Notes bibliques

Une parabole

Il s’agit ici d’une parabole

En grec, le terme parabolh signifie :

  1. Comparaison, rapprochement, ressemblance, discours allégorique
  2. Choc, rencontre
  3. Action de s’écarter du droit chemin (la parabole en effet fait un détour par rapport à la voie directe de l’enseignement)

C’est déjà intéressant car on a là effectivement multiples facettes de la parabole.

* La première définition nous dégage de personnages réels, ce sont des images, souvent des caricatures pour pointer un comportement.

* La seconde est intéressante dans le sens où la parabole à toujours en effet un effet choquant et on dit d’ailleurs que c’est souvent là où ça coince que se situe le message, il nous faudra donc chercher où ça coince.

* La troisième montre le chemin détourné qu’empreinte la parabole, ce n’est pas un discours direct : tu dois, voilà ce que tu dois penser etc… mais ça laisse place à l’interprétation d’une histoire où c’est à chacun de se sentir visé, de se l’approprier et la manière dont je me l’approprie ne sera pas la même pour tout le monde. C’est vrai pour tous les textes de la bible mais la parabole s’y prête particulièrement.

 

On fait un détour pour dire quelque chose.

Un matériel catéchétique faisait ce jeu de mot en français (ça ne marche pas en grec) en disant que dans parabole, il y a « parole », (parabole), il y a deux lettres de trop au milieu et les dernières lettres doivent faire ce détour pour se rattacher aux premières, je cite[1] :

«  Une parabole est une histoire où la parole fait un détour pour être mieux comprise ».

Et ils racontent l’histoire de deux moines qui quittent leur monastère pour aller chercher un lieu dont on leur a parlé, un lieu où Dieu rencontre les hommes. Le supérieur les laisse partir, ils font un long voyage, avec beaucoup de difficultés de péripéties et arrivent enfin dans un lieu où ils se disent : c’est là !

Ils frappent à la porte et entendent la voix de leur supérieur qui leur dit « vous êtes arrivés, venez, c’est l’heure de la prière »

En fait  ils sont revenus au point de départ mais ils ont dû faire un long détour pour comprendre que c’est dans ce lieu, là où ils étaient, que Dieu les rencontrait, par la prière. Ils n’auraient pas été capables de le voir sans ce détour.

 

Cette histoire pour montrer que la parabole joue ce rôle, nous faire comprendre des choses qu’un discours direct n’arriverait pas à faire.

Jésus n’a pas l’exclusivité des paraboles, c’est un style qui est employé par de nombreuses traditions religieuses et Jésus utilise largement ce style qui existait déjà chez les juifs.

Pour Jésus, le but d’une parabole est de changer notre regard sur Dieu, les gens ou les évènements, c’est un récit fictif à vocation pédagogique.

 

Quelques remarques

Cette parabole se trouve seulement chez Luc

Évangile écrit dans les années 80-85

Le contexte

Jésus est en chemin vers Jérusalem. Il vient de répondre à des pharisiens qui l’interrogent pour savoir quand viendrait le royaume de Dieu. Il utilise pour répondre le langage dit apocalyptique. Puis, suit cette parabole dont le but est clairement explicité, il faut toujours prier et ne pas se lasser.

Quels que soit les évènements qui surviennent, le point d’ancrage est la prière et c’est ce qu’il va expliciter par cette parabole.

           

Plan du texte

Introduction v 1 : le but de la parabole

La parabole elle-même vs 2 à 5

L’interpellation vs 6 à 8a

Conclusion par une question sur la confiance v 8 b

 

Quelques éléments de traduction

V 1 : Dein : verbe falloir, c’est une nécessité, inévitable

V 1 egkakein : du verbe perdre courage, se décourager, mais aussi : agir mal, être en faute, commettre une négligence

1.1.1.1.1    Il faut toujours prier, c’est inévitable et ne pas se décourager, commettre une négligence à ce sujet

v 2 joboumenos v 4 joboumai : du verbe être saisi de crainte, avoir peur, être effrayé, mais aussi révérer

1.1.1.1.2    Un juge qui ne tient pas compte de Dieu

V 5 upwpiazh : frapper sous les yeux, pocher les yeux, blesser, mortifier, molester

1.1.1.1.3    De peur qu’elle ne vienne me casser la figure !

v 6 akousate: du verbe écouter, entendre, comprendre

1.1.1.1.4    Il faut être attentif à la parole du juge, il y a quelque chose à comprendre

v 7 et v 8 ekdikhsin : vengeance, punition

1.1.1.1.5    Il leur fera vengeance

v 8 makroqtumei : du verbe avoir de la longanimité, être persévérant, prendre patience

1.1.1.1.6    Alors qu’il patiente à leur égard

v 8 pistin : la foi, la confiance, crédit, fidélité, serment, engagement, pacte

1.1.1.1.7    Trouvera-t-il du crédit, de l’engagement, de la confiance sur la terre ?

 

Au fil du texte

V 1 Jésus explicite le but de cette parabole

V 2 La parabole met en scène un juge dont il est souligné que rien ne le fait fléchir

V 3 entre en scène une veuve qui va retourner la situation par sa persévérance

V 4 et 5 appui sur son refus, son entêtement dans un premier temps, puis sa réflexion, du guerre lasse, puisque je ne peux m’en débarrasser, autant lui accorder ce qu’elle demande, elle l’a à l’usure, par la peur aussi, il pense que cette histoire va mal finir pour lui.

V 6 : entendez ce qu’il y a comprendre à travers les paroles du juge : Si ce juge, qui ne cède rien, fini quand même par réfléchir sous l’influence de la persévérance, à combien plus forte raison, le père que je vous ai présenté comme accueillant et aimant (cf Luc 15, 11ss), ne restera-t-il pas sourd à vos appels.

V 8 Il y a peut-être cependant encore un élément qui entre en jeu : la confiance.

 

Des questions

La confiance est-elle une condition à l’exhaussement ?

Peut-on juger qu’il y a manque de confiance devant le silence de Dieu.

Quelle est la place de la confiance dans l’exhaussement et quel exhaussement attendons-nous ?

Qu’est-ce que la prière ?

 

Lecture préalable : Exode 17, 8-13

Lien avec l’évangile

La persévérance, mais Moïse ne persévère pas seul, il est soutenu par les autres

Il ne baisse pas les bras au vrai sens du terme, s’il baisse les mains, c’est perdu.

 

 

Prédication

Lire Exode 17, 8-13

Voici un exemple de combat au cours duquel il valait mieux ne pas baisser les bras pour remporter la victoire. Le texte nous dit que chaque fois que Moïse baissait sa main, l’adversaire était gagnant et chaque fois qu’il levait la main, l’adversaire perdait. Au point que l’on trouve un moyen pour soutenir Moïse dans son action persévérante.

 

C’est un texte mis aujourd’hui en relation avec un autre dans les évangiles qui nous parle de la prière, il nous présente la prière comme un combat.

 

Lecture Luc 18, 1-8

Nous exprimons, rien que le temps d’un culte, diverses prières :

Prière de louange, c’est un temps de remerciement ou d’adoration.

Prière de repentance, dans laquelle nous exprimons notre faiblesse.

Prière dite d’illumination qui nous prépare à l’écoute du texte biblique et de la prédication

Prière d’intercession dans laquelle nous pensons au monde au sein duquel nous sommes appelés à dire notre espérance, nous prions pour les personnes en difficultés, les malades etc….

 

Rien que dans un culte, diverses formes de prières s’expriment donc.

C’est la prière communautaire et puis nous prions aussi lorsque nous sommes seuls, de manière plus personnelle et intime.

Qu’attendons-nous de ces prières ?

Comment réagissons-nous lorsqu’on se heurte au silence et que rien ne se passe ?

On peut se dire : « je n’ai pas prié avec assez de foi ? J’ai prié de manière égoïste. Ça c’est mettre la faute sur nous, Dieu ne répond pas parce que je ne suis pas assez bien.

Ou encore, le doute nous assaille, y a-t-il un Dieu qui répond à nos prières… etc… ?

À moins qu’il ne faille remettre en question notre compréhension de la prière ?

 

Voyons ce que Jésus en dit dans cette parabole.

Le but de cette parabole est clairement explicité :

« Jésus leur dit une parabole pour montrer qu’il faut toujours prier et ne pas se lasser »

Puis, il raconte cette histoire de juge qu’il faut importuner, seriner jusqu’à ce qu’il cède.

Dieu ressemble-t-il à ce juge, ressemble-t-il à ces parents usés par les réclamations des enfants qui finissent par céder, pas de bon cœur mais pour avoir la paix ?

 

Une parabole qui se trouve juste trois chapitres avant celle-ci est celle dite du fils prodigue.

Une interprétation de cette parabole nous permet de comparer Dieu à un père aimant attendant le retour de son fils égaré, un père patient, plein d’amour et compatissant, le fils de retour ne peut même pas terminer sa phrase que le père a déjà commandé aux serviteurs de préparer la fête, une fête d’accueil et de retrouvailles, le fils n’a pas besoin de le supplier pendant des jours et des années, non, sans aucun délai, le père accueille ce fils de retour.

 

Ici, nous sommes face à un juge qui se fait prier, qui détourne son regard de cette pauvre veuve qui incarne la faiblesse et la dépendance, qui n’a d’autres recours que sa persévérance, qui n’a d’autres recours que de ne pas lâcher le morceau, de ne pas baisser les bras, elle n’a rien à perdre et elle a décidé d’arracher son soutien au juge qui refuse de le lui accorder.

Face au juge, la situation de cette pauvre femme semble bloquée, que peut-elle espérer d’un juge dont il est dit qu’il ne craint pas Dieu et n’a d’égard pour personne ?

Pourtant, son insistance va finir par faire réfléchir le juge qui se décide finalement à agir, non pour la bonne cause, et faire justice, mais pour avoir la paix, pour être tranquille. Par peur aussi, on pourrait traduire le verset dans le sens ou « de peur qu’elle ne vienne me casser la figure ! ».

Ainsi la persévérance de cette femme a eu gain de cause.

 

Que faire aujourd’hui de cette parabole ?

Dieu ressemble-t-il à ce juge auquel nous devons arracher des bénédictions qu’il ne veut pas donner ? Ce n’est pas tout à fait l’image que nous en donne la parabole du fils prodigue que je viens d’évoquer !

 

Jésus dit : « écoutez, entendez » c’est à dire, il y a quelque chose à comprendre là.

Nous sommes dans la comparaison, non pour montrer que Dieu est comme ce juge, mais pour relever cette fois le contraste entre Dieu et ce juge.

Ce juge qui n’a égard pour personne, fini par céder de dépit, alors à combien plus forte raison, Dieu, le père compatissant et plein d’amour prête-t-il une oreille bienveillante à nos prières.

Mais alors, pourquoi ressentons-nous parfois ce silence, avons-nous l’impression de ne pas être entendu ?

Peut-être faut-il remettre en question notre compréhension de la prière, en étant attentifs à la dernière phrase du texte :

« Quand le fils de l’homme viendra, trouvera t-il la foi sur la terre ?

Cette parabole sur la prière est mise en relation avec la foi.

La foi c’est une relation de confiance et qui dit relation dit échange.

Dieu attend de nous que nous échangions avec lui par le moyen de la prière.

« Il faut toujours prier et ne pas se lasser ».

Cette parabole a été mise par écrit bien après le départ de Jésus et les chrétiens sont dans l’attente de sa venue, mais il tarde à venir.

Ces chrétiens rencontrent de l’opposition, l’hostilité grandit à leur égard et le risque de laisser tomber, le découragement n’est pas loin.

 

Cette veuve les représente, les encourage, elle représente chacun d’entre nous dans notre faiblesse et notre découragement, lorsque nous avons l’impression de nous heurter au silence, lorsque nous ne comprenons pas ce qui se passe et que l’on se sent abandonné à son sort.

« Il faut toujours prier et ne pas se lasser » est une manière de dire : ne nous lassons pas de cette relation à Dieu qui fait vivre, c’est là que nous trouvons la force quotidienne pour vivre les événements que nous avons à vivre.

Cette parabole nous enseigne la persévérance, la patience au sein des événements que nous ne comprenons pas. La patience et la persévérance quand l’avenir semble sombre ou même parfois sans issue.

Elle nous enseigne la priorité de la relation de confiance sur le découragement, être en relation, c’est se savoir accompagné, c’est recevoir de Dieu l’assurance tranquille que nous ne sommes pas seuls dans les moments les plus difficiles.

Ainsi, la prière est avant tout relation, Dieu n’est pas un distributeur de ceci ou cela, mais l’accompagnateur de nos vies, d’où l’importance de prier sans cesse sans jamais se lasser.

Moïse dans le combat avait besoin de ne pas baisser les mains pour remporter la victoire. Quand ces mains fléchissaient, on a trouvé le moyen pour le soutenir.

Belle image de la persévérance dans la prière, qui nous aide dans la lutte contre tout ce qui nous assaille et cherche à nous flanquer par terre.

Belle image aussi pour parler du soutien dans la prière, quand nous n’avons plus de force, la prière des autres nous soutient.

C’est dans la prière que nous recevons la force de vie. La prière peut nous permettre de comprendre et de vivre les événements qui surviennent autrement, quels qu’ils soient.

La prière est relation avec un Autre, un extérieur à nous-même que nous nommons Dieu, qui nous permet de vivre le quotidien différemment, elle nous replace dans la confiance en celui qui nous accueille tels que nous sommes, faibles et pauvres, comme cette veuve indigente qui a su espérer contre toute espérance.

C’est pourquoi Jésus dit cette parabole pour montrer qu’il faut toujours prier et ne pas se lasser, une manière de dire qu’une relation de confiance se vit, s’entretient. Sans cette relation, les chrétiens dans l’adversité perdront pied. L’histoire de Moïse en est l’illustration, on pourrait comparer ses mains à la prière, sans la prière, ce qui nous agresse peut avoir le dessus, dans la prière, nous pouvons y face.

C’est cette relation qui nous fait vivre. C’est cette relation qui nous est vitale et que Dieu ne nous refuse jamais lorsque nous la demandons.

 

[1] « Change ton regard », matériel enfants de la société des écoles du dimanche