Prédication

Jésus nous raconte ici cette histoire, cette parabole, de l’homme riche habile entrepreneur qui a pu faire fructifier ses affaires et considérer qu’il avait atteint son objectif. C’est visiblement un homme avisé en affaires et qui a peut-être bénéficié d’une saison favorable. Le temps, les aléas divers de la vie au contact de la terre ont été favorables. Cette année-là tout s’est bien passé. Il peut même engranger des récoltes et se réjouir…
Mais cette parabole vient se placer au cœur d’une autre histoire. Des interlocuteurs inattendus viennent se mêler aux auditeurs de Jésus et ce qui les préoccupe eux c’est l’héritage. Un frère apparemment veut spolier son frère… on demande à Jésus de trancher, il refuse.

Jésus vient à peine de terminer son enseignement envers les disciples. Il vient de leur dire: « soyez sans crainte ! » Et voilà que les craintes du quotidien reprennent leur place immédiatement…comme dans nos vies.
Jésus est interpellé. Il est vrai qu’à cette époque les lois relatives à l’héritage étaient assez bien détaillées dans les livres du Deutéronome et des Nombres (Deutéronome 21.15-17; Nombres 27.1-11; 36.7-9). Mais que certaines situations de la vie n’étaient pas envisagées…ou peut-être le frère apparemment lésé voulait-il encore plus que ce à quoi il avait droit.
De toute manière Jésus ne rentre pas dans cette logique, il écarte l’idée d’être leur juge.
Mais il glisse cette parabole du riche insensé. En apparence cet homme n’est pas insensé il a bien mené sa barque…
Mais voilà survient l’inattendu : il meurt et tout cela ne lui sera plus d’aucune utilité…

Ce récit nous invite à porter un regard sur notre responsabilité personnelle dans la gestion de nos affaires. Les affaires des hommes, la rentabilité économique, l’accumulation des richesses. Accumulation pour certains plus que pour d’autres mais tout cela est ici balayé d’un revers de manche en un seul instant.
Ainsi nous sommes nous aussi interrogés sur la manière dont nous avons-nous-mêmes géré nos biens et sur l’attention que nous avons porté aux autres, aux plus fragilisés par la vie.
Cet homme souhaitait réussir; il voulait être riche, être à l’abri de tout besoin matériel. Il y a en notre monde des disparités criantes entre ceux qui peinent et gagnent peu et ceux dont les rémunérations sont bien au-delà du raisonnable. Cette question de l’argent et du rapport à l’argent reste au cœur de notre vie quotidienne. L’argent fascine et donne à celui qui en possède suffisamment, ou trop, l’impression d’être libre et puissant. Mais l’argent fait aussi le malheur de ceux qui n’en ont pas…

Chaque jour l’actualité nous renvoie des images d’affaires financières de ruses, de détournements, de paradis fiscaux et de parachutes dorés…Certes nous avons tous le souci de vivre correctement. Nous le souhaitons pour nous-mêmes ou nos familles et cela est bien normal mais il y a un fossé considérable entre le raisonnable et la démence.
Dans l’histoire que Jésus raconte l’homme riche n’est pas un tricheur c’est un bon gestionnaire. Il ne reproche pas à cet homme d’avoir été habile. Il a peut-être aussi pensé aux siens à sa famille, voulu la mettre à l’abri; il n’était peut-être pas égoïste ni rongé par l’addiction à la course de l’argent. Il a peut-être fait ce qui lui paraissait juste, bon et naturel.
Jésus ne semble pas s’arrêter sur cet homme et ce qu’il était en tant qu’homme d’affaire. Au travers du récit il nous invite à nous poser une autre question.

Il nous interroge sur la valeur et sur le sens que nous donnons à la vie et sur l’usage que nous en faisons. Le disciple de Jésus ne peut écarter ces questions Quel est le but de la vie ? Que doit-on faire pour donner un sens à sa vie ? Vaut-elle tant d’efforts ? Ces questions nous nous les posons tous parce que nous cherchons nous même le bonheur.
Nous pensons qu’il n’est pas mal de nous évertuer à mener une vie juste, à travailler avec acharnement, à goûter à tous les petits plaisirs, tous les charmes de la vie, à profiter du progrès des nouvelles technologies des temps modernes. Mais est-ce donc tout cela la vie que nous menons sous le soleil ? L’ecclésiaste nous interpellerait ici sans réserve.
Pour Jésus la recherche des richesses terrestres n’est d’aucun profit lorsqu’elle devient le but principal de la vie. Il nous invite à rechercher ce qui est juste, bon, équitable au bon moment et au bon endroit.
Le message de Jésus nous exhorte à être en alerte et à mener une vie placée continuellement sous le regard de Dieu. Il nous exhorte encore à bien compter nos jours afin d’en faire bon usage, à avancer chaque jour un pas à la fois en réfléchissant bien et avec sagesse. L’homme doit toujours se rappeler que Dieu a le contrôle de tout.
Et qu’en conséquence il faut rechercher le sens fondamental de la vie et en profiter à bon escient. L’ecclésiaste, tout comme de nombreuses paraboles de Luc, exprime la futilité des tentatives de l’homme qui cherche à trouver la satisfaction loin de Dieu sous le soleil et essaie de conseiller la sagesse aux vivants de ce monde.
Notre monde entretien souvent les illusions ; des espoirs multiples traversent nos esprits et nous empêchent de profiter simplement réellement de la vie et du bonheur.
Il est important pour chacun de trouver un chemin paisible sans être toujours balloté entre les multiples attractions de notre monde. Nous devons trouver une voie, un chemin qui nous permette d’échapper à l’asservissement. Un chemin qui donne sens à nos vies qui soit valable.
Qu’avec l’aide de Dieu et dans la communion intime que nous sommes appelés à développer avec lui dans le secret de nos vies nous soyons capables d’accepter la vie sur cette terre avec ses dons et ses déboires, ses apparentes contradictions et ses injustices, de recevoir tout cela de la main de Dieu.
Ce qui ne veut pas dire se résigner ou rester insensible aux misères, peines, souffrances ou manque d’argent de ceux qui marchent sur cette terre à nos côtés. Il ne s’agit pas ici de céder au scepticisme ou au pessimisme mais de marcher dans la confiance et la foi en Dieu. Bref de prendre Dieu et sa parole au sérieux.
En y regardant de plus près il y avait bien quelque chose qui clochait dans l’attitude de l’homme riche qui engrangeait et engrangeait encore …
Jésus prononce une parole qui donne sens à ce qu’il vient d’illustrer par cette histoire : ‘’Tu es fou : cette nuit même, on te redemandera ta vie. Et ce que tu auras mis de côté qui l’aura?’’ Et il ajoute « Voilà, ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. »
Ce qui ne marche pas ici pour l’homme riche c’est qu’il se laisse enfermer par ses possessions matérielles. C’est son attachement abusif excessif à celles-ci…
Les richesses en elles-mêmes ne sont ni bonnes ni mauvaises les textes bibliques, notamment du premier testament, laissent entrevoir qu’elles peuvent être considérées comme un don de Dieu. Dans le psaume 115 Il est même écrit que l’Éternel multipliera ses faveurs, pour les membres du peuple et leurs enfants.

La richesse peut donc être un bien un signe de générosité divine le psaume 37 ajoute en ses versets 18 et 19 «  L’Éternel connaît les jours des hommes intègres, et leur héritage dure éternellement. Ils ne sont pas couverts de honte quand vient le malheur et ils sont rassasiés quand la famine est là ». Mais selon l’ecclésiaste elle n’apporte pas forcement le bonheur et le livre des proverbes ajoute qu’il vaut mieux une bonne renommée qu’une grande richesse (proverbes 22, 1 et 2). Chez les prophètes on trouvera régulièrement un appel à mettre les richesses en liaison avec la justice et le respect dû aux plus faibles et aux plus petits.
L’évangile selon Luc met en avant le fait que Dieu est le dispensateur de toute richesse mais qu’il y a pour nous une contrepartie qui se traduit par la nécessité du partage.
Le problème de l’homme de notre parabole ne réside pas dans le fait qu’il n’utilise pas ses richesses, mais de se laisser fermer le cœur par ses biens, par ses possessions de toutes sortes. C’est contre cela que Jésus nous met en garde.
Il nous dit : « Faites de la place à autre chose que les biens matériels, à des biens spirituels qui sont plus importants, qui ne s’achètent pas : le regard d’un enfant, l’amour d’un être proche, la main qui aide le démuni, la paix que vous cultivez, tout cela ce sont des richesses aussi, et des richesses plus importantes que les richesses matérielles. Parce que celles-là elles changent le monde ; elles changent le rapport au prochain et elles sont des signes du Royaume qui vient…
C’est cela qui nous enrichit réellement.

Alors dans nos vies si nous en prenons le temps et si nous en avons l’envie pour approfondir notre vie spirituelle. Oserions nous livrer à un petit exercice et nous interroger sur ce qui pour nous qui est superflu, ce qui est utile, ce qui est important ce qui est nécessaire et essentiel et peu à peu élaguer le reste…

Cet exercice que nous pouvons faire en temps de vacances ou ponctuellement nous placera face à nos reflexes habituels et nous renseignera sur nos priorités et nous aidera peut-être à remettre les choses à leur bonne place ?
Amen