans leur chair que rien n’est impossible à Dieu. Marie, extra-ordinaire ou ordinaire ? Même si nous ne « vénérons » pas Marie, nous lui accordons une place importante. Du coup, nous nous privons sans doute d’une des richesses de ce texte. Marie n’est pas si différente que chacun(e) d’entre nous : Dieu frappe à la porte du cœur de chaque homme et de chaque femme et mobilise toute sa personne. Non seulement Dieu se manifeste à lui (elle) mais s’installe au plus profond de son être pour devenir un interlocuteur privilégié. En allant vers Elizabeth, Marie s’appuie sur la Tradition qui l’a façonnée et façonnera son fils. Mais comme dans chaque naissance, pour habiter sa foi nouvelle en acceptant de la mettre au grand large. . Jésus et les sacrifices (Hébreux et Psaume 40) La naissance de Jésus va ouvrir tous les possibles. Il y a dans ces textes suffisamment d’indices que quelque chose va changer, sans qu’on en comprenne tout de façon claire. La présence de figures comme Zacharie tourné vers le culte sacrificiel du Temple devient muet (juste après au chapitre 2). Il écrit sur une tablette le nom que doit porter son fils : Jean. Il ne retrouvera la Parole que pour confesser que ses yeux ont vu le salut. L’épitre aux Hébreux nous oriente vers ce qui sera le ministère de Jésus, reprenant la veine des prophètes et du Psalmiste. Tourné vers Dieu et non plus vers les sacrifices, répondant « Me voici ». Ferons-nous notre cette réponse ? Zacharie, Abraham et Joseph face à une naissance inattendue. Bizarre… Je n’ai pas trouvé de commentaire qui fasse le parallèle entre l’annonce faite à Abraham et celle faite à Zacharie. Pourtant les deux histoires se ressemblent énormément. Dans les deux cas, les couples sont âgés et les femmes stériles. Zacharie, à l’inverse de Joseph ne semble pas émettre de protestation et ne semble pas surpris. Quels sont les parcours de ces trois hommes face à la paternité ? De leurs réponses se joue en effet l’économie du salut. C’est cette piste que je propose dans la prédication qui suit. Prédication Et si… ? Et si Dieu avait pris soin de tout régler une fois pour toutes ? Ce serait bien pratique. Pas de chômage, pas de riches ni de pauvres, pas de guerres stupides, pas de femmes ou d’hommes discriminés en fonction de ceci ou de cela et qui doivent faire entendre leurs voix dans un contexte où celui qui m’est différent est ressenti comme un adversaire quand ce n’est pas un ennemi ? Oui mais voilà, le Dieu de la Bible ne répond pas à tous nos désirs. Depuis la première histoire, il suscite notre engagement. La seule chose que Dieu promet, c’est que là où nous pensons que tout est fini, il suscite encore du possible. Trois hommes, trois figures bibliques, un qui est bien vieux et deux autres qui ont vécu à la même époque en témoignent. Abraham d’abord… Le vieil Abraham, assis devant sa tente qui accueille puis bien vite ordonne à sa femme Sara de préparer le repas. Mais qui accueille-t-il ? Le Seigneur ? 3 hommes ? Dieu se fait-il connaître à travers 3 hommes ? Et qui s’entend confirmer qu’il aura une descendance nombreuse. Perplexité et rire moqueur de Sarah, toute aussi vieille et stérile que l’est Abraham. Impossible ! Zacharie ensuite. Nous nous transportons dans le temps. Zacharie est une des plus hautes autorités religieuses juives, un sacrificateur du temple de Jérusalem, époux d’Elizabeth, une femme stérile comme Sarah, et de plus descendante d’Aaron ! Pourquoi ne l’a-t-il pas répudiée alors qu’il aurait pu le faire ? Est-ce par respect pour la figure d’Aaron ? On ne le saura pas. Lui aussi se voit « visité », par Gabriel l’ange porte-parole et qui s’entend promettre une naissance dans le foyer. Joseph enfin. Lui n’est pas aussi vieux. Il est fiancé à Marie, la cousine d’Elizabeth. Gabriel, encore lui, lui fait une annonce quasi identique. On sent bien le désarroi qui a pu saisir Joseph à qui on annonce que sa femme avec qui il n’a aucune relation (sexuelle) va mettre au monde le Sauveur. 3 hommes aux prises avec la même situation. Et trois hommes qui acquiescent. Est-ce si « normal » ? Posez la question à 3 hommes pris au hasard, plutôt dans une culture machiste. Je vois d’ici ou j’entends d’ici les réponses : « je la jette » et je vous laisse imaginer les réponses plus crues encore. Alors qu’ici, aucun des 3 ne la rejettent, aucun des 3 ne dit « non ». Est-ce par crainte de Dieu? Pas pour Abraham en tout cas qui, dans d’autres circonstances n’hésite pas à marchander avec Dieu pour tenter de sauver les habitants de Sodome. Pas pour Zacharie qui sait très bien, comme lecteur des Écritures, que Dieu depuis la nuit des temps, propose plus qu’il n’ordonne. Combien de fois a-t-il lu que Dieu proposait deux chemins : « Vois, j’ai placé devant toi le chemin de la vie et celui de la mort, choisis celui de la Vie ». 3 hommes qui acquiescent donc. Et qui répondent favorablement ainsi à ce mystérieux appel de Dieu pour que s’écrive une histoire commune. 3 pères et 3 enfants… Isaac qui signifie « il rira », c’est l’anonyme, celui qui passe dans l’histoire sans bruit. Nous en connaissons tous des Isaac silencieux, qui ne font pas la une des journaux, qui ne meurent pas au nom de leur foi, qui ne sont pas dans la lumière. Mais ils ne sont pas insignifiants pour autant. A tous ceux qui retiennent l’attention, en bien ou en mal, nous pourrions leur dire que la descendance nombreuse promise à Abraham s’inscrit dans cette lignée discrète des humbles. Sans eux, rien ne serait transmis. Dieu les veut comme collaborateurs. Jean : Qu’est-ce que cela signifie ? Iohannes, cela veut dire « Dieu a fait grâce ». L’enfant qui aurait dû s’appeler Zacharie comme son père sera nommé Jean, né d’un homme et d’une femme, un juif né de juifs. Il va annoncer la renaissance d’un sacerdoce tombé dans la stérilité. Le sacerdoce, la mission fondamentale d’Israël est de témoigner au monde que l’existence humaine trouve en Dieu sa source, sa finalité et sa liberté face aux réalités, aux contraintes du monde. Ce sacerdoce confié par Dieu est mission vers l’humanité entière, et non pas prérogative vis-à-vis de Dieu, privilège exclusif, statut préférentiel. Élisabeth, la descendante d’Aaron, stérile suggère que le clergé du temple ou mieux que les rites sacrificiels du Temples qu’ont mis en place le clergé sont vains et stériles. Le sacerdoce d’Israël ne témoigne plus de rien ; il est stérile, car il croit maîtriser, posséder Dieu. Et il n’acceptera précisément pas que celui qui se dira le Messie, né d’une jeune paysanne dans un obscur village, échappe à son autorité, à sa maîtrise ; le sacerdoce a charge d’annoncer le Messie, le salut, mais certainement pas de maîtriser la volonté et la souveraineté de Dieu, duquel provient bien le salut. « Zacharie » appartient à la période du « pas encore », tandis que « Jean » affirme le « déjà là ». Par le simple moyen d’un prénom, Dieu lui-même inaugure un temps de grâce et de salut. Jean Baptiste appartient aux frontières des temps nouveaux dès son entrée officielle dans sa famille. Jésus : 23 décembre. Demain, lors des veillées, retentiront les beaux chants de Noël, ceux qui nous transportent et nous redisent la joie et la paix. Les pasteurs ou les animateurs de ces soirées prononceront quelques paroles dans ce sens. Peut-être feront-ils le lien entre Jean et Jésus ? Jean qui redit que « Dieu fait grâce », Jésus dit qu’il est le « Sauveur » (Jésus, en fait Yeshouah porte la contraction de Dieu YE et de Shoua –oshea secours). D’autres que lui ont portés ce nom : Josué, le successeur de Moïse qui fait sortir du désert et entrer le peuple dans le pays que Dieu avait promis au bout de leur errance. Continuité avec Jean mais aussi rupture avec Jésus. Car Jésus ne prendra pas exactement le chemin de Jean. Le ministère de Jésus ne sera pas celui que Jean espérait. Le messie attendu se révèle inattendu. On l’espérait glorieux, comblant les attentes d’un peuple qui espère des jours meilleurs. Il se révèlera dans l’humilité, plus intéressé à toucher les cœurs de ceux qu’ils rencontrent qu’à mener une troupe au combat. J’ai parlé des hommes. Quelques mots sur les 3 femmes. Pour redire d’abord que sans elles, rien ne serait passé. Comme leurs époux, elles doivent accepter de rendre possible ce qui semblait impossible. Nous n’avons pas de détails sur SARAH. Elle est juste nommée pour être la femme d’Abraham. Elle appartient elle aussi, comme Isaac à ces personnes humbles, juste capable d’émettre par leurs rires dictés par la raison que l’on est ici sur terre pour faire ce qu’il faut faire. Sarah est une pragmatique : elle ne peut offrir de descendance à Abraham, elle envoie Abraham auprès de sa servante, selon l’usage de l’époque. Elle fait tout ce qu’elle peut faire. Et quand on lui dit qu’elle peut s’offrir encore quand tout semble impossible, elle a du mal à y croire. Elle a tout essayé, on ne le lui fait pas. D’ELISABETH, nous ne savons pas grand-chose non plus. Au fond, elle est la cousine de Marie et cela suffit. Vous savez, c’est comme dans les familles quand on dit « c’est le cousin de…. » Lui, on le connait, mais son cousin, moins bien. Jusqu’au jour où on le nomme enfin. MARIE Marie, l’Église catholique lui a donné, on le sait, plus que la Bible ne lui donne. Et c’est sans doute pour cela que nous autres protestants ne la regardons pas beaucoup. Elle est pourtant l’auteure (en tout cas supposée) d’un des plus beaux chants à Dieu qui reprend en partie de nombreux psaumes : « le Tout Puissant a fait pour moi des merveilles… » Il manque encore des détails dans ce tableau qui parle de choses réelles en utilisant des matériaux irréels. Quand Marie entend en fait une double annonce, celle d’une promesse de grossesse pour elle et celle déjà réalisée pour Elizabeth, elle va non pas l’annoncer à son mari Joseph ou ses parents mais à sa cousine. Tout n’est pas dit on le sent bien. Luc nous met en route avec Marie vers le chemin que nous avons à prendre. Il y aura bientôt d’autres personnages, les bergers de Luc, les mages de Matthieu, la route prend un virage inattendu. Dieu se fait connaître, certains le reconnaitront de suite comme Zacharie, plus tard Jean devenu adulte et missionnaire. Mais déjà l’Alliance de Dieu se réalise. Peut-être, sans doute même nous pourrons être au service de cet événement, si nous acceptons, comme Marie, de nous laisser envelopper par l’Esprit de Dieu et ainsi orienter nos vies dans le chemin que Dieu veut pour nous. Amen !