Notes bibliques
Voici quelques remarques introductives :
Le thème du troupeau et des brebis a été utilisé d’autres fois dans la Bible et dans les Évangiles, mais nulle part d’une manière aussi complète que dans l’Évangile de Jean où il occupe tout un chapitre.
On retrouve dans le même thème dans le Livre d’Ézéchiel au chapitre 34 où il est traité de la négligence du troupeau par les dirigeants sont identifiés à des mauvais bergers. Dans le nouveau Testament, plusieurs passages font allusion aux brebis. Bien évidemment on se souvient de dans la parabole des brebis et des boucs en Matthieu 25/31-46 ou celle de la brebis perdue Luc 15/4-7 et Matthieu 18/12-14. Le thème des brebis menacées par les loups est repris en Matthieu 10/16 ou celui des brebis sans berger Matthieu 10/6. On est donc en terrain connu.
Ici dans l’Évangile de Jean le thème du troupeau occupe tout le chapitre 10. Il s’ouvre après une admonestation des Pharisiens par Jésus. C’est eux qui vont être visés dans ce chapitre. Le chapitre s’achève par une tentative de lapidation de Jésus à laquelle il réchappe. Le thème de la mort de Jésus est sous-jacent à tout le chapitre.
Jésus s’identifie au bon berger en s’introduisant lui-même dans le récit. Plus loin, il s’identifie au Père. Nous avons là une théologie élaborée qui tente de répondre à la question de la relation de Jésus avec Dieu, mais qui ne traite pas encore de la trinité.
C’est le thème du troupeau qui est le centre d’intérêt de Jésus, c’est le groupe de ceux qui le suivent, c’est-à-dire l’église à venir. Jésus révèle par là, sa bonne connaissance du sujet, bien que ce thème n’appartienne ni à son milieu familial, ni à son univers professionnel si à celui de ses disciples. Il n’y a aucun berger dans son groupe. Il utilise dans son récit les caractéristiques reconnues du monde des bergers. Il distingue le berger propriétaire qui assume lui-même la garde de son troupeau, et le berger salarié appelé ici mercenaire. Le berger salarié, selon lui, manque de conscience professionnelle et se sauve à l’arrivée du loup. Ce que Jésus ne sait peut-être pas, c’est que le berger salarié était redevable sur ses propres deniers des brebis manquante, à moins qu’il n’en présente la dépouille. Viennent aussi les voleurs dont Jésus n’ignore pas l’attitude violente, ni les loups dont sont victimes les brebis. C’est pour cela qu’on les rassemble dans des parcs la nuit et qu’au matin elles ne peuvent sortir sans en avoir franchi le portail où se tient Jésus, ici.
Le thème du troupeau traverse tout le chapitre et sa sécurité dépend de la bonne connaissance de chacun par le berger qui est prêt à donner sa vie pour lui, s’il sait reconnaître le berger quand il l’appelle et qui se tient à la porte de l’enclos.
Il est dit nulle part quel sort attend chaque brebis dont les fêtes de Pâques fera une hécatombe. Nulle part ici les brebis sont destinées à la boucherie, et Jésus nous entraîne déjà avec lui dans un monde où ni la violence ni la mort n’existeront plus.
Prédication
Jean 10/27-30 Jésus et les moutons
27 Mes moutons entendent ma voix. Moi, je les connais, et ils me suivent. 28 Et moi, je leur donne la vie éternelle ; ils ne se perdront jamais, et personne ne les arrachera de ma main. 29 Ce que mon Père m’a donné est plus grand que tout — et personne ne peut l’arracher de la main du Père. 30 Moi et le Père, nous sommes un.
Depuis l’école primaire notre esprit est habité par l’image d’un agneau qui se désaltérait dans le courant d’une onde pure. Il avait l’innocence de l’enfant qui tète encore sa mère et n’avait aucune raison de subir l’arrogance d’un loup que la faim avait attiré en ces lieux. La morale de l’histoire est désolante. Pourtant combien de bambins n’ont-ils pas été contraints d’apprendre par cœur cette histoire lamentable au risque de voir leur inconscient déformé à tout jamais par l’affirmation selon laquelle la raison du plus fort est toujours la meilleure. Cette fable mémorisée par tant de têtes blondes n’a-t-elle pas contribué à conforter les plus vaillants dans leur bon droit, sans parler de l’effet néfaste qu’elle a pu avoir sur les plus vulnérables.
En dépit de cette histoire, si les agneaux contribuent encore à attendrir les humains, c’est qu’ils sont mignons, par contre ce même Monsieur de La Fontaine classe les moutons et autres espèces parmi les animaux stupides, et cette idée reste profondément ancrée dans l’opinion.
Il faudra alors qu’un petit prince descende de ses nuages pour remettre le mouton à sa place. Il éprouve de la sollicitude pour ce petit animal. Il s’inquiète à son sujet, parce qu’il pourrait bien manger sa fleur. Par le truchement d’Antoine de Saint Exupéry, voilà enfin le mouton redevenu un animal fréquentable. Il est même le sujet d’un entretien philosophique entre l’enfant et l’aviateur perdu dans les sables. Nous sommes inévitablement gagnés par la logique de l’enfant. Nous sommes alors surpris que l’aviateur tourmenté par son problème de survie ne partage pas davantage le souci du petit prince inquiet du sort de son mouton.
Jésus aurait sans doute trouvé beaucoup de saveur dans cette histoire, parce que lui aussi s’est intéressé au sort des brebis, perdues dans le désert ou menacées par les voleurs. Il a même consacré tout le chapitre 10 de l’Évangile de Jean à nous parler de son souci à propos du sort des moutons. Le sermon d’aujourd’hui va s’appuyer sur un tout petit passage de ce long chapitre pour se demander pourquoi et comment Jésus leur promet une part de son éternité. Sans doute, comme le petit Prince, Jésus se montrerait-il plus sensible au problème du mouton qu’à celui du pilote absorbé, par ses ennuis de moteur. Vue par un enfant la situation prend une autre tournure, car il est plus important pour lui de savoir dessiner un mouton que de réussir à démarrer un moteur en plein désert !
Sans doute les contemporains de Jésus ont-ils eu, eux aussi beaucoup de mal à le suivre dans ses élucubrations au sujet des moutons. Jésus ne voyait pas le profit économique que l’on pouvait retirer de ces animaux. Il n’envisageait pas le profit que l’on pouvait retirer des moutons, grâce aux sacrifices du temple. Il ne voyait pas en eux des bêtes de boucherie, il ne cherchait pas à leur tondre la laine sur le dos, ni à les traire en vue de faire du fromage. Mais à quoi lui servaient-ils ?
– A rien !
Les brebis dans ce récit n’ont aucune utilité. Le berger à qui Jésus s’identifie, n’a qu’un but c’est celui de les faire paître dans des près d’herbe tendre. Son seul souci, c’est celui de leur assurer le plus de confort possible. Jésus nous transporte donc dans un univers étrange, celui de la gratuité. Le berger s’active sans aucune rentabilité, et les brebis en s’engraissant n’ont aucune autre fonction, si non celle de faire la joie de leur berger.
Bien évidemment nous sommes invités à nous retrouver dans le rôle des brebis. Mais si les brebis n’ont pas de rôle à jouer, qu’en est-il de nous ? Avons-nous un rôle à jouer, et quel est le but recherché par Dieu en nous accordant la vie éternelle ? Aucun, si non son plaisir. Notre fonction sur cette terre serait donc de remplir Dieu de bonheur. Nous sommes donc transportés aux antipodes de ce que notre société nous propose aujourd’hui quand elle nous explique qu’il n’y a pas d’avenir sans rentabilité et que la rentabilité ne peut s’obtenir sans l’efficacité. Aux yeux de Dieu la réalité du monde se conjugue en d’autres termes et Jésus privilégierait volontiers les mots d’amour et de partage à ceux de rentabilité et d’efficacité.
Apparemment Jésus n’appartient pas à la même planète que ceux qui nous dirigent, il est comme le petit prince plus soucieux de la survie d’une fleur, d’un mouton ou d’un renard, que du bon fonctionnement d’un moteur d’avion.
Bien évidemment il ne faut pas être naïfs, nous devons quand même revenir dans notre société, car notre vie ne se déroule pas dans le rêve mais dans la réalité. Notre vie sur terre ne peut se résumer à cultiver un farniente inutile qui finirait par être tout à fait ennuyeux. Mais ce n’est pas non plus ce que Jésus veut nous dire. Il veut simplement nous rappeler que le but de notre vie c’est en priorité de faire plaisir à Dieu. Dieu, quand à lui, se réjouit quand les choses vont bien, il se réjouit quand la terre tourne correctement sur son axe et que les choses se passent parmi les hommes comme il le souhaite, quand tous sont correctement nourris et quand les malades sont soignés. Pour cela il faut que le respect de l’autre, l’amour du prochain, le partage des biens, la paix et la justice sociale soient au centre de nos activités et de nos soucis. Quand tout cela est respecté, les rouages du monde son bien huilés, et Dieu est satisfait. Tout cela n’exclut pas la rentabilité ni l’efficacité dont nous parlions tout à l’heure, mais ce n’est pas elles qui doivent avoir priorité sur nos actions.
J’arrête ici ces propos, parce qu’ils ne convainquent personne. Utopie, diront les économistes. « Ca ne pourra jamais marcher » diront les politiciens. « Ce n’est qu’un ramassis de rêveries » affirmeront les philosophes qu’une telle simplicité rebute. Pourtant ces idées que l’on vient de formuler ne sont pas nouvelles, ce sont celles de Jésus Christ lui-même.! Elles sont au cœur même des idées qui animent notre société occidentale. Pendant des siècles n’a-t-on pas fait de l’enseignement de Jésus la religion d’état ? Alors, pourquoi cela ne marche-t-il toujours pas ?
En fait les humains sont des créatures bizarres, ils projettent sur l’autre monde les idées que Jésus leur a transmises pour construire ce monde ci. Ils imaginent, qu’après leur mort, le monde reposera sur des règles qu’ils refusent de respecter dans celui-ci. Pourquoi attendre le monde futur pour vivre comme Jésus le souhaite alors qu’il est théoriquement possible de le mettre en pratique dès maintenant ?
Mieux! Je reviens alors au texte que nous méditons aujourd’hui. Dieu est allé plus loin encore que ce que nous pouvons imaginer. Il nous propose dès maintenant d’entrer dans l’éternité et de vivre dès maintenant d’une vie qu’il nous promet éternelle. Tous ceux qui croient en Dieu et qui ont compris que l’enseignement de Jésus est l’expression même de la volonté de Dieu ne mourront pas dit-il, car ils sont déjà passé de la mort à la vie.
Ce n’est donc plus notre fortune amassée tout au long de notre vie qui fait de nous des êtres remarquables aux yeux de Dieu. Ce ne sont pas nos capacités professionnelles qui nous distinguent aux yeux de Dieu, c’est notre capacité à entrer dans son harmonie. C’est notre faculté de pouvoir nous mettre au service des autres qui constitue l’huile que nous devons mettre dans les rouages du monde pour que celui-ci soit en harmonie avec Dieu.
A vue humaine, les hommes ne sont pas plus utiles ni plus rentables que des brebis que l’on n’élèverait pas pour leur tondre la laine sur le dos ou qu’on ne mangerait pas. En fait Dieu n’a pas fait des hommes ses partenaires sur terre pour qu’ils soient rentables mais pour prodiguer autour d’eux leur capacité à aimer et à vivre en harmonie avec les autres ; c’est sans doute à cause de cette capacité que l’Écriture dit qu’ils sont faits à l’image de Dieu.
Quelques textes liturgiques pour aider à la prédication, tous ces textes sont de ma plume et peuvent être modifiés au gré de l’utilisateur.
Ouverture
Une terre riche et généreuse, des villes bordées de maisons pimpantes et colorées, des gratte-ciels qui ne défigurent pas le paysage, des forêts, des champs, des parcs, des fleurs de partout et des enfants qui courent librement et qui jouent tous ensemble. Voila le monde que Dieu nous invite à construire.
Des hommes et des femmes qui vont et viennent, qui vivent et travaillent joyeusement ou qui profitent d’un repos bien mérité après un labeur gratifiant. Tels sont les sœurs et les frères avec qui nous devons partager notre existence et construire ce monde merveilleux où il fait bon vivre.
Tel est le monde envisagé par Dieu qu’il décrit dans les récits de la création racontés par les prophètes. C’est à la construction de cette société que Dieu nous convie et c’est pour ce projet qu’il nous a conçus. C’est à nous qu’il confie le soin de l’édifier malgré les réticences que nous lui opposons.
Confession des péchés
Nous avons pleinement conscience de notre incapacité à maintenir dans son état originel ce monde merveilleux où tu nous as placés. La beauté de l’univers, l’équilibre des saisons, La fraternité entre les humains, la collaboration entre les nations, tout est altéré par le mauvais usage que nous en faisons.
Pour nous justifier, nous nous réfugions derrière nos pensées généreuses,
nous nous cachons derrière nos bonnes actions, et ainsi nous nous absolvons nous-mêmes au nom de notre foi en toi.
Pourtant nous savons que tu ne tiens pas compte de tous nos faux semblants pour
nous rappeler que tu attends que tous les hommes se tournent vers toi d’un cœur sincère afin que la planète s’illumine d’espérance.
Mais tu ne renonces jamais à nous prodiguer ton pardon et à faire taire en nous toutes ces voix discordantes qui se voudraient plus fortes que la tienne.
C’est alors, Seigneur que, par la tendresse que tu nous prodigues, tu rends toujours possible la venue de ton Royaume de paix pour tous.
Action de Grâce – Pardon
Il y aura toujours de la place dans le cœur de Dieu pour celui qui s’approche de lui sans arrogance et qui lui dit son désir de toujours faire de son mieux.
C’est avec reconnaissance que Dieu lui offre son pardon et l’exhorte à avancer.
Il entre alors dans la joie de Dieu et participe à l’émerveillement de la nature transfigurée.
Prière avant les lectures
Seigneur, nous nous préparons à recevoir ta Parole avec joie, mais nous gardons en nous toutes sortes d’idées préconçues, car nous croyons tout savoir à ton sujet, si bien que nous n’attendons plus rien de ta Parole tant de fois entendue.
Donne-nous assez de sagesse et de modestie pour savoir faire le vide en nous, afin que Ta Parole y prenne toute sa place.
Bien que nous soyons un peuple toujours rebelle, nous voulons cependant rester toujours disponibles pour répondre à ton appel.
Que ta parole soit assez douce à nos oreilles pour ne pas nous heurter, mais qu’elle soit aussi assez forte pour mobiliser toute notre énergie et mettre tout notre être à ta disposition.
Confession de foi
Dire sa foi, c’est à la fois entrer en soi et aussi sortir de soi.
Quand je descends au fond de moi-même,
j’y rencontre Dieu qui s’offre à moi dans une intimité qui ne saurait se décrire.
Il me rejoint et m’offre sa tendresse de Père
dans une démarche semblable à celle que Jésus a décrite dans son Évangile.
Dieu m’y enveloppe de son amitié et je me laisse m’absorber en lui.
C’est ainsi que je deviens son enfant à l’égal de Jésus Christ.
Quand je sors de moi-même,
c’est l’Esprit qui habite au fond de moi qui me pousse à exprimer la joie
que la présence de Dieu manifeste en moi.
Le monde devient si beau que les mots semblent trop fades pour le dire,
et les hommes vers qui je m’approche me paraissent tous bons,
car le monde de Dieu n’est pas celui des hommes,
pourtant Dieu les invite à y entrer.
Une immense bonté que je voudrais partager avec tous m’envahit
car déjà la résurrection qu’a connue Jésus Christ s’empare de moi.
Par elle je m’approche de l’éternité qui est au bout du chemin où Dieu m’attend